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Droit de réponse
Gestion des réserves : une question d’équilibre
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Droit de réponse
Gestion des réserves : une question d’équilibre

(Photo d'illustration)
M. Nad Sivaramen,
Directeur des publications de La Sentinelle,
Je me réfère à un article intitulé «Une gestion des réserves», paru dans votre édition du dimanche 2 mars. Je vous serais gré de bien vouloir présenter mon point de vue sur le sujet.
Les nominés du gouvernement sortant : il y en a qui n’avaient pas demandé ces postes. Certains s’étaient vus proposer ces fonctions. Il serait, selon moi, inélégant de les traiter comme des parias et de s’acharner encore sur eux.
Je me limiterai à des choses simples. Les gains en capital ne sont pas comptabilisés comme des profits pour la Banque. Ainsi, même en cas de performance favorable des marchés, cela ne se traduit pas automatiquement par un bénéfice comptabilisé dans les profits de la Banque.
Conformément à la Bank of Mauritius Act, tout gain en capital (évaluation mark-to-market du portefeuille) doit être transféré du income statement vers le Special Reserves Fund. Par conséquent, ces gains ne contribuent pas directement aux profits de la Banque.
Si la Banque n’avait pas modifié sa stratégie en 2022, elle aurait enregistré des pertes importantes pour l’exercice 2023, en raison de la hausse des coûts opérationnels, indépendamment des mouvements de prix de marché. À cette époque, la stratégie d’investissement était principalement axée sur l’appréciation des actifs plutôt que sur la génération de revenus sous forme d’intérêts. De plus, les réserves nettes investissables étaient inférieures aux réserves brutes de 8 milliards USD, après déduction des balances ne relevant pas de la Banque.
Parallèlement, le coût de financement et les opérations d’open market étaient en forte hausse, exerçant une pression supplémentaire sur le income statement. Dans ce contexte, il était devenu impératif d’opérer un rééquilibrage entre rendement en prix et rendement en revenu afin de garantir la stabilité financière de la Banque.
Sans cette adaptation stratégique, la Banque aurait enregistré des pertes considérables, ce qui aurait non seulement affaibli sa situation financière, mais aurait également été négativement perçu par Moody’s, l’agence de notation, ainsi que par nos contreparties internationales. Ces dernières surveillent de près notre income statement lorsqu’elles fixent les conditions de financement qui nous sont accordées. Une détérioration de la rentabilité de la Banque aurait ainsi pu impacter la notation souveraine de Maurice, la perception des investisseurs et, par extension, le coût de financement du pays.
Il était donc essentiel pour la Banque de trouver un équilibre optimal entre rendement en prix et rendement en revenu, tout en maintenant un niveau de risque maîtrisé. L’objectif était d’optimiser les rendements sans compromettre les principes fondamentaux de gestion des réserves, à savoir la sécurité et la liquidité des actifs. Cette approche a permis d’aligner la gestion des portefeuilles sur un modèle plus résilient et durable, mieux adapté à l’évolution du contexte macroéconomique et financier.
Note de la rédaction
Une stratégie toujours sous questionnements
En réponse aux explications fournies par Mardayah Kona Yerukunondu concernant la gestion des réserves de la Banque de Maurice, des analystes du secteur financier continuent de s’interroger sur la cohérence et la soutenabilité de la stratégie adoptée depuis 2022, face à un environnement macroéconomique mondial en rapide mutation.
Si la Banque justifie l’évolution de sa politique d’investissement par la nécessité de préserver la stabilité financière de l’institution dans un contexte de taux d’intérêt en forte hausse, plusieurs experts estiment que cette réorientation s’est accompagnée d’une prise de risque accrue, tant sur le plan de la liquidité que du crédit. Or, la Bank of Mauritius Act établit clairement que la gestion des réserves doit respecter une hiérarchie stricte : sécurité, liquidité, puis rendement.
Au-delà de la seule gestion de la performance à court terme, certains observateurs soulignent un problème plus structurel : l’allocation stratégique des actifs de la Banque ne semble plus alignée avec la nature de ses passifs. En d’autres termes, la structure même du portefeuille ne reflète pas de manière adéquate les exigences de liquidité et de sécurité qu’impose la gestion des réserves officielles. Ce décalage, déjà perceptible dans les exercices précédents, expose potentiellement la Banque à des pressions accrues en cas de chocs externes ou de dégradation de la confiance des marchés.
Les récents résultats de la Banque nationale suisse (BNS), qui affiche un bénéfice record de 80,7 milliards de francs suisses pour 2024 après une perte de 3,2 milliards en 2023, sont scrutés de près par les analystes. Cette performance spectaculaire repose largement sur la valorisation des positions en actions, obligations internationales et en or, illustrant l’importance d’une allocation stratégique souple, capable de naviguer entre la préservation de capital et l’exploitation tactique des opportunités de marché. À Maurice, certains experts estiment qu’une réflexion similaire s’impose : conjuguer une gestion prudente des réserves stratégiques avec une dose plus importante de gestion active et opportuniste, mobilisant des expertises de trading adaptées à l’environnement macroéconomique mouvant.
Ce besoin d’adaptation s’impose d’autant plus que le paysage économique global continue de se complexifier. Les incertitudes autour de l’escalade des tensions commerciales, la persistance d’une inflation élevée aux États-Unis, la fragmentation géopolitique amplifiée par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, ainsi qu’une Réserve fédérale plus restrictive, créent un environnement où la gestion des réserves ne peut plus se limiter à une approche passive. Les banques centrales de petite taille, particulièrement celles des économies ouvertes comme Maurice, sont confrontées à la nécessité de combiner résilience structurelle et agilité tactique.
Ces interrogations ne remettent pas en cause la légitimité de la Banque de Maurice à ajuster ses orientations stratégiques face à la volatilité accrue des marchés financiers internationaux. Elles plaident toutefois pour un débat plus transparent et structurant sur la refonte de l’allocation stratégique des réserves et l’introduction de nouvelles approches de gestion active fondées sur une expertise approfondie des dynamiques macroéconomiques globales.
Les partenaires économiques, agences de notation et institutions financières internationales suivent avec attention ces évolutions. Toute réévaluation de la notation souveraine de Maurice, élément clé pour l’accès aux marchés de capitaux internationaux, dépendra autant de la rentabilité de la Banque que de la crédibilité de sa stratégie de gestion des réserves.
Si les ajustements opérés depuis 2022 ont permis de renforcer la résilience de l’institution tout en respectant les grands principes de sécurité et de liquidité, désormais, des observateurs du marché attendent que ce discours s’accompagne d’une clarification plus large sur la vision stratégique de la Banque face aux turbulences mondiales à venir.
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