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Le déni de la réalité
Il y a la perception et la réalité. Elles peuvent, parfois, se rejoindre mais, à la base, elles ne sont pas du tout la même chose. La première est fondée sur ce que l’on voit (souvent en surface, de manière superficielle), ce que l’on entend (souvent de la part de ceux qui crient dans chaque micro et devant chaque audience qui se présente) et ce que l’on croit savoir (via l’anecdotique, au hasard de nos rencontres et lectures). La réalité, elle, est considérée comme un critère de vérité (et l’on sait qu’il n’existe pas une, mais plusieurs vérités qui s’opposent). La réalité repose sur des faits concrets, peut-être pas exacts mais mesurables, tangibles et vérifiables ; c’est en somme l’adéquation de la pensée et des faits ou chiffres. Les chercheurs en sciences sociales font souvent ressortir que «la vérité est une approximation, par ‘rectifications’ successives, d’une réalité qui se construit progressivement». Il importe, donc, de cerner, dans notre quotidien, ces différences afin de ne pas s’emmêler les pinceaux...
Prenons les radars, décriés comme des «pièges pour automobilistes» durant la campagne électorale, que Nando Bodha avait victorieusement éteints au lendemain de la grande victoire de Lepep en décembre dernier. Le nouveau ministre des Infrastructures publiques a immédiatement traduit dans la réalité la promesse électorale et les automobilistes n’ont plus rien eu à craindre des limites de vitesse. Mais ce congé-radar a pris fin ce 27 juillet, quand les speed cameras mobiles sont à nouveau devenues opérationnelles. Du coup, on a l’impression que Bodha avait vendu du rêve. Et que les morts sur la route sont un dur rappel à la réalité.
Si, à tête reposée, l’on compare la période janvier-juillet 2015 à la période correspondante l’an dernier, l’on constate qu’il y a eu 8,8 % d’accidents mortels de plus SANS radars. Cependant, il ne faut pas sauter directement aux conclusions. Car la tendance annuelle du nombre d’accidents, avec radars, est à peu près identique à cette parenthèse de sept mois sans radars. Et d’autre part, il importe de se poser quelques questions de plus : les accidents mortels sont-ils dus à la vitesse? À l’alcool ? À l’inattention ou l’inexpérience des chauffeurs ? Où se situent les accidents ? Est-ce que les black spots peuvent être contrôlés avec des radars antivitesse? Vous découvrirez quelques éléments de réponse demain dans l’express-dimanche.
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Autre perception qui ne se vérifie pas dans les chiffres, celle liée à l’emploi. Avec l’affaire BAI, qui n’a manifestement pas été bien gérée, on a l’impression qu’il y a davantage de pertes que de créations d’emplois. Or, le dernier rapport de Statistics Mauritius donne à voir que l’on a effectivement créé 5 900 emplois de plus que lors du 1er trimestre 2014 ainsi que 5 000 chômeurs de plus.
C’est le même conflit entre perception et réalité dans le tourisme. D’une part on nous dit que les arrivées sont en hausse et de l’autre, que les recettes chutent. Entre-temps, comme pour brouiller davantage les esprits, le ministère de tutelle conteste les chiffres de la Banque centrale. Même son gouverneur a mis en cause la méthodologie de la Banque de Maurice, en faisant ressortir que les recettes encaissées dans les comptes des petits opérateurs échappent à la consolidation au niveau des comptes nationaux. D’où le «mismatch» dans le secteur et dans les discours publics.
Plus globalement, après la série de nettoyages nécessaires – mais sélectifs ! – il est grand temps que le gouvernement replace l’économie au centre de ses préoccupations. Car l’épisode MedPoint et le cafouillage autour du traité fiscal indien, sans compter le défi lé des personnalités aux Casernes centrales, vont durablement ternir notre image de champion – africain – en termes de «doing business». Et ce n’est pas qu’une perception, nous dit-on...
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Pour la 2e semaine, le gouvernement fonctionne sans les deux Jugnauth. Si les premiers jours de l’intérim de Duval ont été difficiles en raison des rapports houleux entre les numéros 2 et 3 du gouvernement, la suite a été moins tumultueuse – du moins en surface. L’absence de trois semaines de sir Anerood et celle illimitée du leader du MSM au Conseil des ministres (le temps qu’il «lave son honneur») s’avèrent un véritable test de cohésion pour les trois partenaires du gouvernement. Ils auront beau démentir toutes les rumeurs qui circulent, l’épisode Soodhun-Duval a démontré qu’ils vivent bien moins unis qu’ils nous le disent. Tant mieux s’ils se surveillent entre eux, car notre opposition, qui a touché le fond, prendra du temps à remonter ; la reconstruction du PTr et du MMM s’avère très laborieuse avec leur leadership inamovible. Encore heureux, donc, qu’il existe d’autres contre-pouvoirs comme la Cour suprême et la presse libre et indépendante pour ramener, à la raison, ceux qui sont dans le déni de la réalité..
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