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Courses clandestines

Et si une piste automobile était la clé pour réduire les rallyes illégaux ?

23 mai 2025, 14:15

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Et si une piste automobile était la clé pour réduire les rallyes illégaux ?

Les courses sauvages continuent de faire des ravages sur nos routes. Face à ce phénomène dangereux, la création d’une piste automobile officielle pourrait être une solution efficace pour canaliser les passions, réduire les accidents et générer de nouvelles opportunités économiques.

Les faits sont là, malgré les campagnes de prévention et les opérations policières régulières, les rallyes illégaux prolifèrent à travers l’île, principalement les samedis à Terre-Rouge–Verdun ou à Roche-Bois après la tombée de la nuit. Ces courses clandestines, qui rassemblent jeunes conducteurs, véhicules modifiés et spectateurs imprudents, font régulièrement la une des faits divers pour leur lot d’accidents, parfois tragiques.

Mais une alternative gagne progressivement en visibilité dans les débats publics, la création d’une piste automobile officielle à Maurice. Déjà évoquée en 2018 par Nando Bodha, alors ministre des Infrastructures publiques et du Transport, lors d’un entretien accordé à l’express, cette idée a récemment été relancée par le député Eshan Juman pendant sa campagne politique. Loin d’être un simple rêve de passionnés de vitesse, ce projet pourrait répondre à des enjeux majeurs, notamment en matière de sécurité routière, de développement du tourisme, de formation professionnelle et de création d’emplois.

Le principal argument en faveur d’une piste automobile est la sécurité. Actuellement, faute d’infrastructures adaptées, de nombreux jeunes passionnés se tournent vers les routes publiques pour tester les performances de leur véhicule ou organiser des courses improvisées. Les conséquences sont parfois dramatiques.

Offrir un espace contrôlé pour les essais mécaniques, les démonstrations ou les compétitions réduirait non seulement la tentation de participer à des courses sauvages, mais permettrait aussi aux forces de l’ordre de mieux concentrer leurs efforts sur les infractions véritables.

Un lieu d’essais pour les amateurs de tuning

Le phénomène du tuning automobile et moto connaît une popularité croissante à Maurice. Chaque semaine, de nombreux passionnés travaillent à modifier les performances ou l’esthétique de leurs véhicules. Mais vient toujours la même question : «Où tester les modifications ?»

Aujourd’hui, ces essais se font, bien souvent, de manière informelle sur des routes peu fréquentées fort tard le soir. Une piste automobile dédiée permettrait des tests encadrés, des conseils techniques, et même des partenariats entre garages spécialisés et préparateurs. C’est aussi une opportunité pour valoriser un secteur technique encore trop peu structuré à Maurice.

«La mise en place d’une piste homologuée permettrait de pratiquer le sport automobile dans un environnement sécurisé, garantissant la sécurité tant des pilotes que des spectateurs. Un circuit est également essentiel pour les passionnés de tuning, qui ne disposent actuellement d’aucun espace sûr pour tester leurs véhicules avant les événements. Nous ne souhaitons pas enfreindre la loi, mais l’absence d’infrastructures adaptées nous y contraint parfois», confie un pilote de slalom. D’après lui, ce vide en matière d’alternative légale pousse certains à prendre des risques démesurés.

Un levier économique et touristique sous-exploité

Au-delà de l’aspect sécuritaire, une piste automobile pourrait aussi devenir un moteur économique. De nombreux pays, parfois bien plus petits que Maurice, ont su faire de la course automobile un atout touristique. Compétitions régionales, salons, démonstrations, journées portes ouvertes, stages de pilotage, les possibilités sont nombreuses.

Ces événements attireraient non seulement un public local, mais aussi des touristes intéressés par le sport automobile ou les circuits de loisir. Sans oublier les retombées économiques pour les hôtels, restaurants, services de transport ou petites entreprises de l’automobile. Par ailleurs, l’État pourrait générer des revenus directs via la location de la piste, l’organisation d’événements, la billetterie ou encore l’octroi de licences commerciales sur le site.

Une plateforme moderne pour la formation à la conduite

L’une des fonctions les plus intéressantes, souvent négligée dans le débat, est le rôle pédagogique que pourrait jouer une piste automobile. Actuellement, les autoécoles doivent se contenter des routes publiques pour former les futurs conducteurs, dans des conditions parfois inadaptées.

Une piste permettrait d’enrichir la formation par des simulations de freinage d’urgence, des manœuvres en conditions extrêmes, ou encore des cours de conduite défensive. Une école de conduite avancée, adossée à la piste, pourrait également former des chauffeurs professionnels, des livreurs, voire des pilotes.

Vers un projet national structurant ?

Ce type d’infrastructure demande évidemment un investissement conséquent. Mais plusieurs modèles de financement existent, partenariats public-privé, subventions touristiques, financements régionaux ou internationaux, etc. L’idée n’est pas nouvelle, mais jusqu’ici, aucun projet concret n’a vu le jour. Pourtant, les avantages sont nombreux et bien identifiés, réduction des courses illégales, amélioration de la sécurité routière, encadrement du tuning, développement d’un secteur économique nouveau, diversification de l’offre touristique et modernisation de la formation à la conduite.

«Il est important de souligner que la création d’un circuit automobile ne profiterait pas uniquement au sport automobile. Un tel aménagement serait très avantageux pour les concessionnaires automobiles, notamment dans l’organisation d’essais routiers en toute sécurité. Réaliser ces essais sur la voie publique reste risqué, car, ce sont justement des véhicules en phase de test. Je pense notamment à un propriétaire d’un grand concessionnaire à Maurice qui avait importé une voiture de sport d’une valeur d’environ Rs 10 millions, développant 550 chevaux d’origine. Malheureusement, le véhicule a été accidenté lors de l’essai, car nos routes publiques ne sont tout simplement pas conçues pour ce type de performance», explique Zapharl Yadallee, président du Redline Racing Club.

Le projet d’une piste automobile à Maurice ne relève pas de l’utopie ou du luxe. Il s’inscrit dans une logique de pragmatisme et de prévention, face à un phénomène qui coûte des vies et qui ne disparaîtra pas par la seule répression. Offrir un cadre légal et structuré à cette passion pour l’automobile, c’est reconnaître une réalité sociale tout en la maîtrisant. Et si, finalement, c’était en écoutant la rue qu’on apprenait à mieux la sécuriser ?

Par J.M

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