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Dans l’univers des bookmakers en vue des élections

Favori : un statut qui n’offre aucun gage de succès

12 octobre 2024, 21:15

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Favori : un statut qui n’offre aucun gage de succès

Une semaine après la dissolution du Parlement et à moins d’un mois de la tenue des élections générales, prévues le 10 novembre, l’Alliance du changement, avec le Parti travailliste (PTr), le Mouvement militant mauricien (MMM), les Nouveaux Démocrates (ND) et Rezistans ek Alternativ (ReA), est donnée favorite – une mise de Rs 310 pour des gains de Rs 500 – chez les bookmakers. Qu’on se le dise, le statut de favori n’offre toutefois aucun gage de réussite, comme nous l’a d’ailleurs démontré les résultats des deux dernières élections générales, durant lesquelles le MSM et ses alliés ne disposaient pas préalablement de la faveur des bookies. Analyse.

D’emblée, il faut souligner que les paris ont toujours fait partie du folklore des élections générales. L’abrègement prématuré de la saison hippique, qui a coïncidé avec la dissolution du Parlement, incite de nombreux zougader ainsi que les bookmakers clandestins à se focaliser sur la chose politique. Il est bon de savoir que les cotes pour les élections sont disponibles – à travers la messagerie WhatsApp – depuis le mois d’août, soit au moins deux mois avant la dissolution du Parlement.

À première vue, si on se base sur une moyenne des cotes offertes par trois bookmakers influents, on arrive à la conclusion que l’opposition (PTR-MMM-ND-ReA) est actuellement favorite à une cote de Rs 300/Rs 310 pour Rs 500, alors que l’Alliance Lepep, Mouvement socialiste militant-Parti mauricien social-démocrate-Muvman LiberaterMuvman Patriot Morisien(MSM-PMSDML-MPM), est offerte à une cote légèrement inférieure, qui varie entre Rs 255 et Rs 260 pour Rs 500. À noter que tous les autres partis en course (NdlR, surnommé Others dans le jargon des bookies), sont offerts à une cote généreuse de Rs 5 pour Rs 500.

À titre d’indication, il est bon de préciser qu’à l’ouverture des paris en août, l’Alliance du changement était offerte pratiquement à la même cote qu’aujourd’hui : Rs 300/Rs 310 alors que le gouvernement sortant était coté à Rs 230/240. Toutefois, au début de septembre, à quelques semaines de (i) l’annonce des mesures sociales (Ndlr, hausse de la pension, etc.), mais aussi de (ii) la révélation de l’accord historique entre Maurice et le Royaume-Uni sur l’archipel des Chagos, de gros paris ont été, paraît-il, enregistrés sur l’Alliance Lepep. Cette vague de paris aurait alors provoqué une hausse sensible dans la cote de l’Alliance Lepep (Rs 230 à Rs 280/290) et, parallèlement, une baisse dans la cote de l’Alliance du changement (Rs 310 à Rs 270). Dans le microcosme des bookmakers, on estime que ces paris provenaient essentiellement des gens proches du MSM qui évoluent généralement dans le milieu hippique et qui étaient visiblement dans le secret des dieux.

Après la dissolution du Parlement vendredi dernier, un bookmaker influent s’était même permis d’installer l’Alliance Lepep comme favori à Rs 290, contre Rs 270 pour l’Alliance du changement. Toutefois, au courant de la journée de mercredi, à la suite des déboires des candidats éventuels de l’Alliance Lepep dans les circonscriptions nos 6 et 18, et surtout après la concrétisation de l’alliance entre le PTrMMM-ND-ReA, il y a eu un engouement palpable au niveau des paris pour ce bloc de l’opposition. Du coup, le bookmaker en question a été contraint de se raviser et la cote del’Alliance du changement a repris l’ascenseur: Rs 290. Les démissions successives des députés du Mouvement Liberater, Zahid Nazurally et Ismaël Rawoo, n’ont fait que consolider davantage le statut de favori de l’Alliance du changement jeudi : Rs 300/Rs 310. Parallèlement, la cote de l’Alliance Lepep a accusé une baisse notable : Rs 270 à Rs 260/Rs 255.

Si on se fie essentiellement à ces cotes, on pourrait être tenté de penser que la lutte entre les deux principaux blocs s’annonce serrée, mais dans la réalité, tel n’est pas nécessairement le cas. Il est important de comprendre que la cote affichée par un bookmaker est à la base assez subjective. Elle tient en compte à la fois ses affinités politiques et le sentiment général qui prévaut dans son entourage. Cet aspect particulier peut varier selon l’endroit dont il est originaire : région rurale ou région urbaine, un détail qui somme toute a une importance capitale dans le contexte électoral à Maurice.

Durant la campagne, la cote demeure assez dynamique et elle évolue au fur et à mesure que le bookmaker enregistre des paris, mais aussi par rapport à l’accueil que les deux principaux blocs reçoivent sur le terrain. Dans ce contexte, les réseaux sociaux demeurent un outil indispensable.

La masse silencieuse : «the unknown factor»

Par ailleurs, il est très important de faire ressortir que, généralement, la cote ne prend pas en considération la masse silencieuse, un paramètre dont l’apport s’avère très souvent déterminant dans l’issue d’une élection. Dans ce contexte, c’est probablement cette masse silencieuse qui a dérouté les bookmakers en 2014 et en 2019.

Il est bon de rappeler qu’au cours des deux dernières élections, plusieurs bookmakers se sont mordu les doigts car à chaque fois, le MSM n’était pas donné favori. En 2014, ils en ont vu de toutes les couleurs: pour cause, le raz-de-marée improbable du MSM (47 sièges à 13) demeure, à ce jour, la plus grosse surprise enregistrée au cours d’une élection dans notre pays. À l’époque, le MSM était un gros outsider à Rs 35/Rs 50 alors que l’alliance PTr-MMM était super favorite à Rs 460/480. À la ferme- ture des urnes, la cote du MSM avait atteint Rs 270/Rs 280! Plusieurs bookmakers, et non des moindres, y ont laissé des plumes, à tel point que certains d’entre eux n’ont jamais pu se relever financièrement après cet épisode. En 2019, le MSM, offert à Rs 220/Rs240, s’était une nouvelle fois illustré (38 sièges remportés) aux dépens du PTr, qui était pourtant favori à Rs 330/Rs 350.

Comme quoi, se fier uniquement aux cotes affichées par les bookmakers pour définir un favori au cours d’une élection est un exercice fallacieux. En revanche, l’interprétation de l’évolution de la cote à long terme est un processus beaucoup plus crédible, qui peut nous éclairer sur le véritable rapport des forces sur le terrain. Sur la base de ce postulat, même si la cote de l’Alliance du changement est en hausse et que celle de l’Alliance Lepep est en baisse – compte tenu des fluctuations observées depuis l’ouverture des paris en août, on peut néanmoins déduire qu’il y a eu à ce stade pratiquement autant de paris sur les deux blocs.

Dans la même lignée, tant que la cote de l’Alliance du changement (PTr-MMM-NDReA) ne dépassera pas son chiffre d’ouverture, qui variait entre Rs 300/Rs 310, ses partisans auront tort d’afficher une confiance démesurée. Sur la base de cette même logique, aussi longtemps que la cote de l’Alliance Lepep (MSMPMSD-ML-MPM) se maintiendra au-dessus de sa cote initiale (Ndlr, Rs 230/Rs 240), il n’y aura pas de quoi s’alarmer du côté du gouvernement sortant.

Pour conclure, après le Nomination Day, les bookmakers devraient normalement offrir des paris plus variés, notamment sur le nombre de sièges en jeu dans chaque circonscription.