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La leçon de Moody’s
Plébiscitée massivement aux dernières élections, l’alliance Lepep peine visiblement à imprimer son style. Non pas qu’elle manque d’idées ou de compétences mais elle s’est lancée dans un grand ménage qui risque de tenir le pays en haleine pendant un certain temps. Certes, personne ne peut reprocher à sir Anerood Jugnauth sa volonté de mettre au pas ceux trouvés coupables de blanchiment d’argent ou de mauvaise gestion financière.
Mais en attaquant de front le groupe de Dawood Rawat, confronté à des déboires financiers, SAJ et son équipe se sont manifestement embarqués dans une crise dont les dommages collatéraux – à la fois économiques et sociaux – pourraient au demeurant coûter cher au pays. Sans compter le temps et l’énergie qu’ils mettront pour gérer cette crise. Loin de nous l’idée de dire que ce n’était pas nécessaire ; au contraire, cela aura au moins servi à envoyer un message d’espoir à une population longtemps tétanisée. Celui que les Casernes centrales ou les cours de justice existent aussi pour les puissants de ce pays.
Certes, le pays ne peut s’accrocher infiniment au spectacle d’un scandale qui apporte chaque jour son lot de surprises. À un certain moment, il faudra recadrer le débat et se recentrer sur les priorités du pays, dont celles relevant de la gestion économique et sociale. Et SAJ doit se rappeler pourquoi, un 10 décembre 2014, il a été appelé par une majorité de la population à emprunter les couloirs du Bâtiment du Trésor.
Or, le dernier rapport de Moody’s offre justement une nouvelle grille de lecture à nos décideurs sur les grands enjeux économiques, même si les «spin doctors» de l’alliance gouvernementale ont tenté subtilement ces derniers jours de faire accroire que l’agence de notation américaine a félicité Maurice sur toute la ligne. Ce qui est loin d’être le cas…
La réalité est que Moody’s reste très prudente, voire sceptique sur la réalisation d’un certain nombre d’objectifs budgétaires. À commencer par les hypothèses de croissance du ministère des Finances. L’agence de notation prévoit une croissance de 3,6 % en 2015 et 2016, en ligne avec la moyenne historique pour le pays. Ce qui est largement inférieur à celle établie dans le Budget 2015-2016, soit 5,3 %, et 5,7 % en 2016-2017. Et de rappeler dans la foulée que «… the budget growth forecast relies on the completion of projects with high expected multiplier effects, we believe their economic benefits are likely overestimated».
A priori, rien de mal si le gouvernement a établi sa projection de croissance sur des variables économiques hors de son contrôle. Mais il se trouve dans le cas précis que sa nouvelle stratégie d’investissements axée sur la création de «smarts cities» et de Technopoles et accessoirement sur la création d’emplois en dépend cruellement…
Dès lors, on peut légitimement poser des questions sur la rationalité de cette mesure phare du premier budget de Vishnu Lutchmeenaraidoo. Au rythme où vont les choses, alors même que la crise BAI pourrait prendre au moins une année avant que les séquelles ne soient complètement effacées, certains spécialistes de l’immobilier demeurent sceptiques et pensent – à tort ou à raison – que d’ici 2020 pas une seule «smart city» ne sortira de terre. Attendons voir…
Entre-temps, Moody’s nous renvoie aux finances publiques du pays, aujourd’hui sous pression face au «bail-out» du gouvernement dans l’affaire Bramer-BAI pour éviter une crise sociale. L’agence américaine relève l’urgence pour les dirigeants du pays d’identifier des moyens de mieux protéger les finances publiques de «spillover effects» du secteur financier. Plus particulièrement de la chute du Groupe BAI mais aussi de la remise à flot de la MPCB. Ce qui a nécessité l’injection de nouveaux capitaux de Rs 730 millions.
Du coup, la question que chacun pourrait se poser est la suivante : qui va financer ce «bail-out» ? Est-ce le pauvre contribuable toujours appelé à la rescousse des gabegies des précédents gouvernements et des frasques financières de dirigeants d’entreprises privées ?
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