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Exploitation sexuelle et pédopornographie
Enfance volée: les adultes brisés de demain
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Exploitation sexuelle et pédopornographie
Enfance volée: les adultes brisés de demain
[Photo d'illustration]
Malgré la «Children’s Act 2020» et l’«Information and Communication Technologies Act», l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie perdurent, les lois n’étant pas suffisamment dissuasives. Comme l’expliquent plusieurs professionnels de différents corps de métier qui interviennent dans l’aide aux victimes et à leur famille, aussi bien que dans la punition des prédateurs, ou encore dans les créneaux de sensibilisation et d’éducation, les solutions et pistes d’améliorations futures sont multiples et doivent être envisagées de façon holistique.
Chaque année, de nombreux enfants mauriciens, souvent les plus vulnérables et marginalisés de la société, tombent entre les mains des prédateurs sexuels. Ces enfants sont manipulés, contraints à des actes sexuels, et exploités par profit ou pour la satisfaction perverse d’adultes. Nous avons fait appel à des professionnels pour aborder l’exploitation sexuelle des enfants, une psychologue du ministère de l’Égalité des genres et du bien-être de l’enfant (qui souhaite garder l’anonymat), ainsi qu’à Me Erickson Mooneeapillay, avocat pénaliste et directeur de l’organisation non gouvernementale Dis Moi, et au Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médico-légal de la police.
Le pays a été bouleversé par la vidéo d’une fillette de quatre ans, victime d’attouchements, qui circulait sur les réseaux sociaux depuis le samedi 23 mars. L’affaire a pu être révélée au public et aux autorités après qu’une habitante de Petite-Rivière a réussi à voler le portable du suspect. Jib Lal Mandal, un Népalais de 48 ans qui occupe un dortoir à Petite-Rivière, et Queency Lisebeth Ritta, la mère de la victime et âgée de 33 ans, ont été arrêtés samedi après-midi. Ils ont comparu devant la Bail and Remand Court sous une accusation provisoire de «causing a child to be sexually abused». Un autre cas marquant est celui de l’adolescente de 14 ans, une habitante de Forest-Side, qui a été vendue à plusieurs individus par sa voisine, qui a été arrêtée.
Selon la psychologue du ministère, des études ont montré que 33 % à 75 % des agresseurs sexuels d’enfants rapportent avoir été victimes d’abus sexuels pendant leur enfance. Selon la Children’s Act 2020, le terme «enfant» désigne une personne âgée de moins de 18 ans. Quant à l’ «exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales», elle fait référence à un éventail de crimes et d’activités impliquant l’abus sexuel ou l’exploitation d’un enfant (aussi bien des filles que des garçons) dans le but de tirer un profit financier pour une personne ou en échange de quelque chose de valeur, donné ou reçu par une personne.
La psychologie explique ainsi : «Voici quelques exemples de ces crimes : la prostitution d’enfants, le tourisme sexuel impliquant des activités sexuelles commerciales, la production commerciale de pornographie infantile, la transmission en ligne de vidéos en direct d’un enfant engagé dans une activité sexuelle en échange de quelque chose de valeur. L’exploitation sexuelle commerciale des enfants inclut également les situations où un enfant participe à une activité sexuelle en échange de quelque chose de valeur, comme de la nourriture, un abri ou des drogues.»
Elle ajoute que la motivation des prédateurs sexuels à agir de la sorte peut être complexe et multifactorielle. «Certains prédateurs peuvent éprouver une anxiété sociale élevée ou une faible estime de soi, ce qui les pousse à rechercher des relations sexuelles avec des enfants plutôt qu’avec des adultes. Certains peuvent avoir des pensées dysfonctionnelles qui les amènent à justifier leurs actions. Ils peuvent interpréter leurs désirs sexuels envers les enfants comme étant normaux ou même comme de l’amour, au lieu de reconnaître l’abus qu’ils commettent. D’autres prédateurs cherchent un contrôle total sur leurs victimes, ce qui peut inclure des abus sexuels. Ils exploitent la vulnérabilité des enfants pour satisfaire leurs propres besoins. Certains prédateurs peuvent présenter des lacunes dans leur développement émotionnel ou psychologique, ce qui peut les amener à rechercher des relations inappropriées avec des enfants plutôt qu’avec des adultes.»
Les victimes et survivants d’exploitation sexuelle commerciale font face à des effets à la fois à court et à long termes sur leur santé mentale et leur bien-être. «Ces incidents privent les victimes de leur enfance, et interfèrent avec leur développement émotionnel et psychologique. Ceci peut affecter leurs relations familiales et intimes, leur foi, leur éducation et leur carrière. Ces enfants peuvent ensuite devenir dépendants de l’alcool et des drogues, comme mécanisme de défense», précise la psychologue.
Me Erickson Mooneeapillay, avocat spécialisé en droits humains : «Le manque de contrôle parental, un facteur qui pousse les prédateurs à passer à l’acte»
Quelles sont les raisons de la prévalence des délits malgré la loi ?
Les raisons sont multiples et peuvent être liées aux facteurs sociaux et médicaux. La pauvreté peut être un facteur de promiscuité et d’isolement alors que certains détraqués sexuels veulent assouvir leurs pulsions sur des enfants sans défense. C’est inacceptable. Mais il faut éliminer les causes sinon ce phénomène va se répéter. Il faut aussi mettre sur pied des crèches qui opèrent 24/7. La société a changé. Les parents travaillent sur shift system et n’ont nulle part où laisser leurs enfants.
Quel est le mal-être de cette société ? Comment les mœurs se sont-elles détériorées au fil des années ?
On a bien l’impression que les mœurs se sont détériorées, mais avec l’avènement des médias, la propagation des nouvelles se fait très rapidement. C’est une bonne chose. Je pense aussi qu’il y a une sexualisation des comportements sur les réseaux sociaux. Cela pousse à la fausse normalisation de ce genre de comportements.
Non seulement voyons-nous que les prédateurs sexuels sont des suspects mauriciens, mais nous retrouvons aussi des étrangers. Pas plus tard que lundi, un Népalais a été arrêté pour attouchements sexuels. Qu’en dites-vous ?
Effectivement. C’est un phénomène mondial. Certains cyniques diront que la castration chimique est nécessaire. J’y suis opposé puisque dans les pays où elle est pratiquée pour des délinquants sexuels, on n’a noté aucune baisse mais, au contraire, une hausse des délits sexuels. Par contre, on a noté une baisse sur les violences sexuelles dans les pays comme la Suisse ou la Hollande où la prostitution est contrôlée.
Qu’est-ce qui pousse les étrangers à penser qu’ils ont le droit sur nos enfants ?
Il faut réprimander le crime sans toutefois pencher sur la xénophobie puisque c’est une problématique pénale et non raciale.
Comment éduquer nos enfants sur la pédophilie ?
L’éducation sexuelle doit commencer au plus jeune âge. Toutefois, dans la plupart des cas, les parents ne sont pas éduqués ou sont toxicomanes. Les services sociaux doivent identifier ces familles à risque et faire un suivi des conditions dans lesquelles ces enfants évoluent. Le manque de contrôle parental est un autre facteur qui pousse les prédateurs à passer à l’acte.
Comment éduquer nos enfants à se protéger contre les prédateurs sexuels en ligne, eux qui ont accès à une variété de contenus sur le net ?
Justement, ce sont les parents qui doivent restreindre l’accès aux contenus non désirés. Donc, il faut aussi éduquer les parents.
Est-ce que la loi est suffisamment sévère ?
La loi est déjà répressive. La répression et la punition sont importantes, mais l’éducation est essentielle.
Pensez-vous que les peines infligées pour les attouchements et actes sexuels ou l’exploitation sexuelle des enfants sont-elles sévères à Maurice ?
Je pense que c’est suffisamment sévère. Le prédateur qui passe à l’acte ne connaît pas la punition qui lui sera infligée. Et de toute façon, il ne s’attend pas à être pris. C’est pour cela que le contrôle parental est important. Un parent qui ne peut pas assurer la protection de son enfant le met en péril.
Si une toxicomane est enceinte, doit-elle poursuivre sa grossesse ?
La loi devrait pouvoir autoriser les femmes à mettre fin à une grossesse non désirée dans un cas de viol ou si le fœtus comporte un danger à tout moment avant l’accouchement. Quand l’enfant est né, il doit pouvoir être pris en charge par les services sociaux. Le suivi psychologique est tout aussi important.
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