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2011 : L’espoir viendra des citoyens

2011, une nouvelle année, une nouvelle décennie. Serait-ce aussi l’année du réveil citoyen ?
Il n’y a plus à se voiler la face, puisque nous devons changer d’époque : Maurice n’a de démocratie que sa façade, une façade qui craquèle avec le temps qui passe. Si on veut faire du pays une vraie République, il faudrait que les donnes politiques changent.
Ce changement en profondeur est nécessaire à plusieurs niveaux, à commencer par la Constitution (cet héritage de la colonisation britannique contient du venin qui ne permet pas à notre tissu social de se détendre). Mais cette refonte ne se fera pas par l’intermédiaire de nos décideurs politiques; puisque notre “pseudo-démocratie” leur est bénéfique. Et ce depuis des générations, devant un public souvent désabusé et pas suffisamment soudé pour dire: Stop!
Si Maurice était une vraie démocratie, dans le sens où elle offrait des chances égales à tout le monde, indépendamment du patronyme et du levier ethnique que le système active, n’aurait-on pas dû voir, dans la sphère politique, cette vibrante génération de Ramgoolam, Jugnauth, Duval, Boolell et Mohamed et tant d’autres encore, ouvrir, en vrais démocrates, les portes du pouvoir politique au peuple ? N’a-t-on pas assez évolué comme nation pour faire la place aux autres ? Jusqu’où peuvent aller les combines politiciennes et les intérêts stratégiques ?
Nous ne vivons plus au 20e siècle. L’omerta d’hier se dissipe avec Internet, le réseautage social qu’il a engendré et des hacktivistes comme Assange. Il y a aujourd’hui de plus en plus de moyens de vérifier les agissements de nos leaders. Les documents déclassifiés ou révélés, ces derniers temps, démontrent que les Britanniques ont manigancé avec nos chefs politiques et autres chefs de tribus ou capitaines d’industrie pour nous offrir Ramgoolam et notre indépendance sur un plateau d’argent, sans les Chagos, dont la vérité va éclater. Plus de quarante ans après son indépendance, Maurice se voit avec un conseil des ministres, toujours présidé par le patronyme Ramgoolam, et où siègent d’autres patronymes qui déjà représentaient les intérêts du peuple de Maurice face au redoutable gouvernement britannique dans les cruciales années 60, en temps de guerre froide...
L’histoire, quelque soit la version, retient que Ramgoolam a négocié, des fois seul, avec les Britanniques. Ironie de l’histoire, c’est son fils qui aujourd’hui poursuit les Britanniques dans une tentative de récupérer nos acquis sur les Chagos. Peut-on alors reprocher aux Anglais de considérer Maurice comme la propriété des Ramgoolam ?
Dans un texte magistral, “Le Discours de la Servitude volontaire”, Etienne de La Boétie, écrivain du 16e siècle, se pose la question: Pourquoi un seul peut gouverner un million, alors qu''il suffirait à ce million de dire non pour que le gouvernement disparaisse ? Cet ouvrage est paru en 1549. - Le Prince de Machiavel est, lui, écrit en 1513 – alors que La Renaissance bat son plein en Europe et les auteurs politiques commencent à s'exprimer.
Il y a trois sortes de tyrans, “de mauvais princes”, nous dit La Boétie.
Son texte n’est pas sans rappeler certains de nos leaders politiques contemporains : “Les uns possèdent le Royaume par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, et les autres par succession de race. Ceux qui l’ont acquis par le droit de la guerre, s’y comportent, on le sait trop bien et on le dit avec raison, comme en pays conquis. Ceux qui naissent rois, ne sont pas ordinairement meilleurs ; nés et nourris au sein de la tyrannie, ils sucent avec le lait naturel du tyran, ils regardent les peuples qui leur sont soumis comme leurs serfs héréditaires ; et, selon le penchant auquel ils sont le plus enclins, avares ou prodigues, ils usent du Royaume comme de leur propre héritage (...)”
Avec un patronyme moins dynastique, mais doté d’un égal sens de règne sans partage, Bérenger, leader de l’opposition, aussi, pourrait aisément se retrouver à travers les lignes suivantes de l’auteur : “Quant à celui qui tient son pouvoir du peuple, il semble qu’il devrait être plus supportable, et il serait, je crois, si dès qu’il se voit élevé en si haut lieu, au-dessus de tous les autres, flatté par je ne sais quoi, qu’on appelle grandeur, il ne prenait la ferme résolution de n’en plus descendre (…) Il considère presque toujours la puissance qui lui a été confiée par le peuple comme devant être transmise à ses enfants.”
Hélas, les trois principaux partis de Maurice, en l’occurrence le Mouvement Militant Mauricien (MMM), le Parti Travailliste (PTr), et le Mouvement Socialiste Militant (MSM), et leurs souverains respectifs, demeurent en état permanent de recherches de nouvelles combinaisons de liaisons pouvoiristes. Alors, avec un sérieux non-feint, ils font tout pour écarter les idées de liberté de l’esprit de leurs sujets et de l’ordre du jour. Alors que les porte-micros Bhagwan et Obeegadoo crient au petit peuple : “2011 verra le renouvellement des instances dirigeantes du parti, ce qui constitue un extraordinaire exercice démocratique tout à fait étranger aux partis politiques traditionnels.”, le sieur à la moustache s’émerveille devant le ton correct et courtois du ministre des Finances juste avant la fin des vacances parlementaires, ce “fils à papa” sur lequel il vomit au gré de ses humeurs. Bérenger se croit encore pouvoir “mett dife” entre un Ramgoolam et un Jugnauth. C’est vrai les années passent, mais certains ne changeront jamais! Peut-être, c’est alors au peuple de changer ? Mais pour cela il faut du courage, du cran, et/ou une capacité de nuisance. Demandez à Rama Sithanen et à Johnson Roussety ce qu’ils pensent de leurs démêlés avec la justice! Jugnauth dit qu’il n’y est pour rien. Point à la ligne.
De Washington, DC, où elle fait un travail de recherches comparatives sur les démocraties, Dr. Roukaya Kasenally a raison de courageusement nous rappeler qu’entre une démocratie comme la nôtre et une autocratie en Afrique, les lignes sont souvent floues (volontairement floutées) et il y a un va-et-vient permanent, un dangereux basculement. Etudiant de près le cas de Maurice, avec un accent, entre autres, sur les enjeux de gouvernance et la faible participation des femmes dans le jeu politique local, elle rappelle que “what has been particularly damaging for the cause of women in politics is the manner in which certain women and women movements congratulated the Prime Minister following his decision to appoint Monique Ohsan Bellepeau to the post of Vice President (…) much more troubling is the recent case of Sandya Boygah – democratically elected, forced to resign and still bearing an unflinching loyalty to her leader.”
Avec une presse bafouée dans ses droits et sujette à des attaques pouvoiristes visant à la décrédibiliser et la museler, et une société civile divisée, l’espoir en cette année 2011 ne peut venir que des citoyens engagés dans un combat contre le communalisme tel qu’il est institutionnalisé chez nous et détenteurs de preuves empiriques. C’est pourquoi l’on doit s’estimer heureux d’avoir des Mauriciens comme Roukaya Kasenally, Ashok Subron, les ‘Blok 104” qui amènent une belle communion de citoyens, ces nombreux artistes et ces ‘expats’ mauriciens qui débattent depuis plus de trois ans du besoin d’une autre République, et qui osent remettre en question, au quotidien, les règles imposées sur notre peuple et son destin, et qui ont le courage et le patriotisme de contester le statut-quo de notre système dit démocratique. Dans l’espoir d’un avenir encore meilleur.
Ancrés dans la réalité de la vie citoyenne, ennemis déclarés du communalisme qui nous ronge, sensibles aux enjeux environnementaux qui nous guettent, ils sont les catalyseurs d’un mouvement d’évolution nécessaire dans la vie d’une nation, d’un rêve qui prend forme en cette nouvelle décennie qui commence pour certains, et qui devrait peut-être s’achever pour d’autres. Cette décennie nous donnera, souhaitons-nous le vraiment, une nouvelle génération de politiciens, libérés complètement, et ayant du neuf et du concret à contribuer au débat public. Ceux qui tâtent vraiment le pouls de la nation, qui pensent aux alternatives et qui méritent notre gratitude pour services rendus à la République de Maurice. Bonne année et bonne continuation!
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