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Douche froide
Dans un pays où nous sommes habitués à ce qu’on nous répète à longueur d’année que nous sommes les champions toutes catégories confondues de la région, c’est dur à entendre lorsque quelqu’un, de surcroît un étranger, vient nous dire le contraire. Les discours de personnalités étrangères vantant les mérites de notre île. Qui n’en a pas entendu ? D’ailleurs, si nous avons eu le malheur d’en rater un, nos politiciens se font un devoir de nous rappeler tout le bien que pense, par exemple, Mme Hilary Clinton ou encore Mme Christine Lagarde de Maurice.
Ce qui revient à nous dire d’arrêter de nous plaindre car les plus grands de ce monde, à l’instar de la directrice du Fonds monétaire international, pensent que « Maurice a adopté une stratégie intelligente et avisée. Elle a une bonne stratégie de développement, qui est fondée sur les infrastructures, le développement des services et des technologies de l’information mais aussi le secteur éducatif. C’est un pays qui vise l’avenir et qui n’ignore pas son passé. »
Nous avons tellement été habitués à ce genre de discours qu’il est difficile d’imaginer que quelqu’un, encore moins un observateur étranger, osera mettre en exergue nos lacunes et nos faiblesses. Pourtant, c’est ce qu’a fait, la semaine dernière, l’éminent Professeur Michael Porter. « Mauritius is doing well, but not great », a-t-il lancé à une assistance composée de décideurs politiques et de capitaines d’industries.
Remuant le couteau dans la plaie, le Professeur Porter a expliqué à son auditoire que Maurice, comparé à des pays de sa catégorie, n’est pas en train d’exploiter pleinement son potentiel. Et si tel avait été le cas, le pays serait beaucoup mieux loti qu’il ne l’est actuellement. À ce titre, il a cité l’exemple des investissements directs étrangers de même que les carences en matière de connectivité à Internet. Un autre frein majeur, selon le Professeur Porter, est le manque de gestionnaires qualifiés.
Voilà un message qui a le mérite d’être clair et sans équivoque, surtout à un moment où le pays, du moins ceux qui sont à des postes décisionnaires, semble s’être emmêlé les pinceaux s’agissant de nos vraies priorités. Le ministre des Infrastructures publiques, Anil Bachoo, n’a-t-il pas dit à l’Assemblée nationale que le gouvernement a décidé d’abandonner le projet de Dream Bridge. Cela, en dépit du fait que quelque Rs 197 millions ont déjà été investies dans les travaux de consultant. Comment, après avoir consacré autant d’argent à un projet, on puisse faire machine arrière sur la seule base « que le gouvernement a revu ses priorités concernant les projets routiers car il a dû investir de grosses sommes dans des drains ».
Gouverner, c’est prévoir ! Getting our priorities right, c’est ce que tout citoyen attend de ses dirigeants. Or, bon nombre de décisions ainsi que des événements récents et passés démontrent malheureusement que dans bien des cas, nous avons été dans l’approximation pour ne pas dire dans un processus de trial and error. C’est le sentiment qui se dégage lorsque le citoyen se retrouve face à des explications peu convaincantes quand ce n’est pas une absence totale d’explications.
Dans ce contexte, l’analyse de Michael Porter est des plus pertinentes. Ce n’est pas en faisant voter des lois ou encore en apportant des amendements aux législations existantes que le pays progressera vers un nouveau palier de développement. Bien au contraire : pour échapper au piège du revenu intermédiaire qui nous guette constamment, il est important d’accélérer le processus de transition vers une architecture économique pouvant nous offrir une croissance solide et durable.
Pour y parvenir, il n’y a pas mille solutions. Le pays a besoin de régler urgemment les problèmes systémiques qui freinent la croissance et le développement. En parallèle, il est aussi très important, si ce n’est déterminant pour l’avenir, d’investir dans le capital humain. Car nous ne cesserons pas de le dire : ce sont nos ressources humaines, la seule que nous ayons d’ailleurs, qui porteront le pays vers le statut tant rêvé de High Income Country.
Gageons que la note Can do better qui nous a été attribuée par le Professeur Porter aura le mérite de nous pousser à rompre avec une certaine suffisance.
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