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Kronik KC Ranzé

Folies

6 octobre 2024, 09:05

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Folies

Israël vient de déclencher une importante offensive vers le Nord, juste après avoir causé une grande consternation au Hezbollah avec des talkies-walkies et des pagers transformés en mini-bombes mortelles. On sert aussi des missiles aux Houthis depuis cette semaine. L’Iran se met de la partie.

L’offensive à Gaza, en réponse aux attaques meurtrières et aux kidnappings du 7 octobre 2023, ne semble pas vouloir se terminer de sitôt. Les manoeuvres de Netanyahu et du Hamas suggèrent d’ailleurs qu’ils récusent la paix favorisée par leurs alliés objectifs respectifs. Le Hamas guerroie parce qu’il a besoin de justifier son existence. Netanyahu, quant à lui, échappe à ses menaces tant politiques que judiciaires, tant qu’il y aura la guerre et il doit, objectivement, cette esquive… au Hamas !

Il y avait, en milieu de semaine, 42 000 morts à Gaza, 600 en Cisjordanie, 1 200 en Israël (plus 780 soldats) et presque un millier de morts déjà au Liban. Les blessés sont au moins deux fois plus nombreux et les dégâts matériels sont monstrueux. Cependant, une nouvelle réalité pointe à l’horizon, car au-delà de l’équation militaire, on commence aussi à entrevoir l’équation économique.

Gaza est dévastée, y compris dans ses infrastructures, dont une bonne partie avait été héritée du temps de l’occupation israélienne jusqu’en 2005. Il faudra tout reconstruire ! En attendant, il n’y a PAS, à proprement parler, d’économie à Gaza. Et pourtant, 2 millions de personnes y vivent… enclavés, prisonniers et indésirables en Égypte, en Israël, au Liban, en Jordanie, ou ailleurs…

En Cisjordanie, les exégètes du fondamentalisme juif s’installent là où ils le souhaitent, surtout sur les collines, à la force du bulldozer ou protégés par l’armée. Ils sont, selon Al-Jazeera, maintenant 700 000 dans des colonies décrétées illégales par les Nations unies, y compris dans 191 «avant-postes», considérés (ce n’est que temporaire !) irréguliers, même pour le gouvernement israélien (*). La présence des fondamentalistes de l’extrême droite dans le cabinet Netanyahu encourage et rend tout cela possible… Les colonies juives en Cisjordanie représenteraient jusqu’à 40 % du territoire ! La solution de deux États est ébranlée.

En Israël, la population croyait le pire passé quand nombreux parmi les 300 000 travailleurs mobilisés pour soutenir la guerre à Gaza étaient retournés aux emplois qu’ils avaient quittés temporairement. Cependant la guerre coûte très cher et plus elle dure, plus elle coûte ! Cette fois, ce n’est ni la guerre des 6 jours de 1967, ni la guerre du Yom Kippour de 1973, qui ne dura que 19 jours. Cela va, en effet, bientôt faire 365 jours de guerre dévastatrice et l’armistice ne pointera pas son nez de sitôt… Aujourd’hui, Israël est vent-debout à tenter de défendre son existence future en combattant les «H» du Hamas, du Hezbollah et des Houthis, tous proxies de l’Iran. Certains craignent même le pire pour Téhéran et la région (**).

Parmi les conséquences en Israël, le taux de croissance a baissé de 85 % par rapport aux prévisions budgétaires. Il faut donc emprunter et même si la dette nationale n’est qu’à 62 % du PIB, ce n’est pas sans peine : entre mai et juillet, selon The Economist, par exemple, les transferts de devises vers l’étranger ont augmenté par $ 2 milliards, par rapport à l’an dernier. De plus, le déficit budgétaire, alors que l’armée réclame encore plus de ressources, va être à plus de 8 % du PIB, ce qui est au moins 3 fois plus important qu’initialement planifié. Le ministre des Finances, Smotrich, pour tenter de rassurer les marchés et soutenir le shekel, a dû proposer $35 milliards de coupes budgétaires l’an prochain, mais sans préciser lesquelles. Ces chiffres pré-datent la guerre accélérée face au Hezbollah.

Autre difficulté : le marché du travail. Les 80 000 Palestiniens qui travaillaient en Israël avant la guerre n’ont plus de permis depuis le 7 octobre dernier et donc plus de revenus. Le marché du travail israélien est donc serré avec un taux de chômage de seulement… 2,7 % et les compagnies, dans la construction et le high tech, en souffrent.

Gaza est sous les ruines. Le Liban, pays si prometteur avant de sombrer dans la guerre civile de 1975-1990, déclenchée par une rupture de l’équilibre maronite-druze, est aujourd’hui disloqué et dysfonctionnel. À noter que dans l’accord de paix de Taëf de 1989, toutes les milices ont été désarmées, sauf pour le Hezbollah, alors déjà soutenu par l’Iran. Pour le moment, Israël tient la dragée haute, mais si le conflit s’étend encore, l’économie va peser très lourd et les tensions entre ses alliés et ceux de ses adversaires vont s’aggraver encore, aux dépens de l’économie mondiale cette fois !

La guerre ne va rien résoudre, comme très souvent ! Comme en Ukraine ou au Soudan, ou au Myanmar d’ailleurs… Seuls les leaders machismo y trouveront leur compte dans ces folies et comme toujours, ce sont les civils innocents qui paieront cash.

****** 

Le week-end dernier a été fertile en promesses électorales. Les deux alliances principales se faisant du coude pour offrir de douces gâteries aux électeurs.

On n’aura enregistré aucune tentative de quantifier le coût des mesures proposées et les transferts sociaux qui ont été déclamés avec appétit n’ont, d’aucune manière, été, soit mis en perspective, soit encore modérés par un plan de développement productif qui permettrait de se payer tous ces cadeaux qui s’accumulent.

Le seul bonheur de ceux qui réfléchissent à l’avenir du pays hors du cadre déformant des bénéfices personnels est de savoir que le pays n’aura pas à supporter les deux séries de promesses électorales… en même temps.

Le premier à appuyer sur la gâchette fut le Dr Ramgoolam, samedi, qui promettait des médicaments gratuits aux seniors, la suppression de la taxe sur la pension des seniors, le paiement rétroactif à juillet 2024 de la hausse de Rs 1 000 de la pension, prévue en janvier 2025, plus une deuxième pension aux veuves et aux handicapés à l’âge de 60 ans. Sacré programme !

Le lendemain pourtant, parmi les mesures les plus attirantes, le PM le débordait en promettant Rs 20 000 aux pensionnaires s’il remporte les élections, ainsi que des médicaments gratuits pas seulement pour les vieux, mais pour tous et des 4x4 duty free pour… pêcheurs et banians.

La surenchère va aller jusqu’où ?

Je veux bien une pension de jusqu’à Rs 20 000 «dan enn prosin manda» (à la fin ?) ou une détaxe de cette pension, si nous pouvons nous le permettre, encore qu’avec le vieillissement de la population, l’équation paraît bien hasardeuse pour dire le moins.

Pour rappel, il y a déjà 260 000 retraités de 60 ans + aujourd’hui et selon les projections, ils passeront de 237 000 en 2021 à 340 000 en 2061. Mais ce n’est pas tout, car la population active (15-59 ans) va, dans le même temps, BAISSER de 818 000 en 2021 à seulement 485 000 en 2061 (-41%) (Digest of demographic statistics, 2021). De plus, les vieux vivront plus longtemps…

Il y avait donc 3,4 «jeunes» pour supporter un pensionné en 2021 et ce chiffre passera à 1,4 jeunes seulement en 2061 ! Il faudra donc que ces derniers (si leur nombre n’est pas, en plus, diminué par encore plus d’émigration…) travaillent plus, ou bien plus productivement ou qu’ils payent plus de taxes. Ou comptera-t-on sur les étrangers qui peuvent, à tout moment, choisir d’exporter leur salaire… en devises ?

Mais cette courbe démographique extrêmement défavorable n’est pas le seul défi car, à la cadence actuelle d’augmentation de la pension universelle (Rs 3 623 en 2014 passant à Rs 9 000 en 2022, avec Rs 15 000 promis pour janvier 2025 et Rs 20 000 pour fin 2028… ?), on nous annonce une spirale vers l’enfer, notamment parce qu’aucun parti politique ne veut plus toucher à la réforme des pensions et que, pire, les retraités sont devenus l’objet de toutes les attentions démagogiques des politiciens ! Nous allons donc, les yeux grands ouverts, léguer un pays forcément tordu en faveur des vieux, qui fera fuir les plus jeunes ! (***). Un pays béat, mais non viable…

Notons, en passant, les difficultés administratives qui vont avec. Un rapport de l’Audit pour 2019-20 (***), soulignait que le gouvernement avait surpayé les pensions par Rs 114 millions à juin 2019, faute de contrôles adéquats et qu’il n’avait pu récupérer que Rs 15,7 m (14 %...). À juin 2023, les surpayés passaient à Rs 134 m (para 11.2.1, Rapport d’Audit, 2022-23)

Dans ces conditions d’irresponsabilité fiscale, les médicaments gratuits pour tous (USD 190 M (COMTRADE) + 30 % de marge, mettons, soit environ Rs 11,4 milliards/an) seront bien utiles, notamment pour les migraines, peu importe qui remporte les prochaines élections ! Mais imaginez seulement, au vu du ci-dessus, les arnaques et les gaspillages qui pourraient suivre pour les médicaments…

Quand ils seront gratuits, qui hésitera à prescrire et/ou à consommer plus de pilules ?

Tout ce que l’on peut souhaiter c’est de pouvoir maintenir les prochains vainqueurs au gouvernement jusqu’en 2061 (ou bien avant…), afin que les travailleurs qui, alors, restent encore au pays aient au moins la possibilité de les faire payer ; en se baignant dans leur piscine, en vidant leur cave à vins, avant qu’ils ne fuient vers l’étranger avec leurs valises ruisselantes de devises dans les deux mains…

À moins que l’illusion monétaire, le loyer des Américains de Diego ou du pétrole à Angus Road ne vienne résoudre nos folies furieuses… du moins temporairement !

(*) ARTE l Colonisation en Cisjordanie : la stratégie des collines

(**) Chatham House l Could Israel’s attacks on Hezbollah open the way to a strike on Iran’s nuclear facilities?

(***) L'express.mu l Basic retirement pension: how it became a political weapon…