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Interview

Franck Rivas, directeur général de Corexsolar : «Nous sommes fiers de pouvoir contribuer à l’objectif durable de Maurice»

2 avril 2025, 14:00

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Franck Rivas, directeur général de Corexsolar : «Nous sommes fiers de pouvoir contribuer à l’objectif durable de Maurice»

Franck Rivas et Gilles Lebreux.

Après l’obtention du permis «Environmental Impact Assessment» (EIA) pour une ferme photovoltaïque à BonAir, Plaine-des-Papayes, nous avons sollicité les responsables de Corexsolar International. Le mardi 25 mars, nous avons rencontré, pour évoquer leurs projets et défis rencontrés, le directeur général Franck Rivas et Gilles Lebreux, président/ PDG de Langa International, l’actionnaire majoritaire, en visite à Maurice.

Corexsolar International est à Maurice depuis 2016, pouvez-vous nous en dire davantage sur l’entreprise ?

Franck Rivas (F. R.) : Corexsolar International est spécialisée dans la conception, la construction et la gestion de fermes photovoltaïques. Notre partenaire principal est la société française Langa International. Nous avons démarré nos activités en 2012 à l’île de la Réunion et avons réalisé avec succès de nombreux projets de fermes photovoltaïques à la Réunion et en France. Nous avons étendu, au fil du temps, notre expertise à Mayotte et à l’île Maurice. C’est effectivement en 2016 que nous avons décidé de mettre notre expertise et expérience au service du marché mauricien et avons ainsi lancé Corexsolar International (Mauritius) Ltd. À cette époque, Maurice affichait déjà son ambition de promouvoir l’énergie renouvelable pour réduire son impact carbone. Nous avons construit notre première ferme solaire, en tant qu’EPC (Engineering/ Procurement /Construction), en 2018 pour le compte du CEB GE (Green Energy). Il s’agit de la ferme solaire de Henrietta (2 MWac).

Fort de notre expérience et de notre capacité à développer des projets photovoltaïques d’envergure, nous avons continué à répondre aux appels d’offres et avons été lauréats de quelques projets. Certains sont déjà complétés et d’autres sont en cours. Corexsolar International emploie une trentaine de professionnels, tous des Mauriciens, qui travaillent sur des projets de fermes photovoltaïques à Maurice et dans les pays où nous opérons. Corexsolar International s’est positionnée, aujourd’hui, comme un acteur important dans le secteur des énergies renouvelables. La société, qui affirme aussi sa présence énergétique à l’île de la Réunion, Mayotte et Madagascar, a déjà sécurisé un portefeuille de projets en cours de développement, pour un total de plus de 100 mégawatts, et continue à accroître sa croissance dans le secteur des énergies renouvelables dans la région océan Indien. Nous sommes fiers de pouvoir contribuer à l’objectif durable de Maurice d’atteindre 60 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030.

Parlez-nous de Langa International et de votre ambition pour Maurice ?

Gilles Lebreux (G. L.) : Langa International, partenaire majoritaire de Corexsolar International, est présente dans 10 pays et emploie plus de 180 professionnels. Nous sommes très présents dans le secteur photovoltaïque et le stockage d’énergie depuis 15 ans, avec une forte accélération de nos activités au cours des cinq dernières années. Nous avons également une participation sur Maurice, sur laquelle nous avons fondé beaucoup d’espoir de se développer rapidement. Une ambition en ligne avec l’objectif du gouvernement d’atteindre 60 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030. Et à juste titre, nous nous sommes imposé des objectifs forts pour pouvoir accompagner le gouvernement dans la réalisation de cette ambition, notamment en étant percutant sur les appels d’offres. Nous avons la forte conviction que nous pouvons amener des solutions techniques, qui contribueraient à optimiser la balance commerciale et les importations. Cela, en privilégiant l’énergie solaire et en limitant les importations de charbon et autres types de matières premières, utilisées dans les centrales.

Nous comptons déjà quelques réalisations à Maurice. Nous avons remporté quelques appels d’offres et nos équipes se sont beaucoup investies pour proposer des solutions fiables et moins chères, en matière d’énergie solaire. Cependant, je dois avouer, qu’aujourd’hui, nous nous posons des questions sur la vitesse à laquelle nous pouvons avancer sur les projets à Maurice. Nous avons gagné quelques appels d’offres, il y a trois ans déjà, et nous sommes toujours à l’étape d’instructions administratives sur certains projets. Cela, malgré la volonté affichée par les autorités d’avancer rapidement sur le dossier des énergies renouvelables. C’est une situation problématique pour nous, en termes d’investissement des équipes et financiers. Nous avons aussi pour ambition de nous développer très vite dans des milieux insulaires. D’ailleurs, nous avons une forte expérience et savoir-faire dans la mise en place des solutions énergétiques dans ces milieux, notamment dans les îles françaises et le bassin méditerranéen.

Malgré ces difficultés évoquées, envisagezvous de poursuivre votre contribution pour accompagner Maurice dans sa stratégie de transition énergétique ?

F. R. : Nous sommes un acteur clé dans le secteur de l’énergie à Maurice, depuis dix ans. Nous créons de la valeur, formons beaucoup de Mauriciens, soutenons l’économie circulaire, employons plus de 30 professionnels et avons sorti de terre plusieurs projets. Nous sommes toujours très motivés même s’il y a énormément de contrariétés sur le financement et de difficultés que nous pouvons rencontrer au quotidien. Nous restons donc attentifs aux opportunités et si les conditions sont réunies sur le marché, nous continuerons à développer et à investir. Notre seul objectif est d’être un acteur de la transition énergétique de l’île.

G. L. : Nous sommes conscients des objectifs du gouvernement en matière d’énergie et aussi de la réalité du marché, influencé par l’histoire du pays comme ailleurs dans le monde. Nous sommes plusieurs opérateurs à gagner des appels d’offres. Notre ambition, c’est d’être compétitif et de mettre en œuvre nos projets. En retour, nous souhaitons simplement pouvoir être respectés et écoutés. Car nous sommes capables de livrer une électricité beaucoup moins chère et, in fine, plus compétitive pour les consommateurs.

Nous avons un manque de terrains. Comment Corexsolar International compte-t-elle aborder ce problème ?

F. R. : Le foncier est effectivement un enjeu majeur dans le développement des projets photovoltaïques et c’est un problème que nous rencontrons dans tous les marchés où nous sommes présents. Nous nous appuyons sur une équipe en interne et aussi sur des partenaires pour nos solutions foncières. Cependant, il faut savoir que les procédures pour sécuriser le foncier diffèrent selon les marchés et les conditions des appels d’offres. Par exemple, à La Réunion ou en France, pour être éligible à répondre à un appel d’offres pour une centrale au sol, il faut au préalable avoir sécurisé le foncier, obtenu un permis et avoir fait une étude environnementale. Or, à Maurice, les soumissionnaires d’un appel d’offres doivent fournir une intention d’identification d’un terrain qui sera mis à leur disposition et la phase de permitting ne peut commencer qu’une fois le contrat attribué au lauréat. Donc, le terrain n’est pas sécurisé aussi longtemps que l’étude environnementale n’a pas été effectuée.

Pour pallier le manque de terrains, ne pensez-vous pas que l’agrivoltaïque pourrait être une solution ?

F. R. : Ce type de projet consiste en effet à mutualiser à la fois l’énergie et l’agriculture et peut être effectivement bénéfique à la fois aux producteurs d’énergie et aux éleveurs de bovins ou aux agriculteurs. Donc, pour répondre à votre question, oui, c’est possible et c’est une solution qui peut être très intéressante.

Au niveau de Corexsolar International, avez-vous les connaissances et compétences pour implémenter ce genre de projet ?

F. R. : Nous avons déjà mis en œuvre des projets agrivoltaïques à La Réunion et nous avons l’expertise et l’expérience pour le faire à Maurice.

Revenons à ce que le ministre de l’Énergie a annoncé au Parlement à l’effet qu’il va solliciter l’avis du «State Law Office» sur les contrats alloués à Corexsolar International pour les projets SPV Belle-Vue. Quel est votre commentaire à ce sujet ?

F. R. : Nous avons respecté toutes les procédures et répondu à toutes les conditions de l’appel d’offres. Nous sommes donc tout à fait à l’aise avec le sujet. À Maurice, selon les conditions des appels d’offres pour les projets photovoltaïques, nous ne sommes pas obligés de sécuriser à 100 % le foncier et avoir au préalable tous les permis. Nous devons d’abord identifier le terrain sur lequel le projet pourrait être réalisé, avec une promesse de bail. Promesse que nous avions présentée lors de l’appel d’offres. Un terrain est à risque aussi longtemps que l’étude environnementale n’a pas été complétée et le permis EIA délivré. Au cas où le permis EIA ne peut être délivré pour des raisons écologiques et environnementales, nous avons la possibilité de changer de terrain puisque les conclusions de l’étude n’arrivent qu’après avoir été lauréat de l’appel d’offres. Cette option a d’ailleurs été clarifiée pendant la phase de l’appel d’offres. Cependant, il faut préciser que le fait de changer de terrain ne vient en aucun cas modifier les conditions du contrat, qu’il soit tarifaire ou technique.

Quand on évoque des irrégularités dans l’attribution du contrat à Corexsolar International, pouvez-vous, de votre côté, confirmer qu’il n’y en a pas eu ?

G. L. : Nous avons répondu dûment à l’appel d’offres, en respectant à la fois les procédures et les conditions. Nous avons été lauréat du projet car notre offre était la plus compétitive, soit environ 10 à 15 % moins chère que celle des autres soumissionnaires. Ce qui représente sur toute la durée du contrat, c’est-à-dire 20 ans, une économie d’environ Rs 2 milliards pour le Central Electricity Board (CEB). Comme l’a fait ressortir Franck, le changement de terrain ne change en aucun cas les conditions du PPA, que ce soit en termes de prix de vente ou de point de raccordement au réseau du CEB. Au contraire, il affecte de manière importante nos coûts d’investissements car plus la ferme est éloignée de la station de raccordement, plus les coûts sont élevés.

Par ailleurs, les problèmes fonciers rencontrés sur les projets Belle-Vue ont eu un impact direct sur Corexsolar International. Bien qu’il ait été tout à fait possible de modifier l’emplacement du projet entre le dépôt du dossier de l’appel d’offres et sa mise en exécution, les contretemps rencontrés ont engendré des retards significatifs. Ceux-ci ont contraint Corexsolar International à payer d’importantes pénalités, ce qui a lourdement affecté l’entreprise. Malgré ces difficultés, Corexsolar International continue à respecter ses engagements et mettra tout en œuvre pour concrétiser ce projet, étroitement lié à l’ambition du gouvernement à promouvoir l’énergie renouvelable.

Pouvez-vous nous donner un aperçu général du projet de la ferme photovoltaïque de 10 MWac à Bon-Air, y compris son coût ?

F. R. : Le projet de ferme photovoltaïque de 10 MWac à Bon-Air, Plaine-des-Papayes, s’étendra sur une superficie de 22 hectares et comprendra 28 000 panneaux photovoltaïques. Il sera relié au réseau du CEB de Belle-Vue via une ligne de 22 kV, permettant une distribution efficace de l’énergie produite. Une particularité de ce projet, qui le rend résolument innovant, réside dans l’intégration d’un système de stockage d’énergie (Battery Energy Storage System-BESS) d’une capacité de 35 MWh, qui assurera une meilleure gestion de l’énergie, notamment en période de forte demande ou de faible production solaire. Ainsi, et c’est une première pour Maurice et dans l’océan Indien, cette ferme photovoltaïque fournira une énergie dite de baseload, telle que l’énergie fournie par les centrales du CEB et celles des Independent Power Producers (IPP) traditionnels tournant à la bagasse ou au charbon. À ceci près que l’énergie venant des projets de Corexsolar International est une énergie renouvelable. Le projet dans son ensemble nécessitera un investissement d’environ Rs 1 milliard.

Quelles sont les prochaines étapes pour sa mise en œuvre ?

F. R. : Pour le projet de Bon-Air, nous avons d’ores et déjà obtenu le permis EIA, la Provisional Generation Licence et toutes les autorisations pour le raccordement au réseau électrique via la station de Belle-Vue (sur une distance de 5,5 km). Les prochaines étapes incluent l’obtention du Land Conversion Permit et du Building and Land Use Permit et la mise en œuvre du chantier selon le calendrier établi.

Quel impact attendez-vous de cette ferme sur l’objectif national d’atteindre 60 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 ?

F. R. : La ferme solaire de Bon-Air devrait produire environ 22 000 MWh d’électricité par an soit l’équivalent de la consommation annuelle de 6 000 foyers (en prenant une moyenne de 4 000 kWh par foyer). En termes environnementaux, ce projet permettra de réduire jusqu’à 18 000 tonnes de CO2 par an, contribuant ainsi aux objectifs nationaux de transition énergétique et à la feuille de route du CEB, qui prévoit d’atteindre 350 MWac d’énergie solaire dans le mix énergétique mauricien d’ici 2030. Un élément clé du projet est son système de stockage d’énergie par batterie, de 35 MWh, qui assurera une gestion plus stable et efficace de l’énergie injectée dans le réseau, réduisant ainsi la dépendance aux énergies fossiles. Avec nos projets déjà en opération, ceux en cours de développement et ceux pour lesquels nous avons été sélectionnés à travers les appels d’offres du CEB, nous ambitionnons de renforcer notre position en tant qu’acteur clé de la production d’énergie renouvelable à Maurice, avec une capacité installée et opérée par Corexsolar International atteignant 100 MWac sur l’île.

Quels sont vos futurs projets ?

F. R. : Nous poursuivons la phase de développement et de permitting sur plusieurs projets. Toutefois, le temps d’instruction est relativement long, soit entre 18 et 24 mois sur certains projets. Nous avons plus précisément trois autres projets, dont des projets hybrides qui sont en phase de permitting. Nous faisons en ce moment même la mise en service d’un projet à Amaury, le Greenrock (10 MWac), qui devrait être opérationnel dans les prochains jours. Par ailleurs, nous allons très prochainement démarrer les travaux pour la construction d’une ferme solaire de 15 MWac à Le Val. Sans compter les deux fermes photovoltaïques qui seront construites à Amaury et Mare-d’Australia d’une capacité de 30MWac chacune.

Ensuite, on a des développements dans les autres îles où nous sommes présents. À La Réunion, nous avons remporté un appel d’offres sur le stockage d’énergie qu’on mettra en œuvre cette année. Nous avons aussi des projets d’installation de panneaux solaires sur des parkings et toitures à Mayotte, qui seront mis en œuvre en 2025 et 2026. Nous continuons donc notre développement sur ces trois îles avec des perspectives de réaliser entre 20 MWac à 30 MWac de projets annuellement.

Le mot de la fin…

G. L. : Malgré les nombreux obstacles, nous sommes déterminés à sortir les projets et à respecter nos engagements jusqu’au bout.

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