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Fête des mères 2025

Et si la Mère de la nation existait ?

24 mai 2025, 18:00

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Et si la Mère de la nation existait ?

Alors que la Fête des mères est célébrée avec émotion ce dimanche, une question inhabituelle mais profondément symbolique s’est invitée dans les festivités : après le Père de la nation, qui serait la Mère de la nation ? À travers les témoignages de figures publiques, d’artistes et de militants, une réflexion s’amorce.

La Fête des mères, souvent enveloppée de fleurs, de vœux et de douceurs, est aussi l’occasion de penser aux figures maternelles collectives, celles qui ont marqué notre histoire, nos luttes, notre mémoire. Si sir Seewoosagur Ramgoolam est unanimement reconnu comme le Père de la nation, à qui reviendrait le titre – symbolique, bien sûr – de Mère de la nation ?

🟦 Cassam Uteem : «Pour moi, c’est Anjalay Coopen»

L’ancien président de la République, Cassam Uteem, n’hésite pas une seconde. Pour lui, ce n’est pas dans les palais ou les bureaux ministériels qu’il faut chercher une figure maternelle de la nation, mais dans les champs de canne de l’époque coloniale.

«On aurait pu dire que c’est lady Sushil Ramgoolam vu que c’est la femme du Père de la nation, mais pour moi, c’est Anjalay Coopen. Anjalay Coopen, ouvrière enceinte, fut tuée lors d’une grève à Belle-Vue-Harel en 1943, devenant un symbole de résistance contre l’oppression coloniale. Son sacrifice est commémoré comme une étape cruciale du mouvement ouvrier mauricien. Elle fait partie des rares femmes qui ont une statue à Maurice. Donc pour moi, oui, c’est la Mère de la nation.»

Une réponse puissante, ancrée dans une mémoire populaire encore vive dans le nord du pays, où la statue d’Anjalay veille sur les passants.

🟦 Nicolas Ritter : «Et si la Mère de la nation, c’était cette voix féminine à la radio ?»

Le fondateur de Prévention information lutte contre le sida (PILS) propose une autre lecture, originale et sensible : «On évoque souvent le Père de la nation». Mais si l’on cherche une Mère, pourquoi ne pas regarder… du côté de la radio ? Depuis des décennies, la radio mauricienne accompagne, informe, rassure. Présente dans tous les foyers, elle traverse les classes sociales, les régions, les générations. Elle unit les Mauriciens pendant les cyclones, crée des espaces de dialogue, et reflète la pluralité de nos langues et de nos vécus.

Et derrière cette voix familière, des femmes pionnières qui ont marqué l’imaginaire collectif : Marie Michèle Étienne, Marguerite Labat, Pamela Patten, Marie-Josée Baudot… Animatrices, journalistes, productrices, elles ont été bien plus que des professionnelles : elles ont incarné une présence maternelle dans l’espace médiatique. Elles ont su créer du lien, faire entendre des émotions, transmettre des repères. Elles ont accompagné des générations de Mauriciens, souvent dans l’intimité du quotidien.

À l’occasion de la Fête des mères, il est temps de leur rendre hommage. Et si la Mère de la nation, c’était cette voix féminine à la radio, qui veille, écoute et rassemble ?»

Dans un pays où les ondes ont souvent été le lien le plus direct entre les autorités et le peuple, surtout en période de crise, cette proposition poétique résonne avec force.

🟦 Percy Yip Tong : «Je ne trouve pas»

À l’inverse, pour l’activiste culturel Percy Yip Tong, la question reste ouverte. «Marie Michèle Étienne ? Franchement, je n’ai aucune idée de qui pourrait être la Mère de la nation. J’ai beau chercher, je ne trouve pas.»

Ce flou révèle peut-être un vide de reconnaissance officielle envers les femmes ayant contribué à la construction du pays. Ou simplement un désaccord sur ce que cette figure symbolique devrait incarner.

🟦 *Loga Virahsawmy : «Aussi simple que ça, c’est lady Sushil»

Pour l’ancienne présidente du Media Watch Organisation, la réponse est claire et linéaire. Elle commence par rappeler que la Fête des mères est, selon elle, une fête devenue commerciale, mais accepte de jouer le jeu.

«Pour moi, le Père de la nation, c’est sir Seewoosagur Ramgoolam. D’office, la Mère de la nation, c’est la femme qui a toujours été à ses côtés, peu importe la situation. Donc, aussi simple que ça, c’est lady Sushil.»

Un choix reposant sur la loyauté conjugale et le soutien discret mais constant de celle qui fut l’épouse du premier Premier ministre du pays.

🟦 Blakkayo : «Pour moi, la seule mère, c’est la mienne»

Enfin, le chanteur engagé Blakkayo ramène la question sur un plan intime : «Pour moi, la seule mère, c’est la mienne.»

Réponse sobre mais éloquente. Elle dit l’importance, pour beaucoup, de ne pas diluer l’image de la mère dans des figures abstraites ou nationales. Pour lui, comme pour tant d’autres, la mère est une présence concrète, unique, irremplaçable.

🟦 Une nation, plusieurs mères ?

De ces voix diverses ressort un constat simple : il n’y a peut-être pas une seule Mère de la nation, mais plusieurs femmes, anonymes ou célèbres, historiques ou contemporaines, qui ont nourri la nation, l’ont portée, défendue, éduquée, soignée, informée.

Il y a Anjalay Coopen, morte pour la dignité des travailleurs. Il y a Lady Sushil, partenaire discrète d’un homme d’État. Il y a les voix de la radio, veillant dans le silence des maisons. Et puis il y a les mères de tous les jours, celles qui cuisinent, enseignent, nettoient, soignent, et élèvent, dans l’ombre, avec amour et résilience. En ce mois de mai, laissons donc cette question ouverte. Et surtout, rendons hommage à toutes celles qui, dans la tendresse ou dans la lutte, ont fait avancer le pays.

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