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Post-Belal

Husnoo fait son mea culpa mais c’est le directeur de la météo qui part

17 janvier 2024, 13:30

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Husnoo fait son mea culpa mais c’est le directeur de la météo qui part

Anwar Husnoo effectuant un constat à Port-Louis, hier… © Vashish Sookrah

Il fallait offrir «une tête» à la population après la gestion catastrophique du cyclone Belal et des fortes pluies qui l’ont accompagné. Ram Dhurmea est-il le responsable ou le bouc émissaire ? Revenons sur la déclaration du ministre Anwar Husnoo du 14 janvier, où il est flanqué de Ram Dhurmea, alors encore le directeur de la météo, et d’un officier de la SMF. On est en alerte cyclonique I. Husnoo affirme que le cyclone Belal semble menacer davantage La Réunion que Maurice et que la station météorologique ne prévoyait pas de fortes rafales mais beaucoup de pluie dans la soirée et, en baissant la voix, «demain aussi». Il ajoute que, vu la présence de nuages encore plus actifs, il faudra s’attendre à encore plus de pluie à partir du lendemain aprèsmidi, soit le 15 janvier.

Il déclarait aussi qu’il envisageait toutefois la possibilité de lever l’alerte cyclonique si Belal maintenait sa trajectoire, tout en réitérant le risque de grosses pluies. Il demande aux Mauriciens de prendre connaissance de l’avis de fortes pluies qui sera «fort probablement» émis à 4 heures du matin le lendemain 15 janvier si «les nuages actifs viennent en direction de Maurice». Husnoo parle donc de la probabilité d’émettre un avis de fortes pluies si les nuages – pas l’oeil du cyclone – continuent de s’approcher de Maurice. Cela, alors que quelques secondes plus tôt, il confirmait qu’avec la présence de nuages actifs, il fallait positivement s’attendre à de grosses pluies le lendemain et «encore plus de pluie» le lendemain après-midi. Which is which ?

Dans le bulletin du 15 janvier à 4 h 10 du matin, le service météo maintient l’alerte I mais ne passe pas en alerte II. Pourquoi ? Pourtant, selon ce bulletin, même si «...on this trajectory Belal continues to approach our region», il ajoute «a movement more towards the east MAY bring the radius of cyclonic winds closer to Mauritius in which case Belal will represent a potential threat for the island». Beaucoup de conditionnel pour un bulletin météo. Qui parle aussi de pluies intermittentes et d’orages et que «the heavy rain will become more frequent in the afternoon». À la fin, l’avis de fortes pluies ne sera pas émis car, manifestement, ni la météo ni Husnoo ne s’attendaient à des grosses pluies le matin. Mais dans l’après-midi. L’heure approximative n’est pas donnée. Les écoles sont fermées. L’alerte II est émise à 10 h 10 et l’alerte III à 13 h 30. On est passé de l’alerte II à III en l’espace de 2 heures 20 minutes. Le cyclone a-t-il changé de trajectoire ou a-t-il accéléré la cadence ?

Selon le bulletin d’alerte I, Belal se dirigeait vers le sud-est à 10 km/h, alerte II vers l’est-sud-est à 12 km/h, alerte III vers l’est-sud-est à 12 km/h (un autre bulletin mentionnait 14 km/h) et l’alerte IV entre l’est et l’est-sud-est à 15 km/h. On peut difficilement dire qu’il y a eu un infléchissement inattendu dans la trajectoire ni une accélération considérable. En tout cas, contrairement à ce que disait Husnoo le 15 janvier, il n’y a jamais eu d’avis de fortes pluies mais de cyclone. De toute façon, les travailleurs, contrairement aux élèves, devaient se rendre à leur poste le 15 janvier au matin.

L’autre déclaration du ministre Husnoo de lundi après-midi est tout aussi instructive. Ram Dhurmea avait déjà démissionné. Husnoo affirme qu’il s’est fié aux informations qui lui ont été données par le service météo. «Mo stand guided by them.» Il reconnaît cependant qu’il est personnellement responsable de ce cataclysme naturel et gestionnaire. «Mo santi mwa… Mo aksepté… Mo éna responsabilité antan ki minis.» Toutefois, c’est Dhurmea qui «démissionne»

Ministre ému ?

Selon la première déclaration de Husnoo, il est clair qu’il ne peut dire qu’il a été induit en erreur par le service météorologique puisque c’est lui-même qui se contredisait au sujet des nuages actifs et des pluies diluviennes. Lors de son supposé mea culpa du lendemain, Husnoo semble faire comprendre que c’est lui qui a décidé quelle alerte émettre et quand. Sinon, pourquoi parle-t-il de sa responsabilité ? Cet aveu semble confirmer la raison d’être de l’amendement à la Mauitius Meterological Act de 2019 qui permet au ministre concerné de donner des instructions à la météo : «10. Powers of Minister : The Minister may give such directions of a general character to the Director, not inconsistent with this Act, as he considers necessary in the public interest, and the latter shall comply with those directions.»

Subiraj Sok Appadu, un ancien directeur de la météo, maintient ce qu’il avait dit à l’express en 2019 : C’est dangereux… Un ministre peut être n’importe qui. Par exemple, estce qu’un ministre qui est avocat ou comptable peut mieux comprendre la météo qu’une personne qualifiée dans le domaine ?» Quant à Prem Goolub, un autre ex-directeur de la météo, il affirme qu’il n’y a jamais eu d’ingérence gouvernementale dans les décisions de la météo. Pourquoi alors avoir amendé la loi dans ce sens ? Pas de réponse. Selon nos informations, Goolub sera nommé conseiller auprès de Husnoo. Il ne nous a pas répondu à ce sujet.

Reza Uteem qui, avec d’autres membres de l’opposition, avait protesté contre cet amendement en 2019 s’interroge : «Y a-t-il eu ingérence politique dans la météo ? Comment ne pas le penser avec cette loi qui donne le pouvoir au ministre de donner des instructions à la station ? Comment ne pas le penser quand on entend le ministre Husnoo annoncer en avance que l’alerte 3 allait être émise ? Le cyclone s’est déplacé à la vitesse de 15 km/h. N’étaitil pas possible de prévoir son arrivée sur Maurice ? N’était-on pas au courant des menaces de pluies torrentielles ?»