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Le faux pas de SAJ

6 juillet 2015, 04:13

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Que le père de Pravind Jugnauth ait des états d’âme à l’égard de son fils, sentiment somme toute légitime de tout parent envers son enfant, on veut bien le comprendre. Qu’il l’exprime en privé dans l’intimité de sa famille, là encore personne n’y trouverait à redire. Mais que le Premier ministre – et l’on note que ce n’est pas une réaction à chaud : intervenant 24 heures après la décision de justice, elle est donc réfléchie, calculée – vienne dire publiquement que c’est un mauvais jugement, qu’il n’est pas d’accord et qu’il espère que Pravind Jugnauth gagnera en appel, est une réaction inacceptable.

 

De la part d’un chef de gouvernement, juriste de surcroît, on se serait attendu à une certaine retenue, à un discernement éclairé après la lecture du jugement, à un positionnement dans le respect de la séparation des pouvoirs et de nos institutions. Que veut nous dire SAJ ? Qu’il aurait applaudi si Pravind Jugnauth n’avait pas été reconnu coupable ? Que le jugement aurait été bon s’il avait été en faveur de son fils ? En faisant pareille déclaration, le Premier ministre (l’exemple venant d’en haut, paraît-il) donne donc raison à tous ces membres du Cabinet et députés qui ont cru bon de défiler en cour et – pour se faire bien voir ? – qui se sont également permis d’avoir des propos indélicats et exagérés après la sentence des magistrats.

 

Même si leur présence remarquée fut, semble-t-il, une manifestation de soutien, il aurait été préférable, aux yeux du public, qu’il n’y ait aucune mauvaise perception, aucun questionnement sur une certaine forme de pression indirecte (d’autant que la tension était palpable en cour avec les partisans venus en masse) à un moment où les magistrats devaient avoir droit à un climat de sérénité pour annoncer la sanction pénale. Si la situation est d’autant plus malsaine, c’est que les membres du gouvernement, avec leurs vociférations, donnent l’impression que ce jugement affecte profondément leur agenda politique, avec l’avenir semble-t-il tracé de Pravind Jugnauth comme éventuel Premier ministre. Comme en témoigne la déclaration de Showkutally Soodhun, président du MSM : «Nous avons besoin de Pravind Jugnauth aujourd’hui et demain. Et nous lui demandons de ne pas démissionner.»

 

Bien a pris à l’ancien ministre des TIC de faire preuve de bon sens en quittant ses fonctions ministérielles au lieu d’écouter son bureau politique. Car il va bien falloir que ces messieurs et dames faisant partie d’un gouvernement censé nettoyer le pays et qui nous promettait la transparence dans la gestion des affaires de l’État, acceptent le jugement de culpabilité. Qu’ils estiment que la loi comporte des manquements, qu’ils expriment leur désaccord avec cette législation est une chose, sauf que la justice s’est prononcée en vertu des dispositions de la loi. Et tout comme il est de notre devoir de respecter toutes les décisions – ainsi que le droit d’appel – que la cour prend dans sa sagesse chaque jour, il est de notre devoir de respecter ce jugement à l’encontre de Pravind Jugnauth, car nous ne pouvons porter des visières partisanes quand les hommes politiques sont convoqués en cour.

 

Cela dit, il est clair que l’épisode Pravind Jugnauth n’est que le sommet de l’iceberg dans cette affaire Medpoint et qu’une multitude de questions demeurent autour de cet achat et de ces transactions financières. Si les magistrats font bien ressortir que l’ancien ministre des Finances ne s’est pas rendu coupable de corruption mais de conflit d’intérêts, sa signature étant la dernière étape pour l’acquisition de la clinique de son beau-frère, le Dr Malhotra, les Mauriciens ont le droit de savoir qui, dans l’ancien gouvernement, a pris la décision – comme le réclame le leader de l’opposition – de racheter cette structure et s’il y avait là une question de favoritisme et, plus important, de corruption…

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