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Leçons de chasseurs et interrogations additionnelles
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Leçons de chasseurs et interrogations additionnelles
En Afrique, quand on va à la chasse, on s’organise, on prend un ou plusieurs PH (personal hunters) et quelques pisteurs aussi et puis on cherche sa proie, souvent en identifiant ses empreintes dans le sol, ou en l’observant de très loin aux jumelles. Puis, on étudie le vent et la ligne d’approche, on fait montre de patience, on avance de buisson en buisson jusqu’à ce que l’on soit à portée de fusil pour une balle mortelle, mûrement réfléchie et alignée. En effet, un animal blessé, ce n’est jamais facile ; ça saigne, ça court, parfois loin, très loin même, parfois pour toujours…
À Maurice par contre, le style est différent. On se met en «mirador» et puis on lâche les meutes de chiens et les «lignes» de rabatteurs, dont les rôles principaux sont de faire un tapage maximum pour déloger les bêtes qui surgissent donc n’importe où et qui, en l’absence de «quota», sont toutes bonnes à canarder.
Depuis le 11 décembre, toutes proportions gardées, la chasse au gibier local se rapproche définitivement plus de la joyeuse cacophonie mauricienne que du pistage silencieux et méthodique du safari africain. Les rabatteurs et leurs meutes sont dans le «carreau» et il en sort Betamax, Dufry, Ramgoolam, Soornack, Woochit, BAI, Bheenick, Frydu, Sungkur, Nundlall, etc. Sur qui on tire allègrement, avec des blessures diverses et multiples, mais non point fatales jusqu’ici. Ce tir «à tous vents» blesse même parfois les chasseurs entre eux-mêmes (pensez aux deux derniers ministres des Finances de Ramgoolam…) !
OMNIPOTENCE ET ÉQUITÉ
Pour le gibier BAI, il y a pire ! Les chasseurs «propriétaires», omnipotents, tirent même ouvertement dans les «chutes» des autres, avec les risques que l’on imagine ! Pensez aux dégâts (notamment sur les actions à la Bourse !) causés par l’«invitation» du ministre des Finances à la State Bank pour sauver la Bramer ! Imaginez les conséquences sur la réputation de la FSC d’être un régulateur «fort et indépendant», alors que c’est le ministre de la Bonne gouvernance qui est au front à sa place et que c’est maintenant le secrétaire financier, Dev Manraj, qui pilote la FSC… Il est vrai que la FSC de Milan Meetarbhan/Saïd Lalloo semble avoir donné le ton d’une institution plutôt arrangeante avec la BAI, notamment dans son acceptation tout bonnement étonnante de l’interprétation de la BAI de ce qui représentait une limite de pas plus de 10 % des fonds de ses clients dans des «related party investments»… Vendredi, en conférence de presse, le ministre des Finances n’a pas rendu service (31:39) en affirmant que c’est le PM qui a pris la décision de «bouze vite» pour la Bramer Bank en vue du «run» qui avait lieu.
L’évolution de l’acuité visuelle des chasseurs «propriétaires» s’illustre aussi dans la manière qu’ils interprètent leurs responsabilités envers les «dommages collatéraux» que sont actionnaires, employés, débiteurs, créanciers et clients. On a garanti les emplois à la Bramer Bank (où la BoM pensait, avant le 27 février, qu’il y avait une insuffisance de capital resté inexpliquée de Rs 3,5 milliards), mais à la BAI Insurance, on ne fait pas pareil. Pourquoi ? On a d’abord garanti les dépôts de la Bramer et les Life Policies (LPs) de la BAI et on soulignait combien il était différent (et impossible vu le «trou» de Rs 12 milliards) de garantir les Super Cash Back Gold (SCBG), puis, vendredi, on promettait de s’engager à rembourser les premières Rs 500 000 de tous les SGBG (Rs 6,4 milliards) et d’émettre des «debentures» pour un remboursement sur 5 ans pour le reste. Comment est-ce possible, alors qu’il y avait, sur la base du rapport des administrateurs PwC Bonieux/Oosman, une insuffisance d’actifs de… Rs 12 milliards !
INTERROGATIONS
Tentative d’explication et recherche de pistes :
1. Aucun détail n’ayant filtré jusqu’ici du rapport PwC, on ne peut que spéculer que le «trou» de Rs 12 milliards est à l’inclusion des «liabilities» à venir aussi (essentiellement les intérêts) sur les contrats SCBG. À l’hypothèse que ces intérêts anormalement élevés soient arrêtés, le «trou» à combler est évidemment moindre, mais on ne nous dit pas par combien…
2. Pour honorer les engagements pris envers les détenteurs de LPs, il faut, semble-t-il, Rs 5 milliards à la National Insurance Company (NIC). Il faut Rs 6,4 milliards de plus pour rembourser Rs 500 000 à tous les détenteurs de SGBG. Or, il n’y a que Rs 16 milliards d’actifs à réaliser selon PwC (contre Rs 28 milliards d’engagements), ce qui fait qu’il ne reste que (16-5-6,4=) 4,6 milliards pour couvrir les «debentures» de la National Property Fund qui seront de… Rs 12,8 milliards. Ainsi, seulement un tiers de ces debentures sont théoriquement couverts, sauf si la différence bénéficie soit (a) d’une garantie du gouvernement – ce qui n’a pas été aucunement précisé à ce stade, ni n’est souhaitable et/ou(b) d’une réduction grâce à l’effet (1), ci-dessus et/ ou (c) de la réalisation d’actifs autres que ceux tombant actuellement dans l’assiette du groupe BAI – voulant dire essentiellement que l’on soit capable, d’une manière ou d’une autre, de ramener, en faveur des SCBG, (et avant 5 ans ! Imaginez seulement les complexités légales et leurs coûts !), les actifs personnels des propriétaires de la BAI au motif qu’ils auraient «détourné» illicitement ou déraisonnablement l’argent de leur clients. Par exemple, peut-on, légalement s’entend, s’attaquer à des «management fees» passés mirobolants qui, au lieu de créer de la valeur dans le portefeuille des clients, ont plutôt détruit ?
3. Jusqu’à l’heure, nous n’avons pas entendu parler des créanciers privilégiés du groupe BAI, c.-à-d. Essentiellement les banques qui doivent détenir des charges, fixes ou flottantes, sur plusieurs des actifs que l’on se propose de vendre pour rembourser les clients ! Par exemple, l’hôpital Apollo est hypothéqué à une seule banque, dit-on. Dans la hiérarchie de remboursement très claire sous la loi, les créanciers privilégiés seront repayés d’abord ! On ne va tout de même pas, encore, changer les règles au cours du jeu ? Mieux, certains actifs (par exemple ceux du Bramer Property Fund) sont possédés par leurs propres actionnaires et investisseurs d’ABORD et ne peuvent «remonter» qu’à la condition qu’il y ait un surplus d’actifs qui reste après réalisation de ceux-ci…
4. Finalement, je spécule aussi, peut-être que le gouvernement, s’étant acheté du temps avec ses debentures à 5 ans, espère une appréciation immobilière en faveur de l’assiette d’actifs et notamment des châteaux étrangers valorisés en dollars, ce qui ferait plus de roupies à distribuer ?
5. S’il est logique de stopper les intérêts sur SCBG et que les actifs sont insuffisants pour payer tout le monde, n’y a-t-il pas une logique, si légale, à enlever du capital à être remboursé TOUS LES INTÉRÊTS PAYÉS jusqu’ici pour différencier entre ceux qui ont «profité» le plus… des autres ?
6. Il est vrai d’autre part qu’une institution financière, déjà déficitaire de Rs 12 milliards, qui offre des taux d’intérêts généreux à ses nouveaux investisseurs, quand il ne peut lui-même générer que 1 % sur son portefeuille prend un très, très sérieux pari sur l’avenir et qu’il y a logiquement lieu de se demander si la situation peut jamais être rattrapée… L’accent est sur le mot «pari» et il faut se demander si on n’a pas, alors, le devoir de protéger les nouveaux investisseurs du désastre qui ne peut que gonfler ! En l’absence d’une explication alternative plausible du groupe BAI à cette question particulière, je comprendrais les doutes du nouveau gouvernement et son désir de trancher sans tergiverser… Faut-il attendre une commission rogatoire pour une réponse ?
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Comme on peut le voir, la situation est complexe et en l’absence d’informations publiées, détaillées et vérifiables, il faut s’accrocher à ce qui est disponible et constater (1) une attitude gouvernementale qui n’est parfois pas totalement cohérente ou qui, de toute façon, évolue (2) en l’absence d’informations détaillées, une large marge pour du flou et des questions et (3) une approche «tous azimuts» peut-être un peu intempestive qui ouvre tellement d’enquêtes et de chantiers que cela ne peut être, au mieux, qu’au détriment du travail de construction du pays.
Qu’on ne s’y trompe : des écuries, ça doit se nettoyer ! Mais la question se pose : peut-on tout faire, tout de suite, ou est-ce qu’il eut été plus judicieux de s’accorder encore plus de temps de réflexion pour les cas les plus complexes, comme Betamax et, surtout, la BAI ?
Une chose est sûre : Je n’envie pas la tâche du Special Administrator de la NIC que l’on s’apprête à nommer !
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