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Conférence académique

Diaspora chinoise : un patrimoine qui ne demande qu’à sortir de derrière le comptoir

7 juillet 2025, 16:00

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Diaspora chinoise : un patrimoine qui ne demande qu’à sortir de derrière le comptoir

■ Peggy Lampotang, auteure de «The coral heart», en conversation avec Nikhita Obeegadoo.

Trois jours – du 3 au 5 juillet – pour donner de l’épaisseur académique au vécu des Mauriciens d’origine chinoise. De «laboutik sinwa» à des figures marquantes comme les historiennes Madeleine et Huguette Ly-Tio-Fane, ou encore Marie Madeleine Lee, née Ah Chuen, qui fut ambassadrice de Maurice en Chine, en passant par le partage d’histoires personnelles émouvantes, «Stories of migration The Chinese diaspora in the indian ocean» a été riche en enseignements.

🟦 Plaidoyer.

Création d’une chaire de chinese mauritian studies à l’université de maurice

🔴 Plus qu’une idée, c’est un plaidoyer qu’a présenté Patricia Lee Men Chin, co-organisatrice de la conférence académique ayant pour thème Stories of migration The Chinese diaspora in the indian ocean. Elle a eu lieu du 3 au 5 juillet dernier à l’hôtel La Pirogue. Notre compatriote, Patricia Lee Men Chin enseigne au département de français de Dalhousie University au Canada.

L’objectif de cette conférence universitaire était d’être une courroie de transmission. Pour faciliter la «transition de l’expérience vécue au quotidien vers un espace de réflexion critique et de narration historique, afin de construire un héritage intellectuel», explique Patricia Lee Men Chin.

Elle souligne que dans cinq ans – en 2030 – il sera temps de commémorer les 250 ans de l’arrivée des premiers immigrants chinois à Maurice. L’universitaire a proposé une feuille de route. Invitant à «revisiter l’histoire de la présence chinoise à Maurice. La façon dont elle est enseignée dans les manuels scolaires à Maurice, pour transformer le vécu en un corpus de savoirs».

WhatsApp Image 2025-07-07 at 1.19.12 PM.jpegPatricia Lee Men Chin, de Dalhousie University au Canada, co-organisatrice de la conférence, avec sa mère Lisette.

Patricia Lee Men Chin a abordé sans détour la question des langues ancestrales. Selon elle, le hakka est «au bord de l’ex- tinction à Maurice. Même si Maurice est – avec le Surinamel’un des deux seuls pays hors d’Asie où le nouvel an chinois est férié, les langues ancestrales de la communauté chinoise, c’est-à-dire le hakka, le cantonais et le hokkien, n’ont pas été transmises d’une génération à l’autre, dans le système éducatif public. À la place, le mandarin est l’une des langues optionnelles proposées à l’école. Mais les linguistes le disent, le mandarin est une langue importée. Ce n’est pas la langue ancestrale» des Mauriciens d’origine chinoise.

L’universitaire a alors proposé la création d’une chaire de Chinese Mauritian Studies à l’université de Maurice. «Une chaire à notre image, qui reflète une identité marquée par l’histoire coloniale et le frottement avec trois autres langues, le français, l’anglais et le Kreol.» Une chaire qui s’intéressera aux religions pratiquées «soit dans la cohabitation, soit dans le conflit». Une chaire qui «sauvegardera une histoire façonnée par des difficultés, la résilience et des succès». Une histoire qui montre que la communauté d’origine chinoise a «négocié l’identité, les langues et le sens d’appartenance non seulement au sein de la ‘nation arc-en-ciel’. Mais aussi dans le vaste cadre de la diaspora chinoise».

Cette chaire aura – quand elle se concrétisera – la charge de valoriser «l’empreinte culturelle de la communauté d’origine chinoise». Une composante de la population mauricienne qui est en nette décroissance,«non seulement à cause de l’immigration vers l’Europe, les États-Unis et l’Australie, mais aussi sur le plan culturel». Cette chaire servira à «coordonner les recherches, des activités de niveau universitaire pour sauvegarder cette identité».

Pour Patricia Lee Men Chin, «il faut donner sa place à ce patrimoine intangible dans la recherche universitaire».La chaire aura alors autorité pour organiser des conférences, réaliser des publications, entreprendre des recherches. Maurice pourrait s’inspirer de modèles existants dans des universités américaines et canadiennes. Exemple : l’University of California Los Angeles (UCLA) Centre for Chinese Studies qui existe depuis 1986. Il s’intéresse à des domaines aussi variés que le droit, la médecine, les sciences politiques, les littératures, l’archéologie, l’anthropologie etc.

🟦 Focus.

L’expérience vécue sous la loupe universitaire

🔴 Reprendre le fil d’une histoire «toujours méconnue au-delà des stéréotypes». Nikhita Obeegadoo, qui est actuellement au Department of romance languages and literatures de l’université de Chicago, est co-organisatrice de cette conférence, qui en était à sa seconde édition.

L’une des particularités de cette conférence acadé- mique : elle s’est focalisée sur le vécu chinois – et par extension le vécu de la mixité – au sein de la société mauricienne.

En ouverture, Peggy Lampotang est revenue sur son roman The coral heart, inspiré de l’histoire de son père. En toile de fond: l’histoire d’amour impossible du personnage avec une jeune fille hindoue. «La question du mariage entre communautés n’est pas un sujet que l’on aborde facilement. Sans diaboliser les pressions subies, en les traitant de racistes, le roman permet de comprendre, sans juger, l’origine de ces pressions face à ce qui est perçu comme une tentative de dissoudre la communauté. Avec ce sujet en ouverture, nous sommes sortis de la démonstration académique pour entrer dans le dialogue», détaille Nikhita Obeegadoo.

Elle-même s’est penchée sur le séga Mo pa koz mandarin d’AfroJaune. Dans ces paroles, elle voit à la fois une «revendication très forte du mauricianisme».Et une énigme. «Mo pa koz mandarin/mo enn sinp ti Morisien.» Ce qui lui fait se demander: «kifer enn sinp ti Morisien pa kapav koz mandarin?»

Pour Nikhita Obeegadoo, le séga, les romans font partie d’un ensemble de connaissances. «Les connaissances académiques ne règnent pas au-dessus de l’expérience vécue. Au contraire, l’expérience vécue nourrit les connaissances académiques. Nous avons voulu démontrer qu’il existe une autre façon de faire.»

WhatsApp Image 2025-07-07 at 1.19.12 PM (1).jpegSur cette photo de famille utilisée pour les besoins de la conférence, la mère de Patricia Lee Men Chin est à l’extrême gauche. Elle avait dix ans, dans les années 1950, quand la photo a été prise.

🟦 Hommages.

Trois parcours de femmes hors pair

🔴 Des trajectoires singulières. Ont été évoquées, la contribution des sœurs Madeleine et Huguette Ly-TioFane au corpus historique. Auteurs prolifiques, elles ont laissé de nombreux ouvrages de référence.

Ensuite, Flair Donglai Shi, de la Shanghai Jiao Tong University, s’est penché sur le livre de Marie Madeleine Lee, née Ah Chuen, qui a été ambassadrice de Maurice en Chine.

Trait d’union entre ces trois parcours de femmes : l’entrepreneur et mécène Philip Ah Chuen. Il a puisé dans ses archives personnelles pour contribuer à l’hommage rendu à Madeleine et Huguette Ly-Tio-Fane. Présent à la conférence, il a confié sa «surprise de voir qu’un universitaire avait écrit sur ma cousine, Madeleine Lee» .Thème de la communication de Flair Donglai Shi : Toward a bilingual construction of Sino-Mauritian identity: island nationalism and ethnic pride in Marie Madeleine Lee’s life writing. L’universitaire a expliqué que c’est par un heureux hasard, lors de ses recherches sur des écrits en chinois de Mauriciens d’origine chinoise, qu’il est tombé sur le livre de Madeleine Lee.

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