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Extradition

Franklin voyage en «business class»: la classe…

7 avril 2024, 11:32

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Franklin voyage en «business class»: la classe…

Après près d’un an de contestation et de procédures judiciaires, Jean-Hubert Célerine, alias Franklin, a été extradé mardi soir vers La Réunion. Actuellement détenu à la prison de Domenjod, il a comparu devant le tribunal de Saint-Denis en compagnie de son avocat, Mᵉ Fabian Gorce, pour un repositionnement de son affaire. Franklin plaide non coupable. Cette extradition marque un tournant dans une saga judiciaire complexe qui continue à susciter de vives interrogations et controverses.

La chronologie de l’affaire Franklin, selon les déclarations de Pravind Jugnauth au Parlement, remonte au 15 septembre 2016, lorsque l’Anti-Drug & Smuggling Unit (ADSU) de la Western Division l’a arrêté pour possession de cannabis et blanchiment d’argent, avec une objection à voyager pesant sur lui. Après des rebondissements judiciaires, dont une période de liberté conditionnelle obtenue le 20 septembre 2016 et la radiation de la charge provisoire le 25 janvier 2018, Franklin a été autorisé à voyager. En mai 2018, Franklin s’est rendu à Dubaï, marquant le début d’une série d’événements qui ont façonné ses démêlés avec la justice. En octobre de la même année, le bureau de l’Attorney General a reçu une lettre des autorités françaises demandant les témoignages de Franklin et de Jérémy Décidé, alias Nono. Les mois suivants ont été marqués par des allers-retours à Dubaï pour Franklin et par une deuxième affaire de possession de cannabis en avril 2019, entraînant une nouvelle interdiction de voyager. Cependant, les démarches légales ont continué, avec une demande d’extradition des autorités réunionnaises en mai 2019, finalement validée par la cour en juin 2019.

En septembre 2019, les témoignages ont été enregistrés en créole, mais des demandes de traduction en français ont suivi en janvier 2020. Malgré ces démarches, Franklin a continué à voyager, se rendant aux Seychelles en février 2020. La situation a pris une tournure significative en juillet 2020 avec la réception d’une note verbale de La Réunion informant de la fermeture administrative de la demande d’une commission rogatoire dans l’affaire Franklin et Nono. Le 7 février 2023, Franklin avait été arrêté par l’ICAC pour blanchiment d’argent. Il est soupçonné d’être lié à des affaires de drogue. Le 12 janvier, alors qu’il refusait d’être remis aux autorités réunionnaises, la magistrate Shavina Jugnauth, qui préside cette affaire depuis avril 2023, ordonne son extradition. Les avocats de Franklin demandent une révision judiciaire de cette décision en Cour suprême. Conscient que cette affaire prendra encore longtemps avant d’être examinée, Franklin opte finalement pour son extradition.

Aucune accusation devant la justice à Maurice

L’extradition de Franklin vers La Réunion a soulevé des questions sur le traitement qui lui a été accordé et les privilèges dont il aurait bénéficié jusqu’au dernier moment avant son départ. Il a voyagé en classe affaires sur un A330 Neo. D’ailleurs, la décision de lui allouer un siège à proximité du cockpit sur un vol qui avait 155 places libres soulève des interrogations, et des employés évoquent même la conformité au Ground Operations Manual. Par ailleurs, il est à noter que toutes les accusations contre Franklin ont été rayées avec son extradition, le rendant libre de toute accusation devant la justice mauricienne. Après avoir purgé sa peine à La Réunion, il demeurera un homme libre et avec la radiation des accusations provisoires tombent aussi les interdictions de voyager.

Cette affaire soulève également des interrogations sur la gestion des procédures judiciaires et des extraditions à Maurice. Certains avocats soulignent que si la justice mauricienne avait réellement un intérêt à résoudre les affaires auxquelles Franklin était confronté à Maurice, elle aurait pu attendre que ces affaires soient bouclées avant de procéder à son extradition. L’enquête de l’ICAC était, selon certains rapports, au point mort, ce qui aurait pu prolonger indéfiniment les délais avant un éventuel procès à Maurice. Dans ce contexte, l’extradition de Franklin avant même que ces affaires soient examinées pourrait être perçue comme une tentative de clore une affaire longue et complexe.


Les biens saisis

Suite à son arrestation, le 20 janvier 2023, l’ICAC obtient un ordre de la cour pour obtenir le gel des avoirs et des comptes bancaires de Jean Huberte Celerine. Franklin est aussi banian, c’est-à-dire qu’il fait le commerce de poissons. Il possède deux speedboats, un jet ski et un bateau de type Legend de 26 pieds de long. Hormis les trois voitures qui avaient été saisies par l’ICAC, il posséderait, à travers la compagnie Topfleet, 60 voitures, toutes n’ayant pas plus de trois ans. L’ordre émis en vertu des articles 9 et 10 de l’Asset Recovery Act concerne aussi les comptes détenus par les trois compagnies de Franklin, à savoir Ti Mimi Grill Fast Food Ltd, Topfleet Car Rental Ltd et New York Boutik Ltd. Huit autres personnes qui sont des proches de Franklin sont aussi concernées par cet ordre de la cour. Avec la radiation des accusations devant le tribunal de Bambous, que se passera-t-il avec le gel de ses avoirs ? Dans le cadre de cette affaire, pas moins de dix autres personnes soupçonnées d’être des prête-noms de Franklin avaient été arrêtées et libérées sous caution. À ce jour, aucune charge formelle n’a été déposée. Le problème justement est que ses voitures, dont les nombreux Raptors saisis et qui sont toujours dans l’enceinte de l’ICAC à Réduit, ses maisons, ses villas et ses autres entreprises ne sont pas toujours au nom de Franklin. Les deux villas valant Rs 25 millions de La Gaulette par exemple sont au nom de Rikesh Sumboo, qui les aurait «vendues» à Franklin, mais en a conservé la propriété. Avec le «restraining order» émis par la Financial Intelligence Unit, qui interdit toute vente, comment les autorités vont-elles procéder ?