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Goolam Mohamedbhai : Il était une fois les bohras, des entrepreneurs prospères

30 juin 2025, 14:30

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Goolam Mohamedbhai : Il était une fois les bohras, des entrepreneurs prospères

Partir de son histoire personnelle pour raconter celle d’un groupe méconnu, les «dawoodi bohra». C’est le parcours de Goolam Mohamedbhai dans «The Mandvi connection In search of my roots (1824-2024)». L’ancien vice-chancelier de l’université de Maurice nous guide dans la rencontre de ces commerçants de foi islamique – issus des schismes de la communauté chiite –, qui ont traversé les mers de Mandvi dans le Gujerat à Lamu au Kenya, avant de s’installer à Maurice.

L’histoire des migrations qui ont nourri la diversité mauricienne est inépuisable. Alors, répondons à l’invitation d’un membre éminent du groupe des dawoodi bohra, pour en apprendre plus sur ce groupe méconnu, de foi islamique, issu d’une série de schisme au sein de la communauté chiite. Des dawoodi bohra qui ont traversé plusieurs fois les mers, en plantant leurs racines à Mandvi dans le Gujerat en Inde, à Lamu, ville côtière du Kenya, puis à Maurice.

C’est Goolam Mohamedbhai, qui a été vice-chancelier de l’université de Maurice entre 1995 à 2005, qui nous mène à rencontre des siens. Il vient de publier The Mandvi connection In search of my roots (1824-2024). Deux siècles d’histoire qu’il a mis 20 ans à retracer. En partant de son histoire personnelle pour déboucher sur l’histoire universelle d’hommes et de femmes en quête d’un avenir meilleur, qui étaient animés par le goût des affaires et de l’entreprise.

Traverser deux siècles d’histoire n’est pas une aventure immobile. Le récit de Goolam Mohamedbhai est à la fois rythmé par les passages obligés de l’existence humaine et les périples physiques. Il démarre par la douleur de perdre ses parents. La santé déclinante de sa mère, en 2005, est d’ailleurs le déclic de cet ouvrage qui a mis du temps à se concrétiser, alors que l’idée a surgit en 1986, quand une historienne interviewe sa mère. «Ma mère avait une mémoire incroyable. Elle était née à Lamu, au Kenya tout comme mon père. Le mariage entre cousins est pratiqué parmi les bohras. Ils sont venus à Maurice après leur mariage», explique Goolam Mohamedbhai.

En plus des secousses du quotidien, ce récit puise dans les imprévus du voyage. L’auteur s’est déplacé sur deux continents – indien et africain – pour se rendre sur les lieux où sont passés des membres de sa famille proche, de sa famille élargie, de sa communauté dawoodi bohra. Il a même bravé le contexte défavorable causé par les attaques de djihadistes somaliens à Lamu, ville éminemment touristique.

Avec cet ouvrage, Goolam Mohamedbhai prouve que l’on peut être un universitaire, un homme du livre, de la rigueur scientifique mais aussi un homme de la parole patiemment recueillie, du patrimoine oral qui prend le relais là où les documents d’archives s’arrêtent. Des traces écrites qu’il a systématiquement recensées jusque dans les cimetières – dont celui de Riche Terre. «In the records kept by the Surtee Soonee Mussulman Society of burials of bohras in the muslim Riche Terre cemetery, the first recorded bohra to be buried was Ally Bhay Dawood who died in 1905 at the age of 70; he was therefore born in 1835, His grave is not currently identifiable.»

Autre repère dans l’histoire des bohras : la création de la société Currimjee Jeewanjee en 1900, «on rue de l’hôpital, now Louis Pasteur street (which) eventually came to be known as bohra bazaar as most bohra had established their business premises along that road». Goolam Mohamedbhai confie :«L’un des frères Jeewanjee a épousé la tante de mon grand-père, Rehmatbhai. Une waqf (société de gestion du patrimoine) porte son nom», explique l’auteur. Une fois installée à Maurice, elle vante les opportunités qui existent ici, à ses proches. Un jeune oncle et son neveu sont envoyés d’abord pour travailler pour la société Currimjee Jeewanjee. Avant qu’ils ne fondent leur compagnie, A.H Ebramjee en 1915, «dans une maison qui existe toujours, au 36 de la rue royale. C’est la maison familiale où je suis né», raconte avec fierté Goolam Mohamedbhai.

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Un arbre généalogique au feuillage abondant orne la couverture de ce livre. Il rend hommage à un document inestimable dessiné par Ebrahimbhai, un proche de l’auteur, vivant à Mandvi, dans les années 1960. «The tree spans some eight generations and about 250 years. It shows many bohra families in different parts of the world having Mandvi as their ancestral town and a common ancestor. It also shows that most of the bohra families in Mauritius are in some way all connected to Mandvi – hence the Mandvi Connection.» L’auteur souligne que si les premiers commerçants musulmans du Gujerat qui arrivent à Maurice dans les années 1830, «were mainly Meimans from Kutch followed by Surtees from Surat, bohra traders from Gujarat started arriving in Mauritius probably in 1840s or 1850s. My family is unique in that it came to Mauritius from Kenya and not from Gujarat.»

Au bout de 20 ans de cheminement avec ce livre, Goolam Mohamedbhai retient à quel point «des familles ne conservent pas les documents. Parfois on ne sait pas en quelle année quelqu’un s’est marié ou est décédé». Son livre illustre, «l’importance de la famille», des exemples de sacrifice de l’individu pour le bienêtre du cercle familial. Notamment des sacrifices énormes consentis par les femmes.

Les familles Bohra : Ebramjee, Currimjee, Jeewanjee, Adamjee, Moosajee, Valijee …

Outre son histoire personnelle, Goolam Mohamedbhai tisse aussi un faisceau de relations avec des familles qui sont à la fois liées par le mariage, une foi commune et des liens d’affaires. Parmi les noms mentionnés figure celui de la famille Valijee. Un patronyme que l’auteur met en lien avec Cité Valijee, quartier de Port-Louis. Il rapporte le témoignage d’un membre de cette famille : «she recalled her father telling her that her great grandfather, Ebrahimjee Valijee, owned a lot of land near the mouth of Grand River North West. Ebrahimjee was approached by the Roman Catholic Church for a donation of a plot of land in the area currently known as Cassis, in the vicinity of an existing church, to build houses for the poor, homeless descendants of the liberated slaves, which he agreed to. That could have been in 1920 or 1930”.

L’hommage aux aieüls

Donner un nom a la descendance, «très souvent c’était en hommage au père ou au grand-père». Exemple, l’auteur s’appelle Goolamhussein. Son père s’appelait Taherally. «Mon grand-père était Goolam hussein. Son père était Mohamedbhai, son père était Ebramjee. Dans l’arbre généalogique, Mohamedbhai est le fils d’Ebramjee.» L’auteur ajoute : au décès d’une bohra qui était mariée, «elle ne porte pas le nom de son mari mais celui de son père. C’est selon cette coutume qu’elle est enregistrée au cimetière. Cela m’a causé beaucoup de problèmes durant mes recherches».

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