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Questions à...
Elsa Di Méo: «Il ne faut pas que les binationaux soient la cible pendant cette campagne»
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Elsa Di Méo: «Il ne faut pas que les binationaux soient la cible pendant cette campagne»
Elsa Di Méo, candidate du Nouveau Front Populaire pour la 10ᵉ circonscription des Français de l’étranger.
Elsa Di Méo est la candidate du Nouveau Front Populaire pour la 10ᵉ Circonscription des Français de l'étranger. Maurice en fait partie. Dans le cadre de sa campagne pour les élections législatives françaises, elle était à Maurice cette semaine et a accepté de répondre à quelques questions.
Vous êtes la candidate du Nouveau Front Populaire (NFP) pour la 10ᵉ circonscription des Français de l’étranger, dont fait partie Maurice. Quel est votre parcours ?
Tout d’abord, je suis ravie d'être à Maurice. C’était important pour moi de faire une vraie campagne de proximité malgré l'urgence dans laquelle ces élections législatives se déroulent. Cela me permet de voir des pays très différents, avec des communautés françaises qui ont beaucoup de problématiques communes mais j'y reviendrai. J'ai été désignée pour représenter le NFP et j'ai choisi comme suppléante Anne-Claire Yaeesh, qui est une Franco-palestinienne, installée en Jordanie et qui travaille, depuis 15 ans, dans l’humanitaire au Moyen-Orient. J’ai 42 ans et je suis une fonctionnaire française de la Caisse des Dépôts et Consignations. J'ai travaillé dans la coopération internationale française, puis aujourd'hui, dans la coopération européenne. De plus, je suis moi-même Française de l'étranger parce que je suis installé sur le continent africain depuis dix ans. D'abord en Afrique de l’Ouest, puis en Afrique centrale. C'était important pour nous de porter une candidature de Français et de Françaises de l’étranger afin d’avoir des élus qui puissent gérer les problèmes des Français de l’étranger. Donc, nous avons commencé la campagne avec un double programme qui se décline non seulement sur les problématiques locales mais aussi sur les problèmes rencontrés à travers les 49 pays.
Quels sont ces problèmes ?
Il y a, par exemple, l'accès à une école et un réseau français à l'étranger de qualité. Il y a aussi toute la question de l'accès aux bourses scolaires pour les lycéens et les étudiants, qui ont de plus en plus de mal avec Parcoursup. Cela devient de plus en plus coûteux et difficile. Administrativement, c'est un sacerdoce. Tout cela pour vous dire qu’il y a certain nombre de revendications sur la simplification des services français. Il y a aussi un programme de renforcement de ces services. Aujourd’hui, on constate que les logiques budgétaires et comptables depuis sept ans ont abîmé nos services à l’étranger. Il faut rapidement inverser la vapeur et réinvestir largement dans ces services pour pouvoir garder non seulement un lien avec notre pays mais aussi ce rayonnement français.
Nous trouvons également inadmissible que la France a été autant abîmée au niveau international car le président est inaudible. Nous sommes dans une France affaissée et affaiblie, qui ne rayonne plus sur la francophonie, et qui, en plus, a envoyé un message au monde pour dire que sa philosophie maintenant, c’était le repli sur soi et le projet de loi asile et immigration. C’est une casse de tout ce qui fait la tradition d'accueil française et d’ouverture sur le monde. Cela nous a été dit dans tous les pays. Les artistes ont des difficultés à accéder aux visas ou des intellectuels, qui ont des soucis à faire des allers-retours. Ou encore, tous les enjeux des binationaux. On m’a dit, à Madagascar et au Liban, que les démarches administratives sont aujourd’hui plus dures, avec un a priori lorsque vous êtres binational. Donc, on va devoir, dimanche, choisir un «véritable» projet de société. Quand on commence à dire qu’il y a des Français qui sont moins Français que les autres, que certains Français n'auront plus le droit d'accéder à des postes de responsabilité, cela mène à une chasse aux «moins Français que les autres». C'est inadmissible. La France que je défends est une France qui est riche, variée, métisse et plurielle.
Il n’empêche que dans la profession de foi de la députée sortante, elle a mis en avant dix points pour les Français de l’étranger. Dans le vôtre, il n’y en a pas. Concrètement, quel est votre plan ?
Nous avons beaucoup plus que dix points. Laissez-moi vous parler des centres médico-sociaux. Ici, vous avez la chance d'avoir accès à la santé de qualité. Dans notre circonscription, nous avons huit des dix derniers centres médico-sociaux français qui existent. Nous avons des propositions concrètes sur l'accès des Français à ces services-là. A Maurice, il y a aussi le service éducatif. On a vu, depuis les sept dernières années, une casse des établissements en gestion directe. On a vu l'augmentation des frais d’inscriptions. Nous avons pris l’engagement de porter un projet de loi à la fois sur le renforcement des bourses sociales que sur le renforcement des ressources humaines. On a proposé qu’il y ait des engagements clairs sur l'augmentation des finances des services consulaires et des services diplomatiques. Il y a moins d'argent pour les actions sociales. Les budgets se sont réduits. Si on veut pouvoir aider les plus faibles et les plus vulnérables des Français installés à Maurice, il faut que les budgets sociaux soient augmentés. Sur la question de l'accompagnement social, il existe des associations d'aide, qui assurent un certain nombre de rôles au sein des établissements français d'enseignements ou des services consulaires. Sur la question des mises à disposition d'assistantes sociales dans les établissements scolaires pour désengorger les services consulaires, nous avons fait encore une fois des propositions concrètes.
Nous prévoyons aussi la fin de Parcoursup. J'ai fait une proposition concrète sur le suivi des étudiants français à l'étranger pour qu’un guichet unique soit mis en place pour simplifier les démarches qui, actuellement, ont vocation de décourager.
Revenons à la circonscription. 49 pays, ça fait beaucoup…
Etre en contact avec les Français de l’étranger est totalement possible aujourd’hui grâce aux outils à notre disposition. Je serai une demie-journée à disposition de chacun des 49 pays de la circonscription, tout simplement parce que si on veut pouvoir avoir un lien régulier avec les Français, il faut qu’ils aient la possibilité de s’adresser directement aux députés.
Vous êtes quand même au courant du score des partis de l’extrême droite à Maurice…
C'est une question de bataille culturelle et idéologique. Nous ne pouvons pas laisser nos concitoyens et nos compatriotes binationaux avoir une cible dans le dos comme cela est le cas depuis quelques jours dans cette campagne. On ne peut pas laisser certains Français être traités comme des sous-français. Cela rappelle les heures les plus sombres de l'histoire française : les errements de Vichy. C’est ça, la philosophie à laquelle nous faisons face aujourd’hui. Le score des extrêmes est le reflet d’une démission et d'une complicité idéologique depuis quelques mois de la majorité gouvernementale, notamment sur le projet de loi de l’immigration. Je veux dire à nos compatriotes qu’ils peuvent me faire confiance pour mener cette bataille. Je l'ai menée en France quand j'étais une des responsables les plus engagées contre l'extrême droite parmi les partis de gauches. Je me suis réengagée dans cette campagne pour cela. Si j'ai accepté d'être candidate, c'est parce que me battre contre cette union de xénophobes est dans mon ADN. Pas une voix ne doit manquer au NFP pour pouvoir être l’alternative au Rassemblement National dans cette circonscription.
Vous êtes membre du Parti socialiste, aujourd’hui dans le bloc de gauche. Mais il y a quand même pas mal de critiques. Par exemple, il n’y a pas d’accord sur qui sera Premier ministre. Le NFP ne risque-t-il pas d’exploser ?
Gagnons d’abord ! Lorsque nous arriverons à cette question, c’est que nous aurons enrayé la poussée et le risque de l’extrême droite. Vous n'entendrez pas de moi un mot de division dans cette campagne. J'ai mon identité socialiste depuis 20 ans, je ne vais pas la cacher, mais aujourd’hui, je suis une fervente défenseure de l'union. Tous ces états-majors réunis nous ont permis d'offrir un autre chemin aux Français. C'est la seule chose que je vais dire pendant cette campagne. En politique, ce qui compte, ce sont les faits. Et les faits sont que tous les responsables ont rendu possible cette union. De toute façon, ce sujet a déjà été évoqué en long et en large. Ce sont les députés élus qui seront appelés à voter pour la personne qui sera Premier ministre.
Le NFP est très vocal sur la situation à Gaza. Sans minimiser la gravité de ce qui s’y passe, serez-vous aussi audible sur les autres conflits ? Surtout vous, qui êtes sur le continent africain.
Merci d’en parler car c’est un sujet sur lequel ma suppléante et moi sommes très sensibles. Dans notre circonscription, il y a plus de 17 pays en proie aux crises d’une extrême gravité et sur lesquelles le silence est assourdissant. Il y a le Soudan, le Yémen où la famine qui touche le pays est d’une gravité sans précédent. Il y a le Nigéria, avec les attaques sur les enfants scolarisés. Je ne vais pas faire toute la liste, mais nous l’avons fait. Je trouve d’ailleurs scandaleux que la député sortante n’était pas présente lors de la conférence de financement sur le Soudan, par exemple. C’était un moment où nous pouvions mobiliser très fortement la population de cette circonscription pour faire du lobbying sur l’opinion public. Ces Français résident dans ces pays et de ce fait, sont très au fait sur ces conflits. Donc oui, je suis très fière de notre position de clarification sur la Palestine, tout comme sur l’Ukraine. Le NFP est clair sur ces deux sujets, sur la paix et sur le respect du droit international. Il faut arrêter la politique à deux vitesses, on parle selon nos intérêts ou selon le bruit que font les crises. C'est insupportable. De la même manière, on ne peut pas avoir une vision des pouvoirs publics qui soit alignée avec nos intérêts économiques. On ne peut pas être un peu plus dur avec le Mali qu’avec le Tchad, par exemple.
Aujourd’hui, on a cassé tous les outils de coopération. Les fonds dédiés à l’aide publique ont été diminués. C’est inacceptable, surtout à un moment où les crises humanitaires se sont accrues. On parle de l'assistance alimentaire, de premier secours, de l'accès à des soins d’urgences. La France n’a pas tenu ses engagements. J'ai été, dans ma jeunesse, présidente du comité de la fondation Danielle Mitterrand dans le sud-est de la France. J'ai été administratrice d'une association de solidarité avec les travailleurs immigrés. J’ai fait des missions d'observation dans les camps de réfugiés au Sahara occidental. Sur ces sujets, les Français de l’étranger peuvent compter sur moi. Certes, la France ne doit pas se substituer à la souveraineté des pays et verser dans une vision néo-coloniale ou postcoloniale, mais il faut être aux côtés des populations qui souffrent.
Parlons du programme du NFP. Une des raisons qui explique le score du RN aux élections européennes est l’état de la sécurité et le pouvoir d’achat. Quel est votre programme sur ces deux points ?
Rien ne doit excuser le vote RN. Si on n'a des éléments qui permettent de comprendre et de se dire que les Français ont ras-le-bol, ils auraient pu faire un autre choix alternatif. Un des trois gros déterminants du vote de l’extrême droite est l’immigration et le soi-disant grand remplacement. Ils sont toujours d’accord pour qu’on mette la faute sur d’autres. Sur les binationaux et sur les immigrés. Face à cela, je pense que la réponse est la solidarité et qu’il ne faut pas renvoyer la responsabilité de ses propres maux sur les plus vulnérables.
Quant au pouvoir d’achat, le NFP est le seul à avoir une annonce sur des mesures très fortes. On parle d’augmenter le salaire minimum de croissance et les petites retraites. En parallèle, il y a la volonté de mettre en place des mesures sur des produits de première nécessité, à l’image de ce qui se fait à La Réunion. Je donne cet exemple car cela existe déjà sur le territoire français et cela produit des effets positifs. De cette manière, nos compatriotes peuvent avoir un paquet de consommation de base qui soit préservé des aléas du marché et du libéralisme. Depuis qu'on a fait cette proposition, nous sommes attaqués comme jamais sur l'idée qu'on voudrait dépenser plus. Ce n’est pas ce que nous avons dit. On dit tout simplement qu’on veut dépenser mieux, que la fiscalité soit plus juste. Les réformes menées depuis sept ans ont fait qu’il y ait moins d’impôts pour les plus riches. Nous, on souhaite que les 8 % les plus riches de la population française aient des augmentations d'impôts qui permettent de financer plus de solidarité nationale. Cela augmentera le pouvoir d’achat et permettra d’avoir des services publics de qualité. Cela nous mène à la sécurité. Quand vous supprimez la présence humaine sur des territoires entiers, quand vous remplacez les moyens humains uniquement par des vidéos, quand vous n'avez plus de médiation dans un certain nombre de quartiers, quand vous ne pouvez plus assurer de présence humaine dans les transports en commun, forcément, vous avez une augmentation de l’insécurité ou du sentiment d’insécurité. On est très cohérent du début à la fin dessus. On veut remettre des moyens là où il faut pour le service public et dans les établissements scolaires. Il est évident que lorsque vous réduisez le nombre d'adultes en postes vous avez moins de sécurité et de proximité. C’est tout un cercle vertueux que nous voulons créer avec la nouvelle loi de finance, qui sera votée avant le 4 août prochain.
Un autre argument qui s’inscrit dans la campagne est la transition énergétique. Avez-vous un plan ?
Dans les priorités, l’accent est mis sur Maurice sur cette question. On va revenir aux fondamentaux des engagements pris sur le climat. Aujourd’hui, l’économie doit reposer sur moins de coûts. La relance passera par des grands travaux d'aménagements d'énergies renouvelables. Cela doit donc se traduire dans les investissements économiques. On ne peut pas avoir de grands projets d'aménagement soutenus par la France, financés directement ou par des prêts garantis et qui ne soient pas 100 % durables et qui ne vont pas dans le sens des engagements sur le climat. A Maurice, il y a une volonté d'être très dynamique sur le sujet pour faire en sorte que l’île devienne un exemple en matière d'énergie renouvelable. C'est sur ce type de projets que la France doit mettre l’accent dans les partenariats.
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