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Fraudes et gaspillages : L’overdose mauricienne

8 mars 2025, 05:00

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«Prévenir les abus, renforcer la responsabilité, et améliorer la transparence et l’intégrité du système de passation des marchés publics.» Les mots ont résonné au Parlement mardi.À l’approche du Budget d’austérité 2025-2026, le Premier ministre rappelle la nécessité d’assainir les finances publiques. Selon lui, on n’a d’autre choix que d’encourager cette approche pour davantage de rigueur budgétaire, surtout après les années Covid-19 de sinistre mémoire qui ont offert un spectacle affligeant de prédation organisée des fonds publics.

Les Emergency Procurements (EP), ces procédures d’achats en urgence justifiées par la pandémie, sont devenues un symbole de la dérive mauricienne : des contrats accordés à la va-vite, des fournisseurs sans expérience sélectionnés sans appel d’offres, des surfacturations délirantes et une documentation lacunaire, rendant tout contrôle ultérieur impossible. Derrière cette improvisation orchestrée se cache ce qui semble être un pillage systématique des caisses publiques.

Divers directeurs de l’Audit ont tour à tour tiré la sonnette d’alarme : fournitures médicales facturées jusqu’à 67 fois leur valeur de marché, millions engloutis dans des équipements inutilisables. Pire, certains contrats ont été attribués à des entreprises totalement inconnues des registres habituels de l’administration. Un capharnaüm où l’urgence sanitaire a servi de couverture à une vaste entreprise de détournement.

L’exemple le plus criant reste l’affaire Pack & Blister. Mais le scandale ne s’arrête pas là. Dans la gestion des centres de quarantaine, des hôtels ont été retenus sans respect des critères de sélection habituels. Deux entreprises de catering, non enregistrées auprès de l’Autorité touristique, ont décroché des contrats en or. Ce qu’on a vu, c’est une organisation quasi-mafieuse, avec des complicités à tous les étages de l’appareil d’État, transformant une crise sanitaire en opportunité d’enrichissement illicite.

Face à ce tableau accablant, la volonté affichée de revoir la Loi sur les marchés publics dans le Programme gouvernemental 2025-2029 est certes louable. Mais sans une volonté politique ferme d’en finir avec la culture de l’impunité qui gangrène les marchés publics depuis des décennies, on ne fera pas de grandes avancées avec une fonction publique écrasée par les politiques.

Le problème ne se limite pas aux procédures d’urgence. Il touche toutes les sphères de la commande publique, où des clauses sur-mesure éliminent la concurrence et où les contrats sont taillés pour récompenser les fidèles ou acheter les silences. Maurice ne pourra pas éternellement camoufler cette économie parallèle, où les ressources publiques servent d’abord à alimenter les clientèles politiques.

À l’heure où le pays affronte un déséquilibre budgétaire alarmant, chaque roupie compte. Et chaque roupie volée est une trahison supplémentaire envers les citoyens qui, eux, seront sommés de se serrer la ceinture. Exiger des sacrifices aux contribuables sans exiger une transparence totale des marchés publics est une provocation. Le Premier ministre peut bien promettre des réformes ; elles resteront des slogans creux tant que la lumière n’aura pas été faite sur les abus passés et que les responsables – y compris au sommet – n’auront pas été identifiés et sanctionnés.

Maurice ne pourra pas redresser ses finances sans une rupture totale avec les pratiques qui l’ont menée au bord du gouffre. Cela commence par une réforme profonde de la commande publique, mais surtout par la fin de l’impunité. Il est temps que la classe politique comprenne une vérité simple : la transparence n’est pas une option – c’est une obligation démocratique.

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