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Ferney Falaise Rouge : La bistronomie mauricienne éco-responsable signée Gérald Richard
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Ferney Falaise Rouge : La bistronomie mauricienne éco-responsable signée Gérald Richard
Niché au bord d’une falaise surplombant l’océan, le restaurant Ferney Falaise Rouge déploie ses charmes dans un décor à couper le souffle, face à la baie de Grand-Port et sous le regard silencieux de la majestueuse montagne du Lion. Qu’estce qui a motivé cette escapade ? C’est avant tout une philosophie culinaire qui nous a attirés ici : la cuisine éco-responsable et sincère du chef Gérald Richard, élaborée à partir de produits frais de la terre et de la mer obtenus dans un rayon de dix kilomètres autour du restaurant – un terroir sublimé à l’assiette. C’est aussi une rare opportunité : franchir le seuil de ce lieu sacré qu’est la cuisine, dans l’effervescence maîtrisée des fourneaux, pour une immersion menée par l’express.
Mais qui est donc ce jeune chef dont on murmure le nom avec respect en cuisine ? Derrière une discrétion naturelle et un regard habité par la concentration, Gérald Richard incarne une nouvelle génération de cuisiniers mauriciens, alliant savoir-faire, humilité et convictions fortes. Originaire de Chemin-Grenier, inspiré dès l’enfance par le manze lakaz de sa grandmère, il est diplômé de l’École hôtelière sir Gaëtan Duval et cumule plus de 15 années d’expérience dans l’hôtellerie de prestige de l’île. Aujourd’hui Executive Chef du restaurant Ferney Falaise Rouge, il y défend une cuisine à la fois créative et engagée, résolument ancrée dans le terroir.
Sa signature culinaire? La bistronomie aux saveurs mauriciennes, soit un style de cuisine qui combine créativité et méthodes gastronomiques avec la simplicité d’une cuisine de bistrot et des lieux – et des portions généreuses ! En somme, une combinaison où les gens retrouvent les plats populaires et traditionnels qu’ils aiment, avec des ingrédients simples et de saison, mais rehaussés par des techniques culinaires de haut niveau. «Une cuisine gourmande, haute en saveurs et en fraîcheur, et bonne», fait savoir le chef.
Au-delà de cette cuisine qui marie élégamment traditions culinaires mauriciennes revisitées, préparation soignée et produits du terroir du sud-est mauricien, le restaurant Ferney Falaise Rouge se distingue surtout par son engagement éco-responsable, bien réel et assumé. «Tous les produits que nous utilisons proviennent, autant que possible, des environs», confie-ton avec fierté en salle comme en cuisine.
Le palmiste tendre, les grains de café torréfié qui accompagnent certains plats, les légumes et herbes aromatiques viennent principalement des espaces de sous-culture au sein du domaine de Ferney, qui promeut la culture sans produits chimiques. Ici, pas de bœuf, ni d’agneau ni de porc : la carte fait la part belle aux ressources locales, en circuit court. On y déguste des viandes obtenues en pleine nature – cerf et cochon marron – issues directement de l’activité de chasse du domaine voisin.
Côté mer, ce sont les poissons et crustacés fraîchement pêchés par les pêcheurs de la région qui garnissent les assiettes, selon les arrivages et les saisons. Une cuisine enracinée, qui refuse les compromis faciles et revendique une vraie cohérence entre ce que l’on prône… et ce que l’on sert. Cette attention à l’authenticité régionale et à l’implication des villageois de la région se retrouve dans la composition de l’équipe du restaurant : à tous les postes se trouvent des hommes et des femmes vivant dans les environs.
Heureux veinards – il faut bien l’admettre –, nous avons eu droit à une dégustation soignée, reflet de cette cuisine locale réinventée avec finesse. En entrée, une salade de papaye verte relevée de marlin fumé, alliance fraîche et iodée qui réveille les papilles. Puis vint un poisson grillé délicatement et habillé de sa croûte de coco, sur un lit de curry de banane verte accompagné de chips de banane croustillantes et d’une salsa de tomates au parfum ensoleillé.
Le plat de viande rouge n’était pas en reste : un dry curry de cerf, riche en saveurs et parfaitement équilibré grâce à la cuisson très lente du gibier, servi avec un riz parfumé et des lentilles noires lentement mijotées, dans la plus pure tradition mauricienne. Et, comme clin d’œil à la street food revisitée, un burger de cerf fondant et généreux, qui a su conjuguer rusticité et raffinement.
Côté légumes, le chef fait la part belle aux produits oubliés, ces trésors du sol mauricien souvent laissés de côté, éclipsés par la facilité des goûts standardisés. «On a certes de la pomme de terre… mais juste pour rassurer ceux qui rechignent à la découverte», glisse-t-il avec un sourire discret, comme pour souligner les compromis nécessaires à toute initiation.
Mais pour les curieux, les vrais, Gérald Richard ouvre un tout autre monde. Il parle avec passion de manioc, de maïs et surtout, d’arouille, ce tubercule longtemps cantonné aux marmites d’antan… qu’il transforme même en dessert ! «Kisisa?», s’étonne-t-on, intrigué.
Une glace d’arouille, donc – réalisée par un artisan glacier italien installé dans l’île – que le chef sublime avec des chips d’arouille frites, une pointe de noix de coco et de quelques ingrédients mystérieux aux noms aussi imprononçables qu’évanescents, tant la dégustation suspend tout raisonnement. Ce n’est plus un dessert : c’est une expérience sensorielle, à mi-chemin entre mémoire gustative et audace créative. Le chef nous glisse même, avec une pointe de malice, que le kat kat de manioc au cerf figure à la carte. Une recette humble, nourrissante, profondément mauricienne – mais que la jeune génération, trop souvent détachée de cette mémoire culinaire, a pour beaucoup reléguée aux oubliettes.
🔵 Entre tradition et nouveau souffle
Un nouveau chef peut-il bouleverser complètement l’identité d’un restaurant ? Qu’en est-il du respect dû à son prédécesseur ? Gérald Richard avoue humblement qu’il a pris trois mois pour réellement observer le fonctionnement des lieux. Il insiste sur l’importance de regarder sa brigade à l’œuvre et d’être à l’écoute des clients. «Il faut comprendre la philosophie du restaurant», explique-t-il, «tout en y apportant sa touche personnelle». Cette démarche se traduit par une mise en valeur des produits oubliés, un rôti de cerf mijoté pendant 48 heures, des condiments liés aux saisons et une carte revisitée – aujourd’hui forte d’un choix de 26 entrées, plats et desserts. Le chef évoque également ses racines et influences : la cuisine familiale, celle de sa grandmère, qui l’a profondément inspiré dans la création ou la réinterprétation de plusieurs recettes traditionnelles. Un équilibre subtil entre respect du passé, innovation et exigence du présent.
🔵 Au cœur de la brigade…
Nous avons eu le privilège rare de faire une immersion en cuisine, au cœur même de la brigade, pendant la préparation d’un repas concocté pour ces visiteurs pour l’occasion, en situation réelle comme lors d’une commande de clients. Dans un coin de la cuisine, sept cuisiniers, guidés par leur chef, s’affairent dans une chorégraphie millimétrée, à la manière d’un orchestre bien rôdé. Chacun·e est responsable de son poste – garde-manger, saucier, poissonnier, entremétier ou pâtissier… Chacun·e sait ce qu’il ou elle aura à faire une fois les ordres lancés pour chaque plat.
Tout commence, bien entendu, en salle. Les commandes sont prises par les serveurs et transmises en cuisine via une imprimante thermique, générant le traditionnel bon papier. Dès que la commande tombe, l’aboyeur – souvent le sous-chef ou le chef lui-même – annonce à haute voix les plats à envoyer. À ce signal, chacun dans la brigade s’affaire dans son rôle. Priorité aux commandes des enfants et des dames, selon l’étiquette.
Prenons la table 1 : elle a commandé une entrée. Toute la brigade se met en mouvement. Le premier cuisinier dresse la base du plat sur le passe – ce comptoir central où tous les éléments du plat sont assemblés avant d’être envoyés en salle. Un second vient ajouter sa garniture, un troisième finalise avec la sauce, une pincée d’herbes fraîches ou un élément croustillant.
Le chef, œil de lynx et main de velours, apporte la dernière touche, rectifie l’assiette si besoin, vérifie l’équilibre visuel et gustatif, puis lance l’envoi. Dès que le plat est prêt à sortir, il hurle «Service !» et l’assiette part rejoindre la salle.
Quand la table 1 a été servie son entrée, la brigade s’active sur l’entrée de la table 2, pendant qu’un serveur signale que la table 1 est prête pour le plat de résistance. L’enchaînement se fait dans le même timing, cette fois pour le plat de résistance, comme un ballet bien huilé, sans place pour l’improvisation. Et pour chaque ordre donné, la réponse fuse : «Oui, chef !» – un cri net, qui confirme que l’instruction a bien été entendue et intégrée.
Rigueur, discipline et synchronisation : en cuisine, chaque seconde compte. Et ici, tout fonctionne comme un mécanisme d’horlogerie culinaire.
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