Si l’on nous dit que c’est le citoyen Grégoire qui s’est exprimé à l’auditorium Octave Wiehé dimanche dernier, il faudrait qu’on révise notre concept de citoyenneté. Si l’on affirme, au contraire, que c’est le prêtre Jocelyn qui était venu exalter ses fervents adeptes à Réduit le week-end dernier, il faudrait alors admettre que le caractère politique de son discours s’accordait mal avec sa vocation religieuse.

Le président de la Fédération créole mauricien s’est livré une fois de plus à un douteux mélange des genres, confondant le spirituel et le temporel. Il n’a cessé de brouiller les frontières entre religion et politique depuis qu’il expérimente son projet d’un type nouveau.

Enchaînant slogans politiques et chants religieux, Grégoire ne se gênait pas, dimanche, pour passer d’un registre à l’autre. La scénographie était bien soignée pour que la foule ne puisse pas dissocier le politique du religieux. Le jeu du personnage était équivoque, mais c’était sans doute voulu afin que l’impact soit maximal.

Certes l’ecclésiastique est dans son rôle quand il parle de la condition des pauvres. Mais quand il dénonce les pouvoirs inadéquats de l’Equal Opportunities Commission ou quand il plaide pour le droit à l’information, il entre de plain-pied dans le champ politique. De plus, quand il se met à parler de redécoupage électoral et de limitation du mandat premier ministériel, il accentue la confusion des rôles.

Clairement, le religieux se substitue au politique quand il évoque les affaires de la Cité. Ce mélange religion/ politique constitue un cocktail explosif. L’un s’appuie sur des ressorts émotionnels, l’autre sur la logique décisionnelle. Il est périlleux de jouer sur les deux tableaux à la fois.

Les risques de manipulation sont grands quand la démarcation n’est pas respectée. On l’a vu encore récemment quand des politiciens ont ramené la problématique de l’énergie à un choix émotionnel entre charbon blanc et charbon noir.