Publicité

Elle aimait le dessin et les poèmes…

20 avril 2015, 06:10

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

L’indignation collective qui s’est emparée de toute l’île après la découverte du corps de la petite Edouarda, 11 ans, laisse la place à une colère et à un climat émotionnel. Où beaucoup voient dans le recours à la peine de mort un châtiment extrême pour des assassins d’enfants innocents. La révolte est tellement forte devant ce qui serait un acte de violence sexuelle doublée d’un crime gratuit d’une petite fille, arrachée à la vie par un ou des sadiques, que l’émotion dicte une forme de vengeance. Et la mise à mort du ou des coupables est vue comme un soulagement – même si elle ne rendra jamais l’enfant de Cité Anoska – d’une population totalement perdue devant cet horrible acte.  

 

Malgré l’insoutenable souffrance que nous ressentons tous au plus profond de notre chair, malgré nos cris, nos larmes, nos cœurs torturés devant la mort tragique de cette enfant qui, dans la solitude de son injuste mort devient notre petite fille à tous, il est difficile de voir, dans la peine capitale la réponse d’une justice. Répondre par la mort, cela atténuera-t-il la grande plaie avec laquelle les proches vivront désormais jusqu’à la fin de leurs jours ? Dire non à la peine de mort, qui, en sus, a démontré ailleurs qu’elle n’a guère d’effet dissuasif sur les potentiels criminels, ne signifie pas défendre les coupables ou se montrer indulgent avec des monstres. Dire non à la peine capitale ne nous fera pas oublier à quel point la jeune Edouarda méritait de vivre, de grandir, entourée d’adultes qui avaient la responsabilité de la protéger. Alors qu’à la place, c’est son âme d’enfant qui a été souillée, bafouée, son petit corps abusé jusqu’à en perdre son dernier souffle. 

 

Mais en disant non à la peine capitale, on s’attend à ce que des meurtriers d’enfants sans défense soient lourdement, sévèrement punis et réalisent la cruauté, la gravité et l’atrocité d’un acte qui avilit leur humanité.

 

Entre-temps, comment apaiser une population qui a peur pour l’avenir de ses enfants et qui veut les protéger à tout prix ? Il y a ceux qui ont vu en la marche pacifique de samedi un moyen d’honorer la mémoire de la petite Edouarda, une victime de trop qui nous rappelle les terribles histoires des enfants sans défense tués sous les coups des adultes : Anita Jolita, 2 ans, Joannick Martin, 7 ans, les deux violées puis tuées. 

 

Si à chacun de ces décès, le pays a crié en larmes «plus jamais ça» à travers une manifestation, aujourd’hui il y a ceux qui n’ont plus foi en des marches jugées trop ponctuelles pour apporter des résultats à long terme. À cette position, on pourrait répondre que rester chez soi n’est pas non plus une option valable.

 

Après ce terrible drame, l’espérance ne peut venir que d’actions concrètes, réelles pour un profond changement des mentalités, un retour aux valeurs oubliées dans une société qui semble elle-même en perdition. Mais le travail est long, difficile, ardu et se situe à plusieurs niveaux, avec tous les partenariats possibles : État, éducateurs, parents, enseignants, ONG, travailleurs sociaux…

 

De Cité Anoska, notre équipe, qui y a passé des journées entières cette semaine, témoigne du même récit : le cercle vicieux de la pauvreté, des familles nombreuses, une promiscuité dérangeante à l’intérieur des cases en tôle, des enfants vulnérables laissés à leur propre sort, quelques adolescents qui semblent être sous l’effet de substances nocives, des grossesses précoces… C’est dire que le coup de projecteur est urgent sur cette cité. Le travail doit commencer maintenant et Cité Anoska n’est qu’une parmi tant d’autres poches de pauvreté qui méritent un encadrement social. 

 

Pour que d’autres jeunes destins ne soient pas fracassés et que nos petites filles, même si elles viennent des régions précaires, puissent vivre leur insouciance de gamine.

 

À 11 ans, Edouarda avait aussi ses rêves d’enfants. Elle était une petite enjouée, vive. Elle adorait le dessin et les poèmes, aimait jouer à cache-cache ou à coquille-papillon. Elle avait débuté dans la vie avec moins de chance que d’autres. Et elle a fait face à une mort cruelle en étant seule au monde…

 

Publicité