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Journée mondiale de la population

Entre rêves et réalités : le dilemme des jeunes qui veulent avoir des enfants

12 juillet 2025, 18:00

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Entre rêves et réalités : le dilemme des jeunes qui veulent avoir des enfants

■ Le coût de la vie, entre loyers élevés et prix des produits de première nécessité, pousse certains jeunes à repousser l’idée de fonder une famille.

La Journée mondiale de la population a été célébrée hier autour du thème : «donner aux jeunes les moyens de fonder les familles qu’ils souhaitent dans un monde juste et plein d’espoir». Initiée par le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), cette journée vise à encourager une réflexion collective sur les multiples facteurs, personnels et sociétaux, qui influencent aujourd’hui les choix en matière de parentalité.

À Maurice, les données disponibles confirment certaines tendances. En 2024, 12 853 naissances ont été enregistrées, contre 12 872 en 2023, ce qui représente une baisse de 0,1 %. Le taux de natalité est resté à 10,3 pour 1 000 habitants. Par ailleurs, le nombre de mariages a aussi reculé, passant de 8 471 à 8 036 sur la même période. Le taux de nuptialité a diminué de 14,1 à 13,4 pour 1 000 habitants.

Dans ce contexte, le débat démographique dépasse la seule question du vieillissement de la population. Pour le FNUAP, il s’agit surtout de savoir si les jeunes peuvent faire des choix libres et éclairés concernant la reproduction. Or, plusieurs contraintes économiques, sanitaires, sociales ou psychologiques influencent ces décisions.

Sur le terrain, les témoignages recueillis reflètent cette réalité. Kunal, 32 ans, explique que son couple souhaite avoir un enfant, mais rencontre des difficultés. Sa compagne est atteinte du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), l’une des causes fréquentes d’infertilité. Malgré plusieurs tentatives de procréation médicalement assistée, ils n’ont pas encore obtenu de résultats. «Entre les examens, les traitements et les délais, on s’épuise moralement et financièrement», raconte-t-il.

Du côté des hommes, les difficultés liées à la fertilité sont de plus en plus reconnues, même si elles restent parfois taboues. Plusieurs études montrent une baisse de la qualité du sperme ces dernières années. Ce phénomène est souvent lié au mode de vie actuel : le stress quotidien, la sédentarité, une mauvaise alimentation, ainsi que l’exposition à certaines substances toxiques comme les pesticides, les perturbateurs endocriniens et la pollution. Ces facteurs peuvent affecter la quantité, la mobilité et la forme des spermatozoïdes, rendant plus difficile la conception naturelle.

Jasson, 35 ans, a vécu cette réalité de près lorsqu’il a appris lors d’un bilan médical que son taux de spermatozoïdes était faible. «C’était un choc pour moi. Je ne m’attendais pas à ça du tout.» Avec son épouse, ils ont décidé de se tourner vers un traitement de fertilité en Inde. Ce sera leur deuxième voyage dans ce pays pour tenter d’avoir un enfant. Le couple explique que la procédure coûte une fortune, entre les frais médicaux, les déplacements, les traitements hormonaux et les séjours prolongés. «On est prêts à faire des sacrifices, mais c’est un parcours émotionnellement et financièrement très difficile», confie-t-il.

En dehors des aspects médicaux, des considérations financières freinent aussi les projets de parentalité. Plusieurs jeunes mentionnent le coût de la vie comme un obstacle majeur. Neha, une habitante de Rose-Hill, explique que les dépenses pour un nourrisson atteignent environ Rs 12 000 par mois. Cela inclut les couches, le lait et la garderie. À ces frais s’ajoutent ceux liés à l’éducation, la santé ou encore l’alimentation.

D’un autre côté, les conditions de travail peuvent poser problème. L’absence de flexibilité d’horaire pousse certains parents à réduire leur activité professionnelle. Une mère raconte avoir dû quitter son poste à mi-temps, faute d’aménagement possible de son emploi du temps.

Par ailleurs, la stabilité affective est un autre élément pris en compte par plusieurs jeunes. Certains redoutent d’assumer seuls la parentalité en cas de séparation ou de conflits. «Quand on voit le nombre de séparations autour de nous, on hésite», confie une jeune femme de 29 ans.

De plus, certaines inquiétudes sont liées à l’environnement global dans lequel grandirait un enfant. Les jeunes évoquent l’insécurité, les difficultés économiques, le manque de logements accessibles, ou encore la violence à l’école. Aadil, 34 ans, résume ainsi ses craintes : «On veut pouvoir les accueillir dans un monde où ils auront leur place.»

En lien avec cela, le sentiment que les repères éducatifs et culturels se fragilisent revient régulièrement. Aadil ajoute : «L’autorité parentale est souvent remise en question. Les enfants grandissent dans un monde où tout va vite et où les valeurs se perdent.»

Enfin, certaines femmes interrogées soulignent la charge mentale qui leur incombe, encore trop souvent de manière isolée. Yashna, mère célibataire, explique : «On attend beaucoup des mères, mais sans leur donner les moyens nécessaires. Si j’avais su à quel point j’allais devoir tout gérer seule, j’aurais peut-être attendu…»

Dans une enquête menée par le FNUAP et YouGov dans 14 pays, de nombreux jeunes adultes déclarent souhaiter avoir davantage d’enfants, mais y renoncent en raison de pressions économiques, sociales ou personnelles.

Face à ces constats, le FNUAP recommande la mise en place de politiques publiques adaptées. Il propose notamment d’élargir l’accès aux soins de fertilité, de revoir les congés parentaux, de développer l’éducation sexuelle, de garantir des logements abordables et de renforcer les mécanismes de protection sociale.

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