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Talent émergent
Emlyn : «Ce que je chante, je l’ai vécu»
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Emlyn : «Ce que je chante, je l’ai vécu»

Emlyn a fait vibrer l’amphithéâtre de l’Institut Français, samedi dernier. Avec ses messages en Kreol pour protéger la nature et les océans, non sans évoquer les ravages des drogues synthétiques, elle s’y est produite avec le collectif de musiciens «Vann Siwa».
«Je ne suis pas une artiste de divertissement. Je ne critique pas les autres, mais je ne vais pas chanter sur un sujet s’il ne me tient pas à cœur.» Emlyn pose les bases. Nous sommes à une demi-heure de sa prestation dans l’amphithéâtre de l’Institut Français de Maurice. C’était le samedi 22 février, dans le cadre de la manifestation littéraire, théâtrale et musicale, Rose-Hill se livre…ces lieux qui nous lient.
«Ce que je chante, je l’ai vécu», affirme-t-elle pendant que les musiciens et choristes qui l’accompagnent, sous le nom de Vann Siwa, sont réunis en cercle, pour se concentrer avant le concert. «Après, des textes conscients peuvent être divertissants. Cela reste un show», reconnaît la jeune artiste.
Dans ce spectacle, la recherche de sons et d’instruments est visible. Emlyn en change plusieurs fois, passant du kabosy malgache, à diverses guitares. De sa voix puissante, elle entonne des onomatopées qui rappellent des incantations de peuples anciens. Plus la cadence s’accélère, plus la transe monte. Ce sont les tripes qui s’expriment.
Des cris enracinés dans les grains de Pointe-aux-Sables. Emlyn tisse sa filiation musicale vers la figure paternelle de Menwar. Elle l’a d’ailleurs invité au concert, samedi dernier. «Menwar se enn gran dimounn dan mo lavi.» Elle a eu l’occasion de l’accompagner lors de concerts. La présence de Menwar dans son paysage musical remonte à son enfance. «J’habitais pas très loin de chez lui à Pointe-aux-Sables. Pour prendre le bus, je passais devant chez lui. Pendant les répétitions, en pleine vague sagaï, kapav li pa kone, mo ti pe louke, mo ti pe tande.» D’où sa préférence pour la musique et les instruments traditionnels. «Je ne dis pas que je fais du sagaï comme Menwar. Il a révolutionné la musique traditionnelle. Il m’a inspirée, mais j’ai des couleurs musicales qui me sont propres. Après, il faudra lui demander s’il est fier ou pas.» La présence de Menwar en famille, au concert, samedi est sans doute une indication.
La filiation se voit aussi avec la présence de Kurwin Castel – qui a été un musicien de Menwar – dans le collectif Vann Siwa. Un nom qui signifie «vent de l’Ouest». Pour rappeler qu’Emlyn qui a grandi entre Pointe-aux-Sables et La Gaulette, a appris à écouter autant les murmures que la fureur du vent de l’Ouest. Un vent «qui (lui) parle tous les jours. Pa kone si divan la pe koz atraver mwa» mais l’inspiration vient de là. Toutes ses chansons sont en Kreol parce qu’Emlyn tient à valoriser la langue maternelle. «J’ai essayé d’écrire dans d’autres langues mais cela ne fonctionne pas comme en Kreol.»
Le projet Vann Siwa, «c’est l’aboutissement de dix ans de travail», souligne Emlyn. En 2018, elle avait gagné le concours Konpoz to lamizik. En 2022, elle a participé au festival Small island big song aux États-Unis. Ce qui l’a mise en contact avec d’autres artistes des îles, dont Putad, chanteuse issue du peuple indigène Amis de Taïwan, avec qui Emlyn a fait un duo intitulé Listwar zanset. En dehors de Vann Siwa, Emlyn a d’autres projets, comme One ocean, la suite de la collaboration avec des artistes issus de peuples indigènes. «Ces rencontres m’ont forgée à la fois sur le plan musical et dans ce que j’ai envie de raconter dans mes chansons. Même avant ces rencontres, j’avais des textes plutôt engagés, conscients. Je soutiens des causes comme la protection des océans et de la nature.»
«Le seul aéroport où je suis fouillée, c’est dans mon pays»
Emlyn porte des dreadlocks depuis l’âge de 15 ans. «Cela m’est arrivé de subir des discriminations pas sympas. Même à l’école.» Pour elle, depuis les cinq dernières années, «ça commence à changer. Il y a toujours des fanatiques, mais les mentalités évoluent».
Les effets de mode y ont contribué. «Je ne porte pas des dreads kouma enn lamod. Mais beaucoup le font. Quand j’ai commencé à porter des dreads, ce n’était pas bien vu.» Elle précise que les questions de foi sont d’ordre personnel, «mais je soutiens les rastas. Les discriminations existent».
Emlyn classe les jeunes et les tendances d’un côté, en les distinguant des positions de l’État et de la police. «À l’aéroport, ce qui me frappe le plus, c’est que le seul pays où je suis fouillée, c’est dans mon pays. Je ne dis pas que cela arrive tout le temps, mais comme je voyage assez souvent, li arive.» Emlyn confie : «Je ne fais rien d’illégal. Me ena touzour enn ti zafer dan mo leker. Eski bann-la pou fer manier avek mwa ? Même si je ne suis pas fouillée, je sens certains regards».
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