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Changer l’histoire et son écrivaillon
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Changer l’histoire et son écrivaillon
Ces dernières semaines, j’avoue, j’ai eu un véritable haut-le-coeur en commentant notre actualité politique et les acrobaties de ses acteurs. On aura beau essayer de minimiser les voltiges du Premier ministre et du leader de l’opposition, c’est significatif de réaliser qu’on est condamnés, qu’on le veuille ou non, à rester suspendus à leurs lèvres, comme de malheureux mendiants de sens.À n’importe quel moment, ils risquent de nous annoncer leurs énièmes fiançailles, la dissolution du Parlement et la date des prochaines élections qu’ils remporteront facilement. Ils vont écrire notre histoire commune à leur façon, leurs suiveurs vont les acclamer, et les autres vont subir. Comme d’habitude.
Si Ramgoolam et Bérenger sont parvenus à nous inspirer dégoût ou mépris, ils ne demeurent pas moins notre Premier ministre et notre leader de l’opposition, en toute légitimité. Ils n’ont pas besoin de faire un coup d’État, car démocratiquement, à eux deux, ils représentent et le pouvoir et le contrepouvoir constitutionnels. En s’alliant, ils risquent de demeurer nos timoniers pour longtemps encore, si tant qu’ils arrivent à défier les challenges physiologiques, à l’image d’un indécrottable Mugabe, par exemple.
Pour cesser de subir les folies des princes qui nous gouvernent, il ne faut plus avoir peur d’influer sur notre histoire et destin collectifs. On l’a souvent dit: changer cette fatalité ne se fera pas sans difficulté. Cela passera d’abord par le fait que les Mauriciens doivent, enfin, prôner une continuité de développement historique qui rejette les attitudes sectaires et les positionnements pouvoiristes de quelques privilégiés au détriment du plus grand nombre. Il faut combattre, avec nos voix et notre intelligence, la partialité de ceux qui manipulent notre histoire, en profitant de l’absence de conscience historique au sein de la population.
Si, à nos yeux, notre mission consiste à utiliser le présent pour construire l’avenir de manière soutenue, nous ne devons pas ignorer le passé qui a engendré notre terrible situation actuelle. Par exemple, il est important de revenir, avec un esprit critique et un regard neuf, sur un vrai tournant dans la carrière de Paul Bérenger - et de notre pays. Il faut pour cela remonter à 1970, deux ans après notre indépendance.
Il y a 44 ans, Bérenger, comme leader du MMM et surtout comme fervent militant (mais pas pratiquant) d’un mauricianisme qu’il n’a jamais eu le courage de regarder en face, aurait dû changer le cours de l’histoire mauricienne. Au lieu de Dev Virahsawmy, il aurait pu se faire élire à la partielle de Triolet, dans le fief de Seewoosagur Ramgoolam. Mais il a pris peur. Et dès lors tout a été perverti. Le poison communal a été depuis savamment distillé dans notre jeu politique.
En 1982, ce poison est devenu encore plus violent. Après 14 années de travail remarquable à la tête d’un parti et d’un mouvement qui ont déployé leurs branches aux quatre coins du pays, il a fait un nouveau faux pas historique : il a inauguré l’ère du «leadership fi ction» et des leaders «paravents». Le but avoué de placer Anerood Jugnauth dans le fauteuil de Premier ministre de changement et Harish Boodhoo comme vice-Premier ministre était de rassurer l’électorat hindou. Le mauricianisme, lui, devait prendre son mal en patience !
C’est sans doute cette contradiction constante entre le discours et le fonctionnement du chef du MMM que nous subissons aujourd’hui. En voulant caresser une fraction majoritaire de l’électorat au détriment des autres (quitte des fois à revêtir des costumes carnavalesques), il empêche l’éclosion d’une vraie nation. Avec ses ambitions court-termistes et ses craintes légendaires, il a créé des Jugnauth et un Ramgoolam. Il a en permanence fait le vide autour de lui, en faisant le va-et-vient entre l’une et l’autre dynastie. Aujourd’hui, il doit vivre avec ses démons d’hier. Et nous aussi, car nous appartenons de manière inéluctable à la même époque. N’est-il pas temps de commencer à la transformer de manière soutenue en nous disant qu’un autre destin sans Bérenger est non seulement possible, mais souhaitable ?
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