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Kronik KC Ranzé

Devoir de mémoire

28 janvier 2024, 09:10

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Devoir de mémoire

La mémoire est courte. Surtout que les nouveaux circuits de «l’information», menés en cela par Facebook, TikTok, Twitter (qui se nomme désormais ‘X’) ou Instagram ne cessent de déformer l’horizon de l’information, en réduisant la durée d’attention à une ‘nouvelle’ au temps d’un frisson, souvent d’ordre émotionnel. C’est ainsi que l’on perd le sens de la perspective et que les scandales, pour gros qu’ils soient, ont tendance à être balayés par les derniers grabuges en date. C’est ainsi que les dérapages de Candice, même si ce dernier n’a existé qu’in extremis, ont déjà déplacé les dérèglements de Belal… Seule constante entre ces deux circonstances : notre honte nationale !

Qui se souvient donc du Molnupiravir ?

C’était, commentait KC Ranze le 10 avril 2022, la pilule qui allait soi-disant nous guérir du Covid tant elle avait excité ceux qui achètent des médicaments pour le pays ! Trop même ! On achetait ainsi un million de pilules à travers CPN Distributors à Rs 75 l’unité alors que 800 000 de ces mêmes comprimés avaient été achetés, séparément, le 6 décembre 2021 à… Rs 9,30 pièce. À cette époque, on évoquait deux autres commandes de 1,2 million et 0,8 million d’unités achetées directement à des fournisseurs indiens.

Ce qui n’empêchait pas le ministère de la Santé de lancer, publiquement, un appel d’offres pour 5 millions d’unités de plus de cet antiviral, à la fin de février 2022 !

Nous ne savons pas si ces achats ont été faits depuis, ni combien de ces pilules ont été consommées, ni si des dates de péremption existent pour ces achats intempestifs, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a jamais eu autant de malades pour autant de Molnupiravir, même si les malades devaient être surdosés, avec même deux grosses poignées de pilules par jour…

Mais l’autre aspect scandaleux souligné alors était que cet antiviral n’était même pas très efficace ! C’était avant l’arrivée d’Omicron. En effet, si son fabricant, Merck, clamait, au départ, que sa pilule était à 50 % efficace, il devait se raviser, la queue entre les jambes, fin novembre 2021, puisque sur un échantillon final, ce taux n’était après tout, que de… 30 %. Le chiffre équivalent pour le Paxlovid de Pfizer était de 90 % et pour le Remdesivir de Gilead était de 87 % (*). Le ministère de la Santé ne savait pas, lui ?

De plus, en janvier 2022, Reuters annonçait, sans surprise, que le Molnupiravir était le médicament antiviral de dernier choix parmi les quatre alors disponibles aux États-Unis, alors que la France annulait sa commande de seulement… 50 000 cachets dès décembre 2021 et que l’Union européenne n’avait approuvé aucun achat de Molnupiravir ! Pas même un échantillon. L’OMS, de son côté, donnait une approbation conditionnelle et limitée en mars 2022, mais l’avis du Dr Peter English, entre autres, laissait les médecins vraiment dubitatifs (**).

Les responsables des achats de médicaments au ministère ne savaient-ils pas ce que savait le reste du monde à ce moment-là ? N’ont-ils pas accès à l’internet comme moi ? Qu’attend l’ICAC (ou la FCC) pour nous dire toute la vérité sur ces achats tant inopportuns que surévalués et sur leur utilisation subséquente ? Le contribuable n’a-t-il aucun droit à la vérité dans ce pays ? Et la famille des malades atteints de Covid qui seraient morts avec cette pilule peu adéquate, ne leur doit-on pas un mot d’explication et, au moins, des excuses ? QUI sont les vrais responsables de cette foirade ?

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Cela doit être plutôt désespérant de dépenser des dizaines de milliards de roupies pour construire de nouvelles routes, de nouveaux ponts comme celui – impressionnant – qui enjambe la GRNO à Coromandel, de nombreux «by-pass» qui évitent les villes et les villages un peu encombrés qui parsèment le pays et des noeuds de flyovers, comme à Mer Rouge ou à Phoenix ; alors que tous ces travaux ne font PAS disparaître les embouteillages ! Les plus grognons d’entre nous parleront de gaspillage de fonds publics, évoquerons l’imperméabilisation du territoire et du ‘trop de béton’, d’incompétence ou pire. Les plus raisonnables, constatant que le nombre de véhicules sur les routes augmente toujours bien plus rapidement que le pays ne peut consommer de l’asphalte par kilomètre carré, se diront que le mérite de ces travaux, c’est que SANS, la situation aurait été bien pire ! Les plus futés, constatant que le nombre de véhicules par kilomètre de route ne va pas baisser de sitôt, proposeront que les véhicules dont l’immatriculation est d’un nombre pair (puis impair) ne soient acceptés sur les routes, qu’un jour sur deux. Les plus ‘malins’, si fortunés ou bénéficiaires de duty free, achèteront deux véhicules, l’un pair, l’autre impair… Quand l’on aura fait la liste de toutes les exceptions inévitables, elle sera tellement longue, que nous serons encore et toujours dans des embouteillages…

Cela ne peut être qu’inquiétant qu’après des promesses d’eau 24/7 datant de 2014 et encore quelques dizaines de milliards de roupies de travaux divers, y compris au moins un nouveau réservoir et des milliers de kilomètres de tuyaux neufs, noirs et bleus, que l’on soit encore avec des quartiers entiers de robinets secs… et une nouvelle définition du 24/7 ! Et, sauf s’il pleut à la Toussaint, comme en 2023, que l’on va subir, en saison, des coupures d’alimentation qui ont, il est vrai, au moins le mérite d’arrêter, pour un temps, les fuites d’eau de… 60 % dans le réseau de distribution !

Cela ne peut être que révoltant qu’une petite économie comme la nôtre ait trouvé bon d’aligner quelque 445 millions de dollars sur 20 ans (le chiffre final n’est pas encore connu, mais la dévaluation de la roupie ne va pas aider… On en est à environ Rs 19 milliards pour le moment !), pour quadriller l’île du réseau Huawei baptisé «Safe City». L’idée, du moins officiellement, était d’aider la police à mieux surveiller la nation et à réduire tant le taux de criminalité que celui de trafic de drogue et ainsi ‘amortir’ le coût du projet.

Or, pour le trafic de drogue, on connaît la chanson des Rs 15 milliards de drogues saisies depuis 2015, mais pas la réponse à la question de savoir quel pourcentage du total de drogue commercé était ainsi saisi ! Cependant, anecdotiquement, tant les saisies que les usagers réguliers augmentent tous deux et font craindre le pire…

Quant à la criminalité, à l’hypothèse que 2018 soit la première année d’impact entier de Safe City, Stats Mauritius nous dit que le nombre total de crimes annuels est passé de 6 569 à 6 846 en 2022 (taux de criminalité de 5.2 à 5.4) et que le nombre de cas de drogue est passé de 4 267 à 4 502 sur la même période. Par contre, les contraventions au code de la route (y compris les excès de vitesse) auront diminué de 243 425 en 2018 à 113 977 en 2022, mais ce progrès est sans doute plutôt une conséquence d’amendes plus sévères… Et, en passant, cela ne semble pas avoir du tout réduit la mortalité sur les routes !

Dans la même veine, le budget annuel du ministère de l’Éducation de quelque Rs 19 milliards aurait dû avoir évité au gouvernement le désastre des résultats de l’Extended Programme (taux de réussite de 8,3 %) et le ‘pass rate’ apparemment tellement gênant du National Certificate of Education, que le révéler pourrait, selon la ministre «stigmatiser les élèves»… Quant à celui de la Santé d’environ Rs 16 milliards, cela ne nous a évité ni les problèmes réguliers d’intendance à l’hôpital, ni l’omerta par rapport aux 11 dialysés morts pendant la pandémie. Les investissements bilanciels de Rs 23 milliards de la Mauritius Ports Authority, ainsi que des dividendes payés de Rs 3 milliards, n’ont pas, non plus, empêché la Banque mondiale de classer Port-Louis 327e port sur 344 pour son efficience ! Les sommes colossales englouties par Airport Holdings Ltd et sa filiale Air Mauritius, dont les derniers Rs 25 milliards reçus d’une MIC plutôt arrangeante, n’ont pas, en finalité, empêché/compensé les ventes d’avions absurdes qui auront, en conséquence, causé le renvoi de nombreux vols en pleine période de pointe ; ni les cacophonies occasionnelles à l’aéroport.

Il y a, d’évidence, des problèmes partout. Rien n’est certes, parfait dans ce bas monde, mais si ce n’est pas nécessairement le manque d’argent qui fait perdurer nos problèmes à nous, dans notre pays, c’est quoi donc ? L’absence de plans mûrement réfléchis et intégrés ? Une gouvernance approximative ? Trop de sparadraps et pas assez de chirurgie ? Le népotisme ? Le manque de transparence ? La corruption ? L’État-tétine ? Le manque de compétence et de professionnalisme ? À regarder notre bilan : all of the above and more !

(*) Yale Medicine l 9 Things You Need To Know About Molnupiravir, a New COVID-19 Pill

(**) L'express l Perspectives