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Diego Garcia : gérer avec discernement une manne financière en devenir
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Diego Garcia : gérer avec discernement une manne financière en devenir
Le deal sur les Chagos est presque acté. Cela, après la mission fructueuse menée dans la capitale londonienne par une délégation dirigée par l’Attorney General, Gavin Glover. Un communiqué conjoint émis par Londres et Port-Louis, lundi, confirme que les progrès sont satisfaisants, que le dialogue bilatéral se poursuit pour arriver à un arrangement dans l’intérêt des deux parties et que les deux gouvernements ont réitéré leur engagement pour conclure un traité qui garantira primo, que Maurice pourra exercer sa souveraineté sur les Chagos et, secundo, le fonctionnement à long terme, sûr et efficace de la base militaire de Diego Garcia. Le Premier ministre a convoqué une réunion spéciale du Conseil des ministres ce mercredi pour passer en revue les derniers développements.
Ainsi donc, après 58 ans d’attente, le territoire des Chagos devrait légitimement être retourné à la République de Maurice. Or, aussi longtemps que le traité entre le Royaume-Uni et Maurice ne sera signé, il serait prématuré de crier victoire. L’investiture de Donald Trump comme président des États-Unis le 20 janvier pourrait constituer une pierre d’achoppement. Hostiles à tout accord scellant un retour de l’archipel à Maurice, les Conservateurs, avec en première ligne Boris Johnson, ou encore Nigel Farage, le leader de Reform UK, ne manqueront pas de jeter tout leur poids dans la bataille en jouant sur la carte Trump pour faire capoter cet accord historique. Déjà, les pourfendeurs du deal s’aventurent dans toute sorte de théories du complot, notamment celle de l’amiral Lord West, un ancien chef de la marine britannique, qui estime que Maurice s’est allié à la Chine et qu’abandonner le contrôle de Diego Garcia implique que cela pourrait ouvrir une porte à Beijing qui y verrait une opportunité pour accroître son influence militaire dans l’océan Indien. Même si ces théories paraissent farfelues et que contrairement aux Maldives, l’État mauricien est souverain et n’est ni pro-Chine, ni pro-Inde, il n’en demeure pas moins que ces détracteurs feront tout pour influencer Donald Trump aussitôt sa prise de fonction.
Malgré tout, le Premier ministre britannique, sir Keir Starmer, reste, jusqu’ici, fidèle à l’engagement qu’il avait pris avec l’ancienne administration de Pravind Jugnauth et semble résolu à mener les négociations à leur terme avec le gouvernement mauricien.
Le communiqué conjoint vient confirmer qu’il y a eu entente entre les deux gouvernements sur trois points majeurs. D’abord, sur la question du loyer de la base militaire de Diego Garcia, le bail devrait s’étendre sur 99 ans. Selon le Financial Times, le Royaume-Uni versera 90 millions de livres sterling (environ Rs 5,1 milliards selon le taux de change actuel) par an à l’État mauricien, soit un total de 9 milliards de livres sterling. Il ressort que c’est le même montant qui avait été agréé lors de l’accord politique du 3 octobre dernier. Ensuite, Londres a fait un compromis en accédant à la demande de Maurice pour un paiement anticipé lors du déboursement de la première tranche. Autrement dit, on touchera l’équivalent de plusieurs années de loyer lors du premier paiement. Finalement, Maurice devrait théoriquement conserver sa souveraineté sur tout le territoire des Chagos, y compris Diego Garcia. Cette souveraineté ne devrait pas être cédée aux Britanniques pendant la période du bail.
Reste, par ailleurs, à savoir quelles sont les conditions rattachées à la compensation financière. Est-ce que la totalité du paiement se fera en nature et viendra alimenter le Consolidated Fund ? Ou les Britanniques se proposent-ils de mettre en place un mécanisme d’aide au développement prenant la forme de mesures d’accompagnement pour des projets d’infrastructures. Ce sont des points essentiels sur lesquels la cellule spéciale sur les Chagos instituée par le Premier ministre devra se pencher.
D’un point de vue financier, Maurice touchera une rente équivalant à environ 0,72 % de son PIB. Si le paiement anticipé (upfront payment) pour la première tranche représente, allons dire, l’équivalent de cinq années de loyer, cela signifiera qu’on touchera tout de go l’équivalent d’environ 3,6 % du PIB (Rs 25,5 milliards). Avec une telle manne financière, le gouvernement devrait disposer d’un meilleur espace fiscal pour, d’une part, assainir les finances publiques et, d’autre part, financer son programme quinquennal. Mais il est essentiel que tout se fasse dans la transparence. Une solution serait que tout l’argent soit versé dans un fonds spécial et qu’on utilise ce trésor de guerre pour financer des projets spécifiques, visant à renforcer la résilience économique ou climatique, par exemple. Lors de la campagne électorale, l’ancien régime avait annoncé en fanfare qu’il utiliserait les milliards de Diego Garcia pour financer ses projets sociaux. Est-ce que les gouvernants actuels sont dans cette même perspective ? Dans tous les cas, cette réflexion par rapport à l’utilisation des fonds qui seront versés à l’État mauricien nous amène à la pensée qu’il est vital que le gouvernement place tout en haut sur sa liste des priorités l’adoption du Fiscal Responsibility Act.
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