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L’océan nous regarde

Et nous, que faisons-nous ?

11 juin 2025, 08:15

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Et nous, que faisons-nous ?

Nice. Juin 2025. Une carte postale méditerranéenne, mais aussi le théâtre d’une urgence planétaire. La troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNO3) réunit les chefs d’État, les experts, les diplomates et les ONG dans une tentative – peut-être la dernière – de redonner souffle à un monde bleu qui se meurt sous nos yeux. On évoque à nouveau l’économie bleue. À Nice comme à Port-Louis, le refrain est le même. La mer est notre avenir.

Mais à force d’en parler, ce rêve bleu s’est dilué dans l’eau salée des promesses non tenues.

Car soyons honnêtes : cela fait une vingtaine d’années que nous entendons les mêmes engagements. Depuis le mandat de Navin Ramgoolam en 2005, les mots «économie bleue» figurent dans tous les discours politiques comme un mantra de développement durable. On y croit. On veut y croire. Mais dans les faits, l’économie bleue à la mauricienne reste une idée plus poétique que programmatique.

Oui, sur le papier, tout est beau :3 millions de kilomètres carrés de Zone économique exclusive (ZEE) depuis la restitution des Chagos, une biodiversité unique, un potentiel halieutique immense, des corridors maritimes qui pourraient faire de nous une plaque tournante de la logistique régionale, et une jeunesse formée en environnement marin, qui ne demande qu’à travailler.

Dans son discours budgétaire, le Premier ministre a annoncé la tenue d’Assises de l’Océan, avec six axes stratégiques : pêche durable, énergies marines, tourisme océanique, commerce maritime, recherche, et financement. Une vision cohérente, complète. Mais combien de fois avons-nous assisté à des assises dont les conclusions terminent dans un tiroir, sous une couche de poussière et de désintérêt administratif ?

La vérité est crue : nous n’avons pas encore traversé le seuil de la volonté à l’action. Et nous avons perdu du temps.

Sur l’eau, c’est une autre histoire

Le rêve océanique mauricien se fracasse sur des récifs bien réels : manque de surveillance de nos eaux, absence de bateaux de pêche mauriciens capables d’exploiter durablement nos ressources, pillage de nos thons par des flottes étrangères, données scientifiques insuffisantes, coordination institutionnelle défaillante, et surtout, faiblesse politique chronique dans la mise en œuvre. La mer est vaste, mais nos moyens sont petits. Et surtout, notre ambition est souvent à marée basse.

L’université de Maurice, le Mauritius Oceanography Institute, les jeunes chercheurs mauriciens… ils existent. Ils publient, alertent, proposent. Mais leur voix est trop souvent ignorée par une bureaucratie qui préfère les consultants internationaux aux solutions locales.

Pendant ce temps, les Japonais et les Espagnols pêchent le thon dans notre cour. Et les Mauriciens mangent du poisson congelé importé.

Maurice fait partie des cinq premiers pays à ratifier le traité BBNJ sur les zones marines protégées en haute mer; c’est un signal encourageant. Oui, Maurice peut jouer dans la cour des grands. Mais pour cela, il faut cesser de parler en panels et commencer à poser des actes.

Le retour des Chagos change la donne. Nous avons désormais une ZEE équivalente à celle d’un géant océanique. Et avec elle, une responsabilité accrue. La signature du Strategic Partnership Framework avec le Royaume-Uni, les engagements du Portugal, le soutien de la France et de l’AFD : les leviers de coopération existent. Reste à les activer intelligemment.

L’économie bleue ne sera jamais une rente magique. Elle demandera des investissements structurants, de la recherche, de la formation, et surtout, un cap politique clair, au-delà des slogans. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité.

Comme l’a rappelé le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à Nice : «L’océan est le poumon de la planète, mais nous l’étouffons.» C’est un cri d’alarme. Chez nous aussi, les récifs blanchissent, les plages s’érodent, et la surpêche menace des communautés entières.

Mais nous avons encore une fenêtre de tir. Une fenêtre étroite, mais réelle.

La tenue des Assises de l’Océan, si elles sont suivies d’un plan d’action clair, doté de moyens, avec des indicateurs de suivi et une vraie gouvernance inclusive, peut être ce point de bascule. Il est temps d’aligner notre stratégie sur nos moyens, nos priorités sur nos valeurs, et notre discours sur nos actes.

L’économie bleue ne se fera pas par miracle, ni par décret. Elle se construira par la volonté, la rigueur et l’unité.

À Nice, l’océan nous regarde. À nous de prouver que nous méritons son avenir.

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