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À l’épreuve de la réalité

25 mars 2015, 10:06

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Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis la présentation du dernier Budget de Vishnu Lutchmeenaraidoo. Même si beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, l’homme, semble-t-il, n’a pas changé, demeurant fidèle à ses méthodes. La campagne de Com a été lancée en marge de l’annonce de la date de la présentation du Budget, tantôt il dira qu’il saura trouver les moyens pour financer la hausse de la pension de vieillesse pour ensuite venir émettre des doutes sur la capacité de l’État de soutenir cette dépense quelques semaines plus tard, témoigne d’une stratégie de gestion de l’opinion publique. Le coup de gueule à l’égard des banques s’inscrit également dans cette même logique de souffler le chaud et le froid.

 

Toutefois, ce genre de pratique n’est pas toujours sans conséquence, surtout lorsqu’elle intervient dans un environnement hautement volatil. Le marché financier avait d’ailleurs réagi à cette phase d’incertitude. À la Bourse, quelques investisseurs étrangers avaient même pris leurs distances des banques suite aux remarques du ministre des Finances. Le secteur privé était également sur le qui-vive en anticipation des mesures fiscales pouvant impacter sur les décisions d’investir. D’ailleurs, pour montrer ses appréhensions, son porte-parole, Raj Makoond, est même monté au créneau pour dire que le «Budget ne doit en aucune façon casser la confiance des investisseurs…»

 

Mais au final, rien qui puisse mettre en rogne la population. Au contraire, Vishnu Lutchmeenaraidoo a sorti de sa manche son fameux no tax budget. Ce faisant, il vise à faire durer le plaisir, comprenez par là le feel good factor rétabli après les élections générales de décembre 2014. Ce sentiment de bien-être, voire ce retour à la confiance, pourrait se révéler un véritable catalyseur pour hisser le pays vers de nouveaux sommets à condition de le nourrir de moyens.

 

Car si dans la forme le Budget 2015-2016 a passé le test populaire – il ne pouvait en être autrement avec l’arrivée d’un socialiste au Trésor public – en revanche, dans le fond, plusieurs questions se posent quant au pari de Vishnu Lutchmeenaraidoo à remettre l’économie sur la voie d’une croissance supérieure à 5 % d’ici à une douzaine de mois.

Avons-nous les moyens de nos ambitions ? À première vue, oui. Mais l’objectif pourrait se révéler difficile à atteindre dans le court terme. C’est bien du court terme qu’il s’agit quand on parle de franchir la barre des 5 % de croissance d’ici à juin 2016.

 

Certes, l’investissement demeure un puissant vecteur de croissance, mais pour profiter pleinement de son potentiel, il est impératif de procéder urgemment à un exercice de déminage du terrain. Ce qui n’a pas été le cas jusqu’ici. D’où notre mauvaise réputation. Nous parlons, bien évidemment, de l’incapacité légendaire des agences d’exécution à opérer la mise en chantier des travaux publics.

 

Le ministre aura beau être animé des meilleures intentions du monde en annonçant des dotations budgétaires à coup de dizaines de milliards de roupies pour les infrastructures, si l’intendance ne suit pas, nous ne voyons pas comment l’investissement public pourra jouer pleinement le rôle crucial de levier de croissance.

 

L’un des défis majeurs du tandem Jugnauth-Lutchmeenaraidoo sera donc d’impulser un nouveau souffle aux orga-nismes chargés de l’exécution des projets du gouvernement. Ayant vu à l’œuvre ces institutions qui engloutissent des milliards en termes de subventions de l’état, nous craignons fort qu’il y ait un changement de trajectoire du jour au lendemain. À moins d’un miracle !

 

S’agissant de l’investissement privé, tout porte à croire que la sérénité retrouvée et l’amélioration du climat des affaires inciteront les entrepreneurs à prendre des risques. Les premiers commentaires de la communauté des affaires à l’issue de la présentation du Budget sont d’ailleurs très évocateurs. Reste maintenant à voir comment cela se traduit dans le concret car le ministre des Finances mise beaucoup sur le privé pour la relance. D’autant plus que le budget consacré aux dépenses d’investissement affiche une baisse par rapport à 2014.