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Global business : la vision 2030

10 juillet 2025, 04:15

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Au début des années 90, l’économie mauricienne était dans une bonne dynamique. Quelques années plus tôt, le pays avait vécu son premier boom économique. Compte tenu de ce cycle vertueux, les décideurs politiques et économiques pouvaient très bien s’endormir sur leurs lauriers. Mais voilà, des défis se profilaient à l’horizon. Les filets de protection ayant permis au pays de bénéficier d’un accès préférentiel sur le marché européen allaient tôt ou tard être enlevés. Les esprits clairvoyants le savaient.

Donc, pour ne pas se faire emporter par la vague de la mondialisation, Maurice amorcera sa transition vers une économie des services. C’est ainsi que Rama Sithanen, alors jeune ministre des Finances, était chargé de piloter le projet de création de l’offshore. En 1992, le cadre juridique et réglementaire est mis en place avec la promulgation du Mauritius Offshore Business Activities Act. Le contexte est propice car l’Inde est en pleine transformation et a cruellement besoin de capitaux étrangers. Cela tombe bien pour l’offshore mauricien. Grâce au traité indo-mauricien signé en 1982, Maurice va rapidement devenir la principale plateforme financière par où transiteront les capitaux étrangers à destination de l’Inde.

Mais le succès du secteur offshore ne se fera pas sans heurts. Maintes fois, Maurice sera accusé, à tort ou à raison, dans la presse indienne comme étant une juridiction utilisée par des investisseurs peu scrupuleux pour faire du round-tripping ou pour faire du hot money sur le marché boursier indien par le truchement des P-notes. Les pressions exercées de part et d’autre mèneront à l’amendement de la convention fiscale avec l’Inde en 2016. Peu de temps après, sous la pression de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), Maurice sera poussé à réformer son cadre réglementaire et fiscal et d’adopter l’instrument multilatéral.

Par la suite, il y aura l’épisode de l’inclusion de Maurice sur la liste noire de la Commission européenne. Mais le pays s’en sortira avec brio en se conformant pleinement aux 40 recommandations du Groupe d’action financière.

Aujourd’hui encore, malgré la pleine résilience qu’il a démontrée, le secteur du global business reste confronté à de nombreux challenges, comme la perspective d’un éventuel déclassement par Moody’s, qui signifiera qu’on perdrait notre statut de pays investissable (Investment grade). D’où la nécessité d’agir rapidement en vue de consolider le secteur des services financiers qui s’impose désormais comme le premier pilier de l’économie, avec une contribution de 13,4 % du PIB. Des données actualisées par le ministère des Services financiers révèlent aussi que le secteur financier emploie 19 745 professionnels et représentait 68,2 % du l’ensemble du Corporate tax collecté par le fisc pour l’exercice fiscal 2022-2023.

Ce n’est pas tout : le secteur du global business compte des actifs cumulés avoisinant les 700 milliards de dollars, soit près de 50 fois la taille du PIB. Chaque année, ce sont des sommes pharaoniques qui transitent par notre centre financier international (IFC) pour atterrir principalement en Inde (6,1 milliards de dollars en 2023), puis en Afrique. Ces capitaux transitent par nos banques avant d’être dirigés vers les pays d’investissement. Avant la pandémie, Moody’s estimait, dans un rapport, que les dépôts de l’activité offshore représentaient environ 54 % des passifs des banques. C’est dire l’interconnexion entre le secteur financier bancaire et non bancaire.

La nouvelle ministre des Services financiers, Jyoti Jeetun, issue elle-même du monde de la finance, sait à quel point il est crucial de consolider les assises de ce secteur. D’où la raison pour laquelle elle a engagé les consultations avec les acteurs de la finance en mars dernier. Le Rapport stratégique pour le secteur des services financiers (2025-2030) rendu public la semaine dernière est l’aboutissement de la réflexion engagée sur l’avenir du secteur financier.

Si après trois décennies d’existence, Maurice se classe aujourd’hui à la 58e place mondiale du Global Financial Services Index, il est un fait que nous devons faire beaucoup mieux. La priorité des priorités est que Maurice préserve son statut de juridiction de substance. Cela passera par un combat tous azimuts contre la criminalité financière et le trafic de drogue. Dans le même temps, il s’agira qu’on grappille des points au niveau de la facilitation des affaires. Valeur du jour, nous sommes très loin derrière Dubaï et Singapour, où les approbations des institutions régulatrices prennent 2 à 3 semaines. À Maurice, certains fonds ont dû attendre jusqu’à six mois pour obtenir une licence de la Financial Services Commission. De même, il est vital de mieux harmoniser la stratégie de promotion de Maurice comme une IFC auprès des investisseurs internationaux. Là encore, il y a des sentiers à aplanir. Faudra-t-il, par exemple, ressusciter la Financial Services Promotion Authority qui, avant sa fusion au sein de l’Economic Development Board, était l’institution qui s’occupait exclusivement de la promotion du secteur financier ? C’est une option qui sera certainement à l’étude.

Par ailleurs, à un moment où l’on parle de l’importance d’offrir des services financiers plus sophistiqués, comme la possibilité de lever des fonds à travers des jetons, il est primordial que les banques deviennent plus crypto-friendly. Bien entendu, tout cela nécessitera des systèmes de contrôle appropriés. C’est en innovant tout en restant transparent que Maurice pourra véritablement devenir cet IFC desservant à la fois l’Afrique et l’Asie.

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