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Les mondes engloutis

3 septembre 2014, 14:55

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Il y a de ces postulats – qui ne sont plus à démontrer d’ailleurs – qu’on ne peut plus ignorer, ou renvoyer aux calendes grecques. Le changement climatique et ses répercussions observées, depuis des décennies maintenant, sur les petits États insulaires en développement (PEID), par exemple. Ils sont produits par l’activité humaine. Sur cette base, de par leur taille et leur situation géographique, les îles et les peuples du sud-ouest de l’océan Indien sont vulnérables face à la fonte des glaciers et l’élévation du niveau de la mer. 

 

« Nous ne sommes pas venus ici pour mendier mais pour faire entendre et respecter notre droit. Notre droit à une vie décente. Notre droit de survivre dans un monde cynique qui tend à tout manipuler et qui est dominé par le big business. » La voix la plus forte, qui aura retenu l’attention du monde lors de la troisième conférence des Nations unies sur les PEID, qui se tient cette semaine à Apia (Samoa), n’est autre que celle du président des Seychelles. Alors que tout un chacun essaie, pour être politiquement sécurisé et ne pas compromettre le développement de son pays, ce qui est l’aspiration légitime de n’importe quel pays du Sud, (des fois allant jusqu’à justifier le prix des énergies fossiles tel le charbon), et alors que le discours officiel se prononce en faveur d’un engagement concret en faveur du développement durable grâce à des actions de coopération multilatérale, James Michel a souligné l’urgence, la spécificité et la dynamique des populations îliennes, en particulier celles du Pacifique et de l’océan Indien, où des pays sont ni plus ni moins en train de couler! À la tête d’un archipel de quelque 115 îlots, dont certains ont déjà été engloutis ou sont sur le point de l’être, James Michel, comme témoin vivant du changement climatique, a plaidé, devant une assistance compatissante, pour “our right to development that enriches our quality of life and the essence of our being over and above purely commercial considerations. Our right to exist.”

 

La sortie en règle des Seychelles à Samoa nous rappelle le coup d’éclat du gouvernement des Maldives, le 17 octobre 2009. C’était sous l’eau, en combinaisons avec masques et bouteilles, que le conseil des ministres d’alors s’était réuni ce samedi-là. L’objectif était d’attirer l’attention sur les effets du réchauffe- ment climatique menaçant les Maldives. Notons que de nos jours, certains sites touristiques, en jouant sur ces sombres perspectives, font le marketing suivant : « Maldives, Seychelles, Îles Salomon ou encore Venise... Si tous ces noms évoquent immédiatement pour vous les vacances, ces magnifiques endroits détiennent aussi pourtant un bien triste point commun. En effet, d’ici l’année 2050 on estime que tous ces petits coins de paradis risquent bel et bien de disparaître. »

 

Il y a plusieurs façons de discuter du changement climatique, dépendant de notre situation dans le concert des nations. On a bien vu la difficulté de concilier toutes les perspectives, que ce soit à Rio ou à Kyoto. C’est surtout au niveau de la responsabilité, de la prévention et des dépenses y relatives que le problème politique se corse. Maumoon Abdul Gayoom, ancien président des Maldives, sans s’encombrer des convenances diplomatiques, a courageusement contextualisé le dilemme des PEID : « Au sein d’une communauté internationale se basant sur l’État de droit, ainsi que sur les valeurs universelles d’égalité, des droits de l’homme et de dignité, il est certainement injuste pour de petites communautés vulnérables de souffrir des actions d’autres pays riches en ressources et plus puissants, actions sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle et peu ou pas de protection. »

 

Quelques jours avant le sommet de Samoa, celui des chefs d’État de la Commission de l’océan Indien réunis à Moroni, en présence du président François Hollande, avait souligné le besoin d’accélérer le chantier de l’intégration, précisément en raison des vulnérabilités et des risques communs. Il a beaucoup été question de la responsabilité politique dans l’amélioration de la connectivité aérienne, maritime et numérique afin de parvenir à une vraie intégration dans les actes – pas dans les discours sur la coopération.

 

S’il fallait un exemple d’un risque commun, citons celui des catastrophes naturelles, dont les impacts économiques et financiers pèsent de plus en plus lourd dans le budget des pays membres de la COI. Il y a donc un réel besoin pour les gouvernements de compenser des pertes non couvertes par les mécanismes financiers existants. Le maître mot aujourd’hui est l’anticipation, comme on le souligne à Samoa. Car chaque dollar, euro, franc ou roupie investi dans des mesures de prévention adéquates permet d’économiser environ quatre fois plus en aide d’urgence post-catastrophe. C’est scientifiquement prouvé que l’augmentation des risques liés aux catastrophes n’est pas seulement due à des événements extrêmes plus intenses et plus fréquents, mais également à une exposition plus grande des personnes et des biens en raison d’un développement économique très rapide, et souvent non contrôlé.