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Entre les annonces et les actes
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Entre les annonces et les actes
Ce discours du Budget n’a pas été une très grande réussite, théâtralement parlant : un peu décousu par moments (M. Lutchmeenaraidoo avouant même, à un moment, avoir oublié une des feuilles de sa présentation), des énumérations parfois laconiques et certaines mesures annoncées sans grande conviction, comme le «Civil Service College» qui n’est, il est vrai, pas mentionné pour la première fois. Heureusement qu’à ce titre, on nous aura au moins épargné la «land based oceanographic industry» ou les permis automatiques pour le bâtiment («by default») qui, plusieurs fois annoncés déjà, courent toujours, aux dernières nouvelles, dans on ne sait quels tiroirs !
Par contre, sur le plan du contenu, c’était beaucoup plus intéressant : on y a trouvé quelques idées novatrices, un sillon fort prometteur sur le plan de la solidarité nationale, mais aussi quelques interrogations, suscitées par une absence de détails.
Ainsi, c’est une fois de plus un «no-tax budget». Ceci aura indéniablement les effets escomptés dans l’esprit de ceux qui s’attendaient («management of public opinion» aidant…) à une certaine dose de taxation plus «progressive». Cependant, on n’a aucunement expliqué comment ce sera possible sans que le déficit budgétaire annoncé ne soit plus grave que 3,5 % du PIB (+0,3 %). En campagne électorale, on faisait grand cas de la rationalisation des dépenses publiques et de la réduction du gaspillage comme moyen de payer les dépenses additionnelles (pension de vieillesse notamment). Mais dans le Budget, on n’en a pas soufflé mot, alors qu’il y aura des dépenses additionnelles (350 spots WiFi, recrutements dans les hôpitaux, dans la police, dans l’enseignement supérieur, etc.). Une seule référence à laquelle s’accrocher (c’est peut-être d’ailleurs là le pari !) : le taux de progression du PNB sera de 5,3 % jusqu’à juin 2016 et de 5,7 % pour l’année financière qui suivra.
Ce dynamisme économique, en effet, générerait des revenus additionnels au Budget. Mais il y a, à la base, le problème de l’oeuf et de la poule ! Et l’oeuf qui doit évidemment ensemencer tout, c’est l’investissement. L’on compte, à ce titre, sur trois grands axes :
(1) le port, de Grande-Rivière-Nord-Ouest à Baie-du-Tombeau, qui, si l’on peut maîtriser la question de l’attitude au travail dans ce secteur, actuellement plutôt réfractaire, est plein de promesse sur le bunkering, les bateaux de croisières, les marinas, le seafood ou le port franc ;
(2) les PME, où la volonté de simplifier les tracasseries bureaucratiques (notamment en relevant divers «thresholds», par exemple avant la déclaration de la TVA) et de soutenir, avec une banque, dont il faut espérer qu’elle sera dotée de capacités professionnelles de premier ordre, est forte et cohérente. La mesure la plus populaire sera, sans doute, que les entrepreneurs auront désormais accès à du «seed capital» (mais selon quels critères ?) sans garantie, personnelle ou autre ;
(3) les smart cities et autres technopoles dont on parle depuis quelque temps déjà et qui devraient représenter jusqu’à Rs 120 milliards d’investissement à terme. Mais comme on pensait déjà que le secteur du bâtiment était largement saturé au niveau commercial, industriel, hôtelier, bureaux et même résidentiel (du moins pour les acheteurs locaux ayant les moyens de s’acheter un appartement ou une maison !), il est intéressant de savoir que six des treize projets annoncés sont apparemment «ready to go», dont ceux de Terra, Azuri, Omnicane, Médine. La question reste cependant posée : ces nouveaux développements immobiliers s’adressent à quels marchés ? Ils ne peuvent qu’être étrangers.
Ne seront-ils pas «gated» ? Seronsnous, à ce titre, suffisamment productifs, disciplinés, accueillants et institutionnellement rassurants pour attirer (et retenir) autant d’investisseurs étrangers ? J’ai aimé entendre que l’on allait abolir 70 permis et licences différents. On n’a pas eu le plaisir d’apprendre lesquels, mais il s’agit bien d’ABOLIR ! C’est un pas, je n’en doute pas, qui est entamé dans un désir de simplifier et de rendre plus efficient. Et si l’on suivait avec l’abolition des lois désuètes et la fermeture de corps paraétatiques inutiles ou dysfonctionnels ? J’ai aimé entendre l’effort fait pour de la nourriture bio et moins polluée et soupçonne, gratuitement, Madame d’y être pour quelque chose. J’ai aimé entendre que le gouvernement soutiendra un troisième câble internet, indépendant de Mauritius Telecom. J’ai aimé entendre l’interdiction des sacs en plastique. J’ai aimé entendre le chiffre de Rs 20 milliards pour la réparation (en huit ans) des tuyaux percés, mais ai moins aimé les 6 m3 d’eau gratuits, comme toujours potentiellement porteurs d’abus. J’ai adoré la responsabilisation sociale directe des entreprises à travers le «parrainage» et l’élimination de la bureaucratisation, actuellement perverse, du CSR. J’approuve solidement les mesures qui s’attaquent à la nation «zougader». J’ai aimé l’idée du «Legacy Fund», les mesures de transparence prévues sur les terrains de l’État et accueille l’initiative d’attirer la diaspora au grand retour vers le pays, le ministre Lutchmeenaraidoo ayant déclaré (donc compris…) qu’au-delà de l’incitation fiscale, il faudrait de la méritocratie, de la transparence, de la bonne gouvernance… Bien ! Autant pour les annonces !
Maintenant, passons aux actes, si vous le voulez bien !
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