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Droits constitutionnels versus réactions hystériques
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Droits constitutionnels versus réactions hystériques
Bien qu’il eût été bénéfique de la réécrire au plus vite afin que le principe énoncé par Lincoln du «gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple» repris, entre autres, en 1958 à l’article 2 du titre premier «De la souveraineté» de la Constitution de la République française soit une réalité, il serait bon aujourd’hui de rappeler un extrait de l’un des articles de la Constitution rédigée en 1968 de notre pays, la République de Maurice :
Article 12.
1. Sauf avec son propre consentement, il ne sera porté aucune entrave au droit de quiconque à la liberté d’expression, c’est-à-dire, la liberté d’opinion.
En effet, les réactions épidermiques, pour ne pas dire hystériques, à propos de la réflexion, incisive, de l’éditorialiste de l’express, relative à une forme de néocolonialisme, démontrent malheureusement le rabaissement de la notion de démocratie dans notre pays. Il n’a jamais été question dans son article d’une critique quelconque envers une religion, mais d’une analyse sur l’opportunisme de certains politiciens à utiliser la religion des uns et des autres pour servir leurs propres intérêts. Voilà tout simplement ce qui y était mis en exergue. En tout cas, c’est ce que moi j’ai compris.
Où sont donc les parangons de vertu, les chantres de la liberté d’expression face à l’acharnement de certains envers un homme qui ne fait qu’exprimer son point de vue, son opinion, son parti-pris que l’on peut certes partager ou pas, mais qui ne fait in fine que ce pourquoi il est payé ? Car enfin, il faut bien se rendre compte que c’est son métier : il est journaliste, que diantre ! J’aurais pu écrire «que diable» mais ce pourrait être mal perçu aux yeux de certains. C’est la raison pour laquelle je ne l’ai pas écrit. Ah mince... Je me rends compte que je viens de l’écrire ! Quel âne bâté suis-je !
On pourrait invoquer le fait qu’être journaliste induit une certaine objectivité. Mais qui a étudié la question sait qu’il n’existe jamais d’objectivité. À ce titre, il serait bon de se référer aux travaux et expériences de cinéastes tels que les frères Lumière, Georges Méliês, Jean Epstein, Jean Rouch, et j’en passe. En effet, même en utilisant une caméra fixe, en filmant donc un seul «point de vue», il existe toujours «un champ» et un «hors champ». Et en cela, ipso facto, la subjectivité est toujours de mise qu’on le veuille ou non, que l’on soit journaliste ou non, que l’on fasse des documentaires ou de la fiction. Je vous invite d’ailleurs à prendre connaissance du travail de Jacques Colom sur la question «Île Maurice. La liberté d’information à l’île Maurice droit fondamental de second rang ?»
Concernant les velléités de restriction de la liberté de la presse, celui-ci nous indique que le gouvernement Jugnauth, en admettant que le fils poursuive la politique de son paternel, est coutumier du fait. Pour rappel, en 1984 (tiens, tiens, l’année éponyme du roman d’Orwell...) n’avaient-ils pas voulu exiger une caution démesurée afin que les organes de presse puissent se constituer ? Dans le même esprit, n’avaient-ils pas engagé des poursuites envers 44 journalistes qui arrêtés lors d’une manifestation contre ce même projet de loi ? Ils avaient été à l’époque mis dans l’obligation finalement de revenir à la raison, et sur leur décision inepte. Et pour cause...
Il faut espérer cette même prise de conscience des aficionados du gouvernement actuel, les associations socio-culturelles, telles que l’association «Hindu House». Et merde, je l’ai écrit à nouveau ! Un véritable mécréant je vous dis… Le prisme religieux de certains et le fait de toujours prendre Dieu à témoin sont venus renforcer la croyance que tous ceux qui se prononcent, ou pourraient être perçus comme se prononcer, contre Lui sont maléfiques.
Liberté d’expression : De bien grands mots en réalité.
Les exemples de cette prétendue liberté se révèlent être, en réalité, une véritable parodie de liberté. Comment ne pas évoquer les déboires que subit l’un des plus grands humoristes de France selon moi : Dieudonné, dont la deuxième maison est la 17e chambre correctionnelle de Bobigny, parce qu’il a osé s’attaquer au lobby sioniste ?
On peut voir sur tous les plateaux télé les bardes de cette même liberté d’expression, tous les «Je suis Charlie» (je tiens à préciser ici que lorsqu’ils blasphèment l’Islam ou d’autres religions, je ne suis pas du tout Charlie), les Enthoven, les Fourest, les Val (pourtant rédacteur en chef de Charlie Hebdo de 1992 à 2004), les Valls, les Naulleau, etc., se pourfendre contre ce saltimbanque, contre ce «nègre» (traité ainsi par Pascal Bernheim de la Radio Suisse Romande dans l’émission «Tard pour Bar» du 27.11.08, «Peut-on rire de tout ?» animée par Michel Zendali).
Pourquoi ? Parce qu’il a fait un sketch en 2005 contre les colons sionistes (émission de Marc-Olivier Fogiel ,l’actuel patron de BFM). C’est toujours d’actualité du reste non ? La neutralité suisse, l’un des pays prétendument les plus démocratiques au monde, n’a pas joué en sa faveur.
Ainsi, le Tribunal fédéral vient de confirmer, en avril 2023, la condamnation de Dieudonné pour discrimination raciale. Selon l’arrêt, l’humoriste-polémiste ne peut se prévaloir de la liberté d’expression pour défendre ses propos sur les chambres à gaz tenus lors de spectacles en Suisse.
Dans un sketch joué en 2019 à Nyon et à Genève, le Français interprétait un passager québécois assis à bord d’un avion sur le point de s’écraser. Persuadé de mourir, le personnage lançait alors la phrase : «J’emmerde tout le monde ; les chambres à gaz n’ont jamais existé.» L’avion fictif atterrissant finalement sans encombres, l’humoriste ajoutait alors : «Il y a une boîte noire là-dessus ? Je crois que je suis mort là.» Il est donc condamné car l’un de ses personnages tient ces propos. Un personnage fictif ! Vous voyez l’affaire comme dirait l’autre ?!
Loin de moi l’idée de vouloir passer pour le réactionnaire de service, mais il est loin le temps des Desproges, et autres Coluche, Le Luron, Brassens, Ferrat, Ferré, et même Molière. Vous voyez toujours l’affaire ? (Pour ceux qui veulent comprendre la référence, je vous invite à prendre connaissance des travaux de Niousseré Kalala Omotunde qui est mort récemment, et dont on se demande d’ailleurs toujours la cause réelle à ce jour.)
On parle de Tariq Ramadan et de la maltraitance qu’il subit par les médias français (et certains autres européens) depuis des lustres parce qu’il dit tout haut, ce que les dirigeants de leurs gouvernements successifs ne veulent pas entendre ? Notamment sur le racisme systémique des institutions et leur islamophobie farouche qu’ils ne daignent même plus cacher ?
Quid de Salman Rushdie ?
Le 12 août 2022, un homme s’est précipité sur la scène de l’établissement Chautauqua, où Rushdie était sur le point de donner une conférence sur les États-Unis en tant que refuge pour les écrivains exilés. L’agresseur l’a poignardé à l’abdomen et au cou, selon la police et des témoins, s’efforçant de poursuivre l’attaque alors même que plusieurs personnes le retenaient.
Parmi les politiciens indiens qui ont condamné l’attaque figuraient Shashi Tharoor et Karti Chidambaram du Congrès national indien, le secrétaire général du Parti communiste indien (marxiste) Sitaram Yechury, le chef du Parti communiste indien (marxiste-léniniste) Kavita Krishnan, et la députée de ShivSena, Priyanka Chaturvedi.
L’experte en études islamiques Kylie Moore-Gilbert a écrit : «Plus de 30 ans et une prime de trois millions de dollars plus tard, la fatwa empoisonnée de Khomeiny a finalement rattrapé Salman Rushdie. Une journée noire pour les libertés de parole, d’expression, de religion et de conscience. Un jour tragique pour la littérature.»
Pour revenir à notre cher et tendre pays, on parle de la mort plus que suspecte de Kaya ? Ça fait 25 piges que l’on n’en a pas trouvé les causes et surtout les responsables de son décès.
Qui parmi ces gens qui se rabaissent à la condamnation d’un éditorialiste ont déjà pris la peine de tenir entre leurs mains Le Canard Enchaîné, hebdomadaire satirique français fondé en 1915 ?
Qui suit de près les débats au Lok Sabha en Inde ? Tout récemment, Shashi Tharoor vient de faire une sortie virulente contre le BJP de Modi. On est tenté de se demander quelle sera la riposte de la Hindu House face à ces propos. Chaque argument avancé par cette association chouchoutée par la MBC a un parfum de sectarisme primaire.
On se distancie, hélas, chaque jour de notre identité et de nos idéaux contenus dans le terme «mauricianisme» et qui reste au cœur, me semble-t-il, des valeurs de l’express depuis sa création en 1963.
La démocratie a perdu de son aura à Maurice. Ici, on transforme le droit de penser en poison, carence pathologique d’une méconnaissance criante du monde international et des bases et principes de la démocratie. La colonisation, qu’elle soit indienne, européenne (française, anglaise, ukrainienne, russe) n’a pas fait que commencer. Elle perdure depuis des âges et ne fait que s’amplifier de jour en jour. Cette invasion, physique et intellectuelle, est un monstre qu’il faut combattre de toutes nos forces.
Les journalistes tels que Nad Sivaramen risquent de se trouver derrière les barreaux et il n’y aura malheureusement que très peu de citoyens intègres pour les défendre. Il faut tout de même saluer ici le courage de certains. Pour ma part, je ne suis pas encarté chez eux, mais Linion Pep Morisien (LPM) a montré à plusieurs reprises son implication, pour la défense de la liberté d’expression, faisant fi des pressions du pouvoir en place, notamment policières. Ils ne sont pas les seuls fort heureusement.
Merci à vous les défenseurs de la liberté d’expression!!! Merci surtout aujourd’hui à Nad SIVARAMEN et à l’express de s’exprimer!!!
1. Annuaire international de justice constitutionnelle Année 1989 3-1987 pp. 353-358 Fait partie d’un numéro thématique : La liberté de l’information
2. «Salman Rushdie attack prompts muted reaction in India and Pakistan [archive]», The Guardian, 13 août2022.
3. «Barring a few, Indian leaders mum on Salman Rushdie [archive]», The Economic Times, 13 août 2022.
4. «British-Australian academic Dr Kylie Moore-Gilbert spent 804 imprisoned by the Iranian regime on false charges of espionage» [archive du 13 août 2022], sur The Guardian, 13 août 2022 (consulté le 13 août 2022)
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