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Un dimanche gâché
Dimanche, c’est censé être un jour de repos, loin du tumulte de la ville. C’est un excellent jour pour dormir jusqu’à tard. Mais aujourd’hui beaucoup vont gaspiller une bonne partie de leur dimanche pour aller regarder quelques excités crier dans un micro à Quatre-Bornes et à Vacoas. Les discours (le fond ou plutôt l’absence de fond) et les intonations (la forme et surtout la sono abrutissante) seront les mêmes quel que soit le lieu. En gros (mots), ils vont tous faire des promesses d’une gouvernance meilleure et pointer du doigt la «pourriture» des adversaires afin d’obtenir votre vote.
Pour les états-majors politiques, la bataille des foules d’aujourd’hui devient surtout un enjeu psychologique pour la suite de la campagne électorale. En remplissant ces autobus qui viendront de chaque coin du pays, ils vont tenter de susciter l’adhésion des flottants – ceux-là qui regarderont la tendance (la foule) avant de décider pour quel camp voter. Les astuces pour attirer les partisans aux meetings sont connues de tous. En fait, c’est le don d’un bus «Special Route» qui emmènera toute une bande d’habitants piqueniquer. Il y aura des «gajacks», de la boisson, du bryani, des drapeaux à agiter. Seule condition : en route, il faut s’arrêter au meeting pour faire gonfler la foule.
Les chiffres importent. Les deux foules de demain vont faire l’objet de tous les commentaires tout au long de cette semaine. Le bloc qui réunit la plus grosse affluence va doubler, voire tripler, son chiffre et dira que la victoire est déjà acquise. Si c’est l’alliance rouge-mauve, la MBC de Callikan va exposer ce rassemblement sous tous ses angles. Si c’est l’Alliance Lepep, le traitement sera différent.
Durant une campagne électorale, les frontières, par exemple, entre le politicien et le chef du gouvernement deviennent invisibles. D’où les fréquents abus de l’appareil d’État et les viols des règles de la démocratie, telles que la Constitution les défi nit. Mais on a choisi de fermer les yeux.
Ainsi, l’utilisation abusive de la MBC à des fi ns de propagande ne choque plus personne. Le détournement de l’argent public au bénéfice de la séduction des électeurs est devenu monnaie courante. Le recrutement intempestif d’électeurs ou la promotion des fonctionnaires comme les policiers fait sourire tout le monde, sauf peut-être Ashock Jugnauth, réconforté aujourd’hui par un ticket rouge en raison de son patronyme. L’offre des cadeaux comme des «tempos» ou des «smartphones», la distribution des billets ramassés auprès du secteur privé traditionnel et des hommes d’affaires de tout acabit, les menaces à peine voilées envers ceux qui soutiennent l’opposition, tout cela se passe sous nos yeux blasés...
À qui la faute ? À nous-mêmes, en fait. Il est temps de faire notre autocritique au lieu de déverser notre bile sur les politiciens que nous avons nous-mêmes érigés sur les estrades ridicules. Il est temps d’arrêter de prendre à la rigolade ce qui est devenu notre folklore politique. Il est temps de démanteler des groupes organisés de notre société, des individus, des clubs de jeunesse ou de 3e âge, des associations religieuses ou socioculturelles, des «voice of» n’importe quoi qui profitent de l’immoralité politique qui règne lors des campagnes électorales. Réveillons-nous, faisons fonctionner nos institutions comme l’Electoral Supervisory Commission et la Cour suprême ! C’est bien plus important que d’aller aux meetings pour écouter un homme insulter une femme parce que le micro ne fonctionne pas…
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