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Entraîneur diplômé en Nouvelle-Zélande: le coach Djameel Rosun est-il surqualifié pour Maurice ?

13 novembre 2023, 15:00

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Entraîneur diplômé en Nouvelle-Zélande: le coach Djameel Rosun est-il surqualifié pour Maurice ?

Grâce à un cousin dingue de foot, Djameel Rosun a développé lui aussi une passion débordante pour le ballon rond dès son plus jeune âge. Très doué comme milieu de terrain, il essaie d’imiter son idole de Manchester United, Paul Scholes. «J’étais assez talentueux et je voulais arriver loin dans le football. Hélas, j’étais asthmatique, ce qui m’a bloqué pour la suite. J’avais le même style de jeu que Scholes, asthmatique lui aussi, mais vu que je ne pouvais mener une carrière de footballeur j’ai décidé de me lancer à fond dans le coaching», nous explique cet habitant d’Union Park.

Il se lance dans la filière classique des profs de Physical Education (PE teacher) de Maurice. Il se rend alors à Gwalior, en Inde, pour suivre un cours pour devenir prof de sport avec un test d’entrée physique et théorique de trois mois. Mais il est recalé au moment de partir en stage en montagne pour un mois: à cause de son asthme. «A l’époque, même le Premier ministre, Navin Ramgoolam, était intervenu auprès des autorités locales pour que je puisse continuer cette formation mais ils n’ont rien voulu savoir…», explique Djameel Rosun.

Loin de se laisser décourager, il explore d’autres possibilités pour se spécialiser en coaching. L’Angleterre, l’Australie et la Nouvelle-Zélande s’offrent à lui. Il optera pour la troisième option, plus abordable pour la bourse de ses parents qui n’hésitent pas à casser leur tirelire pour accomplir le rêve de leur fils (qui leur coûtera environ Rs 3 millions). Notre ami se jette à l’eau chez les kiwis en juillet 2011 en quête d’un Bachelor of sport Coaching Major (comprenant management, éducation physique et coaching avec une spécialisation en football). Un nom ronflant… mais qu’est-ce que ça vaut en réalité ? Il s’agit en fait d’un diplôme d’entraîneur permettant d’officier dans un club européen, hors des cinq grands championnats (c’est-à-dire Premier League, Liga, Série A, Ligue 1 et Bundesliga) ! En clair, c’est un certificat FA Level 4 ou une UEFA Licence A. Idéal pour entraîner dans des ligues professionnelles, en Championship anglaise, en Ecosse ou en Nouvelle-Zélande par exemple.

Un coach des All Blacks comme Lecturer!

Diplomé en 2016, notre compatriote a eu la chance d’avoir un ancien coach des All Blacks parmi ses Lecturers, Andrew Hewetson, et son examen final était assisté par la fédération de football d’Auckland. Concernant sa carrière de footballeur, il a pu jouer au niveau universitaire en Nouvelle-Zélande et pour l’équipe semi-pro de Metro FC (D2 locale). Hélas, une grave blessure au genou l’oblige à rentrer au pays pour se faire opérer en 2017.

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Au niveau de ses réalisations en Nouvelle-Zélande, il a coaché l’équipe universitaire, créé un programme de développement du football pour l’université ainsi qu’une ligue pour les étudiants (regroupant 36 000 personnes). «J’ai également entraîné une équipe féminine U14, St-Cutberts, avec des filles qui n’avaient jamais tapé dans un ballon de leur vie et encaissaient des 15-0 à leurs débuts. Mais après un travail psychologique avec elles et leur avoir appris les bases, en se concentrant sur les passes et le jeu, à la fin elles s’en sont tirées avec un nul et même une victoire. Une sacrée performance pour elles», raconte Djameel Roosun, qui a été félicité par le responsable de son université pour cette réussite.

Retour difficile à Maurice

De retour à Maurice en 2016, sans même attendre ses résultats, il débute comme prof de PE au collège St Helena, où il travaillera d’ailleurs neuf mois sans salaire. Mais Djameel Rosun a une vision et un projet pour son pays. «J’ai un but pour Maurice, j’aimerais faire un programme de coaching. On ne peut pas se contenter des Jeux des îles tous les quatre ans pour l’avenir du football de notre pays. On ne se qualifie même pas pour une Coupe d’Afrique. La seule remonte à 1974 à l’époque de Mamade Elahee. Nous sommes aussi développés que les autres pays d’Afrique mais pourquoi on n’a pas de résultats ?» s’interroge-t-il.

Depuis son retour à Maurice, notre ami a contacté quelques personnes importantes du giron sportif et du football mauricien, comme Mubarak Boodhun, Senior Adviser du ministère des Sports, Akbar Patel et Rajen Dorasami. Ils ont écouté ses propositions mais ils n’ont hélas pu l’aider à aller de l’avant. Nul n’est prophète en son pays semble-t-il. Certains ne comprennent même pas quel diplôme il possède, alors que d’autres semblent en avoir peur…

Notre ami a aussi eu plusieurs expériences infructueuses en contactant le DTN Sébastien Sirop, la MFA qui le fait suivre un cours à Souillac, puis en donnant un coup de main à l’école de foot de Rivière-des-Anguilles. Il se rend compte qu’on ne veut pas forcément de lui dans le milieu et doit évoluer dans d’autres sphères professionnelles pour gagner son pain… en attendant d’être enfin reconnu en utilisant ses compétences.

Il n’empêche que notre compatriote possède des qualifications très rares à Maurice, que s’arracheraient la plupart de nos coaches locaux, et qui devraient logiquement servir dans un pays comme le nôtre qui galère pour relancer le sport roi…

«Un ancien joueur ne fait pas nécessairement un bon coach»

Certains lui ont même dit qu’il ne pourrait pas devenir coach à Maurice s’il n’a jamais joué comme footballeur de haut niveau ! «Incroyable mais vrai… je suis resté estomaqué en entendant ça, mais on m’a vraiment dit ça ! C’est une fausse conception du métier d’entraîneur. Moi j’ai eu des pépins personnels de santé, avec mon asthme puis mon problème au genou au cours de ma carrière de jeune footballeur, mais on n’est pas obligé d’avoir été un joueur pour entraîner. Il y a plein d’exemples prouvant le contraire : Arsène Wenger, Avram Grant, Andre Villas-Boas, Roy Hodgson ou encore plus récemment Will Steel, le coach de Reims en Ligue 1, qui a été découvert à travers le jeu Football Manager !», rappelle Djameel Rosun.

Djameel Rosun nous cite aussi les exemples de grands joueurs qui sont devenus de piètres managers: Gary Neville, Roye Keane, Ruud Gullit ou Frank Lampard. «Pour moi, le coaching c’est plus psychologique et technique que physique. Si nou cose dribbles, passes, tapé, compréhension tactique, c’est bane zafaire qui tou zouere conné. Mais ene coach bisin capave travail l’aspect psychologique de sa sport la aussi. Par exemple à Maurice, mone observe la Super League la saison dernière mais hélas tous les 18 lekip zoué pareil ! Mo croire depi 2011 ziska zordi nou pratique meme style de jeu : nou tapé depi derriere, long ball, de la défense vers l’attaque, sans servi bane demi, a ene exception près peut-être. Sans vouloir donne leson personne, mo pensé ena l’autre facon zoué football et évolué pou Moris et l’avenir nous sport roi.»

«Nos joueurs manquent de physique musculaire»

Et quel bilan pour le Club M, éliminé par la Réunion en demifinale, aux Jeux des îles? «Le Club M a été assez médiocre, on a manqué de présence, on a pas vu de jeu en triangle dans une zone par exemple. Mais en général, je constate que le joueur mauricien ne comprend pas vraiment comment marche une zone. J’ai l’impression qu’il nous manque la base: jeu en triangle, jouer dans différentes zones, le positionnement du corps, l’orientation du corps, les angles, les passes entre les lignes etc.»

Et comment changer tout cela «docteur» Rosun? «Il faut commencer par changer d’attitude. Souvent, à Maurice, quand on a un grand joueur à un endroit il est mis sur un piédestal et il peut devenir arrogant. L’humilité est primordiale pour aller plus haut.» Pendant sa formation, il a pu côtoyer des All Blacks, de l’équipe de rugby d’Auckland Blues, et il a été extrêmement surpris par l’humilité de toutes les stars qu’il a pu rencontrer.

«Ensuite, je trouve que nos joueurs manquent de muscles par rapport à ceux d’autres pays comme la Nouvelle-Zélande. Quand on regarde les jambes de nos joueurs, il leur manque énormément de travail en salle pour performer au haut niveau. C’est peutêtre la raison pour laquelle quelqu’un comme Ashley Nazira n’a pas eu sa chance quand il est parti en MLS, aux Etats-Unis ?» Selon lui, on ne souffre pas d’un manque de condition physique mais de physique musculaire.

Un «PE Teacher» n’est pas un coach

Notre interlocuteur regrette également le manque de cours de coaching à Maurice. «Il y a beaucoup de différence entre ‘coaching’ et ‘teaching’, ce sont deux métiers complémentaires mais différents. Souvent à Maurice, beaucoup de PE Teachers coachent des équipes alors que souvent ils ne sont pas qualifiés pour entraîner une équipe. En tant que coach professionnel, je trouve regrettable qu’on sous-estime le football chez nous et qu’on ne prend pas des gens qualifiés à la tête de nos équipes. Comme tout travail à Maurice, il faut avoir une expertise professionnelle avant de devenir un coach. Il y a un grand manque dans les cours de coaching au niveau de la MFA.» Une vraie lacune à laquelle la FIFA essaie de remédier en offrant davantage de formations ces dernières années, mais il est vrai que Maurice accuse un gros retard sur ses voisins…

Adesh Teelwah, qui vit à Rose-Belle et qui gère une équipe avec Djameel Rosun, est attristé de voir que ce dernier n’est pas reconnu à sa juste valeur. «Avec plusieurs amis on s’entraîne sous la supervision de Djameel et c’est impressionnant comme on apprend et on progresse ! Je trouve vraiment dommage qu’une personne aussi qualifiée ne puisse pas mettre ses compétences au service de Maurice. Football Moris dan grand problem et se avec bane dimoune coumsa qui nou capave remonte la pente.» Espérons que l’appel du pied de Djameel Rosun sera entendu dans l’intérêt supérieur du football mauricien.

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