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Entente monétaire
Loin d’être une simple initiative financière, l’opération commune Banque de Maurice/ ministère des Finances autour d’une première émission d’obligations destinées uniquement aux individus est lourde de sens, à bien des égards. Elle sert plusieurs objectifs : stimuler l’épargne, recadrer la politique monétaire, rassurer la communauté des affaires ou encore réduire une tension quasi permanente entre les deux institutions.
Ces derniers mois, il était devenu clair comme l’eau de roche qu’entre l’ex-Grand Argentier et le patron de la Banque de Maurice (BoM) le courant ne passait plus. La tension était visible et les attaques à peines voilées fusaient des deux côtés.
À l’origine, de profondes divergences sur l’absence d’une coordination de la politique monétaire pour régler la problématique de l’excès de liquidités et la posture souvent humiliante du gouverneur de la banque se retrouvant systématiquement en minorité, à chaque réunion du comité de politique monétaire.
Même s’il ne le disait pas publiquement, Rundheersing Bheenick était inconfortable dans cette posture et attendait patiemment l’arbitrage du Premier ministre. Même si ce dernier, en fin stratège, donnait l’impression de s’amuser en choisissant de ne pas arbitrer le bras de fer engagé entre les deux hommes. Homme de confiance de Ramgoolam et l’un des rares cerveaux parmi les nominés politiques actuels, Bheenick ne pouvait pas être sacrifié par Ramgoolam. Il le savait pertinemment.
Le départ de Xavier-Luc Duval, leader du PMSD, du gouvernement sur des désaccords politiques aurait certainement réjoui le n° 1 de la Banque de Maurice, même si candidement il n’ose pas le dire. Et la décision du Premier ministre de prendre temporairement le portefeuille des Finances ne peut que lui mettre du baume au coeur et lui donner une plus grande marge de manoeuvre dans la conduite de sa politique monétaire.
Le dernier «voting pattern» du «Monetary Policy Committee» (MPC) démontre, si besoin est, l’entente monétaire entre le nouveau locataire du Trésor public et les trois membres exécutifs de la BoM. Qu’est-ce qui a pu changer dans les variables économiques pour que Bheenick et ses deux adjoints découvrent que la croissance soit subitement devenue la priorité du moment ? Que s’est-il passé pour que le Chairman du MPC, qui s’était érigé, jusqu’à tout récemment, comme l’apôtre de la pauvreté (ses interviews de presse sur la hausse du «Coefficient Gini» en témoignent) est devenu un défenseur de croissance. Un postulat que Xavier-Luc Duval a toujours défendu bec et ongles.
La réponse à cette interrogation vient probablement de la déclaration de Ramgoolam à la presse quelques heures seulement avant les délibérations du MPC. Présent aux célébrations du 14 juillet à Floréal, il a fait comprendre de manière non équivoque que la croissance demeure toujours le mantra du gouvernement. Dès lors, on peut comprendre les réactions de certains spécialistes et autres observateurs économiques qui voient dans les comportements de vote, pour autant surprenants des dirigeants de BoM Tower, une illustration des directives du bâtiment du Trésor.
Il est clair que la proximité Ramgoolam/Bheenick jouera à fond dans les prochaines initiatives monétaires de la Banque centrale. D’ores et déjà, le lancement de ces nouveaux Bons du Trésor, même s’ils ne sont pas une nouveauté de la Banque centrale, a le mérite de proposer une alternative aux épargnants peu enclins à avoir recours au circuit bancaire normal pour déposer leurs économies vu le faible taux de rémunération. À 6 % d’intérêt, sans aucun risque au préalable (d’autres institutions peuvent offrir mieux mais sans aucune garantie sur le long terme), on peut s’attendre à ce que le montant de Rs 2 milliards soit vite épuisé.
Au-delà d’un succès populaire garanti, il y a probablement le «feel good factor» qui demeure non négligeable au sein de la population. Mais aussi la volonté de deux institutions de ramener à un seuil contrôlable l’excès de liquidités qui, chiffré entre Rs 18 MDS et 19 MDS dans les prochains mois, peut potentiellement fragiliser l’architecture financière du pays. Longtemps souhaitée, la nouvelle collaboration Trésor public/Banque de Maurice ne peut qu’entraîner un dégel dans les relations de ces deux institutions en attendant le grand test avec le Budget 2015.
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