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La fin des courbettes ?

25 juin 2015, 17:08

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Le fait est suffisamment rare pour être relevé. En l’espace de deux semaines, Business Magazine a ouvert ses colonnes à deux nominés du nouveau gouvernement aux discours assez détonnants. D’abord, le président du Board of Investment, Gérard Sanspeur. Bien que choisi par les locataires de l’Hôtel du gouvernement pour être la tête de pont de la stratégie de promotion de la destination mauricienne auprès d’investisseurs potentiels, Gérard Sanspeur a clairement fait comprendre qu’il n’accepterait pas d’ingérence politique durant son mandat.

 

Cette semaine, c’est au tour d’Arjoon Suddhoo, le président du conseil d’administration d’Air Mauritius, de revendiquer une plus grande autonomie du board. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le chairman de la compagnie d’aviation nationale explique que le transporteur se doit de développer une plus grande résilience face aux aléas de son environnement opérationnel. Ce qui ne sera pas possible sans la prise de décisions audacieuses.

 

Selon Arjoon Suddhoo, seule une plus grande autonomie du conseil d’administration et de l’équipe de direction d’Air Mauritius permettra au paille-en-queue de reprendre de l’altitude. Dans un contexte normal, de telles déclarations ne devraient pas surprendre. Mais pas à Maurice ! D’autant plus que nous avons été habitués, ces dix dernières années, à des styles relevant du lèche-bottisme politique se résumant à : «Je remercie le Premier ministre…, la vision du Premier ministre… ou encore grâce à la volonté du Premier ministre…» pour ne citer que quelques exemples de triste mémoire.

 

La posture de nos deux interlocuteurs tranche donc singulièrement avec les pratiques d’un récent passé, donnant ainsi des raisons d’espérer. Car il n’est jamais trop tard pour voir émerger une nouvelle race d’affranchis politiques. Certes, nous éviterons de tirer des conclusions hâtives, mais ces prises de position de surcroît publiques pourraient ouvrir la voie à une nouvelle ère de gouvernance dans un secteur où les dirigeants sont surtout réputés pour leurs courbettes.

 

Le pays, de même que les institutions qui ont jadis fait la fierté nationale, est en attente d’un nouvel élan. Or, seuls les hommes qui sauront se libérer d’une autorité politique aliénante et réductrice pourront éviter les erreurs du passé. Air Mauritius fait partie de ces institutions tombant sous la coupole de l’État qui ne cessent de pâtir de l’ingérence politique. Arjoon Suddhoo a donc raison de réclamer une plus grande liberté d’action pour le board et la direction. Car toute forme de servilité politique imposée freinera des quatre fers les tentatives de réformes au sein de la compagnie. C’est d’ailleurs ce qui a rogné les ailes d’Air Mauritius jusqu’ici.

 

Face à la concurrence de plus en plus féroce venant des autres lignes aériennes, la compagnie d’aviation nationale n’a d’autre choix que d’être compétitive. Or, la voie de la compétitivité n’est pas toujours facile à emprunter, surtout lorsqu’il s’agit de prendre des décisions qui sortent des sentiers battus. La preuve, Maurice considère l’Afrique comme une terre d’opportunités. Pourtant, malgré le fait de disposer d’une compagnie aérienne, nous n’avons pu jusqu’à présent améliorer la connectivité avec le continent. C’est un pari, risqué certes, mais qu’il faut prendre rapidement si nous voulons positionner le pays comme une plaque tournante dans cette partie du monde.

 

Toutefois, une chose est sûre : nous n’y parviendrons pas si toutes les décisions portant sur l’avenir d’Air Mauritius sont systématiquement prises dans des bureaux obscures à l’Hôtel du gouvernement, et non pas par les professionnels à qui les rênes de l’entreprise ont été confiées. Il en va de même pour les autres institutions publiques.