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Didier Samfat : «Accéder au 5ᵉ Dan JKA est une étape, pas un aboutissement»

21 juillet 2025, 05:51

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Didier Samfat : «Accéder au 5ᵉ Dan JKA est une étape, pas un aboutissement»

Initié en 1988 au karaté, Didier Samfat vient d’être promu au rang de 5ᵉ Dan de karaté à la JKA. © JKA Mauritius

Le 11 juin dernier, au Luxembourg, Didier Samfat a été promu au rang de 5ᵉ Dan. Le passage de grade a été supervisé par le Shihan Koichiro Okuma, directeur exécutif des affaires internationales de la Japan Karate Association (JKA) à Tokyo et instructeur en chef pour notre pays. Pour le Mauricien, obtenir un 5ᵉ Dan ne fait pas de lui un être supérieur aux autres. C’est plutôt l’aboutissement d’un cheminement personnel.

🟥Vous avez été initié au karaté en 1988. Un 5ᵉ Dan fait-il de vous un meilleur karatéka ?

Non, un 5ᵉ Dan ne fait pas de moi un meilleur karatéka. Même si, pour y accéder, c’est tout un cheminement et que cela nécessite une préparation. Par ailleurs, en japonais, le mot Dan signifie aussi étape. Il n’est pas un aboutissement mais une étape. En outre, il y a une expression japonaise où l’on dit souvent «Dan Dan», qui signifie «step by step, étape par étape.» Or, cette nouvelle étape m’a appris plus d’humilité en karaté. Car plus on avance dans l’art, plus on se rend compte qu’il y a beaucoup de choses à apprendre et qu’on est encore bien loin de l’excellence. Ce grade exige une compréhension approfondie des techniques : la respiration, le kime, le positionnement du centre de gravité… Chaque mouvement, même simple, évolue dans sa profondeur. Les Dan ne sont qu’un marqueur du chemin parcouru.

WhatsApp Image 2025-07-21 at 09.26.49 (1).jpegPhoto de famille avec Teiva Samfat (à g.), le Shihan Koichiro Okuma (c.) et Didier Samfat. © JKA Mauritius

🟥Que recherchiez-vous en passant votre examen de 5ᵉ Dan ?

Personnellement, je l’ai fait pour me situer par rapport aux ceintures noires au niveau international. Pour être plus précis, j’ai voulu passer mon 5ᵉ Dan en Europe et non à Maurice, pour voir où je me situais au niveau européen, notamment au Luxembourg. Je voulais aussi voir où j’en étais au niveau de ma progression personnelle. Dans mon cheminement, mon entraînement, je constate que plus on monte et qu’on s’entraîne, plus on découvre des choses par soi-même dans le karaté. Cela dit, passer un tel examen peut aussi vous permettre de progresser dans d’autres domaines relatifs à cet art martial.

🟥À quelle autre progression faites-vous allusion ?

À la JKA, hormis ces Dan, il y a d’autres examens : l’examen d’instructeur pour la pédagogie, celui d’examinateur pour évaluer les élèves pour l’obtention de grades, mais également l’examen de juge. Un 4ᵉ Dan me permet uniquement d’être un instructeur C. Mais avec un 5ᵉ Dan, je peux passer un examen d’examinateur de niveau B. Si je ne passais pas mon examen de 5ᵉ Dan, je serais resté bloqué dans ma progression dans ces autres domaines du karaté.

🟥Revenons à votre passage de grade. Comment vous y êtes-vous préparé ?

Ma préparation pour l’obtention d’un 5ᵉ Dan a d’abord été un travail personnel à la maison. Quelques semaines précédant la date de mon examen, je suis allé en Norvège pour des cours spéciaux pour les ceintures noires de 3ᵉ, 4ᵉ, 5ᵉ Dan et plus, avant d’aller au Luxembourg pour suivre un gasshuku (stage d’entraînement) et enfin subir le passage de grade, où deux candidats, un Luxembourgeois et moi-même, étions en lice pour le 5ᵉ Dan. Il y avait d’autres Européens présents.

WhatsApp Image 2025-07-21 at 09.26.49.jpegDidier Samfat (à dr.) officiant en tant qu’arbitre principal lors d’une compétition de la JKA Mauritius à Côte-d’Or il y a 2 mois. © JKA Mauritius

🟥L’examinateur, le Shihan Okuma, est réputé sévère. Est-ce que ce passage de grade s’est fait comme une lettre à la poste pour vous ?

Cela a été très difficile, étant donné que le Shihan Okuma est plus exigeant avec ceux qu’il connaît bien, comme moi, qu’avec ceux qu’il connaît moins. On a commencé par le kihon (la base, celle pour les ceintures noires). Il y a eu les kata Tekki Shodan, Tekki Nidan et Tekki Sandan, suivis d’un Tokui kata (kata préféré). Le mien, pour l’examen, était Jion (fait par les 5ᵉ Dan ceintures noires). Il y a eu ensuite un kumité. Il n’y a pas eu de chrono, ni d’arbitre. J’ai dû faire un combat contre l’autre karatéka qui passait l’examen de 5ᵉ Dan, puis un jeune de 25 ans, extrêmement rapide. Il n’a pas pu me toucher, bien que plus fort et rapide que moi. C’est là qu’on voit que l’expérience et l’intuition jouent. La vision du combat change avec l’âge et l’expérience.

🟥Comment expliquez-vous qu’à 56 ans, vous ayez eu le dessus sur un athlète plus jeune et plus rapide que vous ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est que quand on est ceinture noire 1ᵉʳ Dan, on s’intéresse plutôt à la forme, à l’exécution. Les jeunes utilisent leurs muscles externes pour donner des coups. Et plus on monte et qu’on prend de l’âge, ce qui est important maintenant, c’est la connexion corporelle et le placement des organes internes, avec le principe de la JKA de la compression-expansion. Un 5ᵉ Dan qui exécute un Heian Shodan, ce ne sera pas la même chose que le même kata fait par un 1ᵉʳ Dan. On pourrait y voir des similitudes. Mais l’œil averti verra qu’il y a des ingrédients spéciaux propres à chaque Dan. Et il y a tout un ensemble qui fait que le karaté de la JKA est un art martial Budo.

🟥On dit qu’on se bonifie avec l’âge. En tant qu’instructeur 5ᵉ Dan, est-ce que votre approche est différente ?

Avec le temps, la manière de voir le karaté est différente. L’âge du pratiquant et la durée de pratique combinés y sont pour quelque chose. Personnellement, j’évalue la qualité d’un artiste martial par le nombre d’heures de pratique dans sa vie. Avec l’âge, l’entraînement, les situations vécues de combat, on devient plus serein, plus reposé. Cela donne une autre vision du combat. Une jeune ceinture noire qui a de la vigueur, qui veut gagner, ne maîtrisera pas forcément ses émotions internes, un peu primales. En revanche, plus on prend de l’âge, plus on est en total relâchement.

WhatsApp Image 2025-07-21 at 09.26.48.jpegAvec une approche méthodique, le karatéka est parvenu à établir la JKA Mauritius sur l’île depuis 2016. © JKA Mauritius

🟥Bien que serein, ne serez-vous pas plus sévère avec vous-même ?

Avec l’âge, on devient plus exigeant envers soi-même. Avec les élèves, au dojo, c’est là où la pédagogie entre en jeu. Le niveau d’exigence qu’on aura pour une ceinture jaune ne sera pas le même que pour une ceinture marron. Cela fonctionne en fonction de la couleur de la ceinture, mais aussi des capacités physiques et intellectuelles de l’élève. L’idée de la JKA, c’est d’aider les élèves à atteindre leur potentiel maximal. Pour les élèves autrement capables, si on arrive à les faire accéder à leurs capacités maximales, voire avoir une ceinture noire, c’est gagné.

🟥À quand l’examen pour le 6ᵉ Dan ?

C’est plus compliqué. Il faut attendre au minimum 6 ans et préparer un mémoire sur un sujet que j’aurai choisi et sur lequel je ferai de la recherche. Il y a un volet théorique et un volet pratique. Cela dit, c’était mon dernier examen avec le Shihan Koichiro Okuma. Pour les 6ᵉ et 7ᵉ Dan, seuls deux personnes peuvent faire passer l’examen : les Japonais Oishi Takeshi Sensei, 9ᵉ Dan, Chief Instructor de la JKA, et Ogura Yasunori, 8ᵉ Dan, Deputy Chief Instructor. Enfin, à la JKA, le dernier examen, c’est le 7ᵉ Dan. Après cela, les 8ᵉ, 9ᵉ et 10ᵉ Dans sont honorifiques.

Fiche signalétique

Nom : Didier Samfat

Age : 56 ans

Parcours en karaté :

1988 : Initiation au karaté Shotokan à l’Ile de la Réunion.

1994 : Obtient son 1ᵉʳ Dan en 1994 en France avec le Sensei Guy Bigot, 8ᵉ Dan, de la Fédération française de karaté et chef instructeur de la Fédération européenne.

1996 : Retour à Maurice. S’entraîne avec la Kyoshi Georges Li Yin Ping jusqu’en 1998 dans son dojo à Port Louis. De 1998 à 2003, il marquera une pause et sera instructeur de plongée sous-marine.

2007 à 2008 : Avec son fils Teiva, reprend le karaté (Joshimon Shorin Ryu) chez Georges Li Yin Ping au dojo de Rose Hill au collège St Mary’s.

2010 – 2012 : Poursuite du karaté avec le Sensei Tej Beeharee, à Pailles. Tout en suivant ses cours, il obtient son 2ᵉ Dan de karaté shotokan avec le Sensei François Chan Liat de la Fédération européenne de karaté.

2012 - Avec Harold Patient. Pendant 2 ans.

2014-2015 : Passage à Madagascar dans un dojo de la JKA avec le sensei Daniel Liautier. Repasse ses examens de 1ᵉʳ et 2ᵉ Dans sous la JKA lors des 2 années consécutives. Années 2014 et 2015.

2016 : Le Japonais Koichiro Okuma vient à Maurice. La JKA Mauritius est fondée.

2017 : 3ᵉ Dan au Koweit.

2021 : 4ᵉ Dan en 2021 à Maurice.

2025 : 5ᵉ Dan au Luxembourg.

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