Publicité
Journée mondiale du lupus
Helena Lutchman-Rabot: «La difficulté est de vivre en sachant que ses complications peuvent être fatales»
Par
Partager cet article
Journée mondiale du lupus
Helena Lutchman-Rabot: «La difficulté est de vivre en sachant que ses complications peuvent être fatales»

Helena Lutchman-Rabot.
La Journée mondiale du lupus est le 10 mai. Le lupus, rappelons-le, est une maladie auto-immune chronique. Cela signifie que le système immunitaire attaque par erreur les propres cellules du corps. Cela peut provoquer des inflammations et occasionner des dégâts dans différentes parties de l’organisme comme les articulations, la peau, les reins, le sang, le cœur et les poumons. Helena Lutchman-Rabot nous raconte son vécu avec cette maladie.
🟦Quand avez-vous reçu votre diagnostic de lupus, et comment l’avez vous vécu ?
Mon diagnostic de lupus s’est fait en plusieurs étapes. Au départ, c’était lors d’un simple contrôle de routine : mes analyses sanguines ont montré quelque chose d’anormal. Je n’avais pas encore de symptômes mais j’ai été redirigée vers un spécialiste, qui m’a expliqué quoi surveiller. Quelques mois plus tard, les premiers signes sont apparus : douleurs articulaires, faiblesses musculaires, nausées, maux de tête, ulcères dans la bouche… et le diagnostic a été confirmé. J’ai eu beaucoup de chance. Mon cas a été pris au sérieux très rapidement. J’ai été dirigée vers un spécialiste dès les premières anomalies, ce qui m’a permis d’être diagnostiquée et mise sous traitement très tôt. Ce n’est malheureusement pas le cas pour tout le monde. Beaucoup de patients.es vont de médecin en médecin pendant des années avant d’obtenir un diagnostic.
🟦Avez-vous des poussées de lupus et des périodes de rémission ? Comment arrivez-vous à les anticiper ou les vivre ?
Oui, j’ai des poussées et des phases de rémission. Le lupus est toujours là en arrièreplan mais lors des poussées, les symptômes deviennent vraiment envahissants. Avant, cela me prenait par surprise. Aujourd’hui, j’arrive mieux à repérer les signes pour ralentir à temps, annuler mes plans, me reposer et éviter que la situation n’empire.
🟦Qu’est-ce qui est le plus difficile à gérer dans votre quotidien ?
Ce qui me pèse le plus, c’est la gestion de l’énergie. Mes niveaux d’énergie sont déjà plus bas qu’une personne en pleine santé, et si je dépasse mes limites, je risque une poussée de lupus. Il faut tout planifier, tout anticiper. Chaque activité a un «coût» en énergie et de ce fait, je dois souvent choisir entre travailler, sortir, pratiquer un loisir ou simplement me reposer.
🟦Comment la maladie affecte-telle votre vie sociale, professionnelle ou personnelle ?
La vie sociale est très réduite. Je dois choisir avec soin comment j’utilise mon énergie. Au niveau professionnel, j’ai toujours été transparente par rapport à mon état mais ce n’est pas évident dans un monde du travail, qui valorise la performance à tout prix. J’ai dû négocier des aménagements comme le télétravail ou des horaires plus souples. Ce qui est aussi très difficile, c’est de vivre en sachant que les complications du lupus peuvent être fatales. On porte en soi cette idée de mort, d’autant plus pesante que la maladie est imprévisible. Même quand tout semble aller bien, elle peut soudainement s’aggraver et affecter des organes vitaux. Cela veut dire qu’on apprend à vivre avec une certaine lucidité face à la mort. Par moments, c’est extrêmement lourd à porter.
🟦Les gens comprennent-ils ce qu’est le lupus ?
Non, mais je ne leur en veux pas. Moi non plus, je ne connaissais pas cette maladie avant d’en souffrir. Même les professionnels de santé découvrent encore des choses. Mais j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de personnes bienveillantes, qui posaient des questions avec sincérité.
🟦Avez-vous déjà ressenti du scepticisme ou de l’incompréhension à cause du caractère «invisible» de la maladie ?
Bizarrement oui, surtout au début. Certains doutaient que je sois vraiment malade. Cela m’a interpellée parce que je n’aurais pas choisi de m’inventer une telle maladie. Et puis, il y a les comparaisons maladroites du style : «Moi aussi je suis fatigué·e», alors que la fatigue liée au lupus est d’un tout autre ordre.
🟦Qu’aimeriez-vous que le grand public comprenne ?
C’est une maladie chronique, incurable, qui impacte chacune de nos décisions au quotidien. La charge mentale est énorme.
🟦Quels outils, traitements ou routines vous aident à mieux vivre avec le lupus ?
Je prends un traitement médicamenteux quotidien, à vie. Tous les trois mois, je fais un bilan médical. Je suis aussi suivie pour surveiller les effets secondaires. À côté de ça, j’ai adopté une routine où j’écoute mon corps, j’anticipe les coups de fatigue, et je priorise le repos. Éviter le soleil, porter de la crème solaire, faire attention aux infections, tout cela fait partie de mon quotidien. La thérapie cognitive et comportementale m’a aussi beaucoup aidée.
🟦Avez-vous trouvé du soutien dans une communauté, un groupe, une association ?
Oui, le partage d’expérience est essentiel. Être en lien avec d’autres personnes malades aide énormément. On se comprend sans avoir à tout expliquer. Ce sont des espaces où on peut se soutenir, se donner des astuces ou juste se sentir moins seule.
🟦Qu’est-ce qui vous aide à rester forte mentalement pendant les périodes difficiles ?
Parfois, rien. Et c’est aussi okay. Mais souvent, ce sont les petites choses : écrire, lire, faire du yoga, être avec les gens que j’aime.
🟦Qu’a changé cette maladie dans votre façon de voir la vie ?
Elle m’a obligée à ralentir, à faire des choix plus conscients. Elle m’a poussée à réévaluer ce qui compte vraiment. Le lupus m’a donné une conscience accrue de la fragilité de la vie, et paradoxalement, cela m’aide à mieux apprécier ce que j’ai.
🟦Quel message aimeriez-vous faire passer à d’autres personnes souffrantes ou qui viennent d’être diagnostiquées ?
Faites-vous confiance et affirmez-vous. Vos besoins sont importants.
🟦Et pour ceux qui ne connaissent pas du tout la maladie ?
Le lupus est complexe, invisible parfois, mais bien réel. Écoutez avec empathie. Posez des questions avec respect.
Publicité
Publicité
Les plus récents




