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Les pièces manquantes du puzzle

17 mars 2015, 06:02

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D’un côté, une indignation populaire (qui prend la forme d’une manifestation, ce dimanche matin), des interrogations légitimes, et une condamnation rapide de la police, accusée – à tort ou à raison – de brutalités policières. De l’autre, comme l’impression d’une omerta, comme l’impression que l’on brouille des pistes. Comment expliquer sinon que les nouveaux éléments survenus dans l’affaire Iqbal Toofany, au lieu d’éclairer l’opinion, épaississent davantage le mystère dans une histoire qui comporte déjà son lot de zones d’ombre ? Bien qu’il faille respecter la présomption d’innocence, bien qu’il existe une probabilité pour qu’Iqbal Toofany ait pu se faire tabasser par des personnes autres que des policiers, il demeure que trop de pièces manquent au puzzle.

 

Ainsi donc, on a appris avec stupéfaction, lors de l’enquête judiciaire, que la casualty card d’Iqbal Toofany n’est pas en possession de l’hôpital, mais a été remise pour une raison inexplicable à un officier de la police. On devait aussi découvrir qu’il n’y avait plus de vidéos d’enregistrement du 2 mars, soit le jour de l’arrivée de Toofany à l’hôpital  Candos (qui était vraisemblablement mal en point pour que la police décide de  l’emmener à l’hôpital), les images étant détruites, nous dit-on, dans un délai de cinq jours. Curieusement donc, malgré le grand bruit qu’a fait cette affaire dès le 3 mars, malgré l’arrestation rapide des policiers qui avaient sous leur charge Iqbal Toofany, aucun enquêteur n’a jugé utile de sécuriser les images vidéo de l’hôpital. Etait-ce intentionnel ou cette négligence ne fait-elle qu’illustrer la manière dont les enquêtes sont menées ?

 

Quand on ajoute les contradictions sur les heures d’entrées révélées en cour par le CI Kokil, lors de l’enquête judiciaire, quand on prend en compte qu’Iqbal Toofany, d’abord arrêté par une équipe ERS avant d’être conduit au poste de police de Rivière-Noire, s’est aussi retrouvé, paraît-il, dans l’enceinte des postes de police de Bambous et de Rose-Hill, on se demande s’il n’existe pas de policiers consciencieux qui pourraient  collaborer à faire la lumière sur cette enquête. Est-ce que tous les hommes en uniforme qui travaillaient au moment où Iqbal Toofany était sous «police custody» veulent garder un silence complice à tout prix alors que l’affaire est extrêmement grave, avec la mort d’un homme ? Et qu’en est-il des autres détenus ? N’y avait-il aucune autre personne qu’Iqbal Toofany en cellule policière ?

 

La question se pose quand on sait que celui qui est décrit comme le star witness de l’affaire et qui travaillait à proximité du poste de police est venu révéler aux enquêteurs qu’il avait entendu Toofany se faire tabasser ce soir-là. Certes, jusqu’ici, les dires de ce quinquagénaire ne sont que des allégations et déjà les avocats des policiers se préparent à un contre-interrogatoire de celui-ci.

 

Au fond, encore une fois dans cette affaire, c’est une question de perception qui provoque des conclusions hâtives de l’opinion publique. Mais la perception a  pour toile de fond des faits inhérents : la mort de Kaya, Ramlogun et Ramdhony qui étaient sous la responsabilité de la police, sans compter les nombreuses allégations de brutalités policières. Est-ce que dans le cas de Toofany, une enquête «juste et impartiale», comme l’a déclaré SAJ à l’Assemblée nationale, aura lieu ?

 

Pour l’heure, on devrait reconnaître la rapidité avec laquelle ont procédé les autorités : arrestation des policiers, enquête judiciaire. Aux yeux de l’opinion publique et des proches de Toofany, une seule question demeure : qui est ou sont responsables de la mort de ce père de famille de 43 ans, arrêté pour une histoire de vignette d’assurance et qui n’est jamais retourné vivant chez lui ?

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