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2014 : Un redressement contrasté
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2014 : Un redressement contrasté

Après le ralentissement de l’activité économique observé depuis le deuxième semestre de 2011, nous pouvons nous attendre à un renforcement de la croissance mondiale en 2014. Le scénario macroéconomique privilégié des instituts internationaux serait le suivant : une croissance se redressant progressivement en 2014 et retrouvant un rythme plus soutenu en 2015.
Six ans après le début de la crise, nous pouvons, enfin, espérer la fin du marasme économique. Cette prévision favorable se base, en particulier, sur l’amélioration de la conjoncture dans les pays avancés. Néanmoins, les obstacles demeurent considérables.
Au-delà de quelques chiffres positifs et de certaines indications favorables venues des économies avancées, à savoir une hausse de la croissance depuis le deuxième trimestre de 2013, rien n’indique, aujourd’hui, que les difficultés sont surmontées et que ce raffermissement va se maintenir.
La frontière entre les certitudes et les inconnues demeure floue et la probabilité que l’activité mondiale se dégrade de nouveau et que l’économie globale se retrouve sur une trajectoire de croissance languissante, est élevée.
De nouveaux enjeux apparaissent et les effets de contagion pourraient devenir préoccupants. S’agissant de la première économie, les marchés sont de plus en plus convaincus que la politique monétaire américaine arrive à un tournant. Cela a déjà entraîné une augmentation exceptionnellement forte des rendements à long terme aux États-Unis et pourrait s’amplifier dans le futur si cette croyance se maintient. L’effet sur les autres pays, en particulier les émergents, où l’activité ralentit et la qualité des actifs se détériore, serait néfaste.
Sur la zone euro, rien aujourd’hui n’indique que les difficultés sont surmontées. Les mécanismes de la crise des dettes souveraines peuvent se réactiver. Les problèmes de longue date, à savoir un système financier fragmenté et une dette publique inquiétante restent sans solution et pourraient,à tout moment, replonger les économies dans la spirale de l’effondrement.
De plus, le ralentissement de la croissance chinoise, qui est acté, pèsera sur de nombreux autres pays, notamment les pays émergents et les pays en développement qui exportent des matières premières. Jusqu’à présent, les différents scénarios optimistes se basent dans le cadre d’un cycle court, le cycle Juglar, d’une durée moyenne de 6 à 11 ans.
Mais, comme le soulignaient les économistes Pierre Pascallon et Pascal Hortefeux, nous devons commencer à envisager la possibilité d’un cycle beaucoup plus long, le cycle de Kondratieff, car, l’analyse des cycles nous montre que le cycle court Juglar est, généralement, enchâssé dans le cycle long de Kondratieff.
Le cycle de Kondratieff est un cycle économique de l’ordre de 40 à 60 ans avec deux phases distinctes, une phase ascendante et une phase descendante.
La phase ascendante s’accompagne progressivement d’un excès d’investissement réalisé par les entreprises pour faire face à la concurrence. Cela provoque une hausse des prix car les entreprises répercutent la hausse de leurs coûts de production sur les produits, et les taux d’intérêts augmentent face à une forte demande de la monnaie. Il s’ensuit un déclin de l’activité économique durant lequel les prix baissent, dû à un excès de l’offre et à une baisse de la demande, ainsi que des taux d’intérêts. La baisse de la consommation et des investissements entraîne une baisse de la demande de monnaie, ce qui permet une purge du système et prépare le terrain pour une nouvelle phase de croissance.
Nous avons eu quatre cycles longs dans l’évolution du capitalisme contemporain. Aujourd’hui, il est fort probable que nous évoluons dans un cinquième cycle long.
La phase ascendante de ce cinquième cycle long a couru sur la période 1990 à 2007, et, depuis, nous sommes entrés dans la phase descendante de ce cinquième cycle long, marquée par les traits habituels du Kondratieff en mode décroissant, à savoir le recul économique, une croissance molle, un chômage élevé et la désinflation.
Cette thèse est d’autant plus probable car, six ans après le début de la crise, la croissance mondiale est très en deçà des chiffres observés avant cette période.
Pour Maurice, le niveau de la croissance économique, sur la période récente, s’est révélé insuffisant, en particulier pour diminuer le niveau du chômage. Face à cette situation, il convient de déterminer si cela résulte d’une croissance effective inférieure à la croissance potentielle, ce qui relève de la politique économique conjoncturelle, ou d’une croissance potentielle insuffisante, ce qui relève d’une politique économique structurelle.
Dans notre cas, c’est la première option qui prévaut. L’écart de production est négatif, impliquant une capacité de production et, par conséquent, un potentiel de croissance plus élevé.
L’irrégularité de la croissance effective par rapport à la croissance potentielle trouve sa source principale dans les variations de la demande. Lorsque la demande est affectée par des chocs positifs, sa hausse peut impulser une phase d’expansion.
Inversement, si des chocs de demande négatifs se produisent, ils peuvent provoquer un ralentissement de la demande globale et conduire à une période de croissance molle ou de récession.
Pour rappel, un choc négatif peut provenir d’une baisse ou d’un ralentissement de la consommation, de l’investissement des entreprises, des achats de biens et de services par l’État, des exportations, mais aussi par une hausse des importations.
Dans le cas de Maurice, nous constatons, depuis 2009, un ralentissement du taux de croissance de la consommation, un taux d’investissement en baisse et surtout une aggravation du déficit des comptes courants.
De plus, ces chocs négatifs de demande risquent d’avoir un impact amplifié sur l’activité économique du fait du comportement des entreprises en matière de stocks. Lorsque la demande ralentit, la production peut baisser beaucoup plus fortement, si les entreprises, anticipant une baisse plus marquée de la demande, décident de réduire leurs stocks. Nous avons le même comportement s’agissant des intentions d’embauche. Le ralentissement de la demande incite les entreprises à repousser les recrutements. La hausse du chômage, qui en résulte, contribue, alors, à accentuer le ralentissement économique.
Ainsi, lorsque la croissance de la demande ralentit, voire devient négative, l’écart entre la croissance effective et la croissance potentielle se creuse.
Pour casser ce cycle vicieux, il faut mettre en place des politiques conjoncturelles de soutien à la croissance effective. Elles consistent en une politique budgétaire de relance par une hausse du déficit de l’État et une politique monétaire de soutien à l’investissement par la baisse du taux d’intérêt. Nous n’avons eu ni l’un ni l’autre. De plus, en temps de trouble, nous avons besoin d’une gouvernance économique et financière dynamique, flexible et apte à prendre des décisions cohérentes et non d’un monolithe dépourvu de sens et de direction.
Prenant en compte ces différents éléments, la performance de 2014 devrait être dans le même ordre de grandeur qu’en 2013, toutes choses égales par ailleurs. Comme le disait Proudhon, célèbre économiste du XIXème siècle, en économie, on ne vit que de ce que l’on est et de ce que l’on crée.
Dr Renganaden Padayachy , Économiste à la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’île MauriceExtrait du numéro spécial de Business Magazine - Business Year Book [12 au 18 mars 2014]
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