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Secouer le cocotier
En prenant l’initiative de cette grand-messe gouvernement-secteur privé ce 22 août, le Premier ministre sir Anerood Jugnauth a souhaité reprendre la main sur l’agenda économique. Est-ce un désaveu de son ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo qui n’arrive toujours pas à faire répartir la machinerie économique malgré sa politique volontariste ?
Car après plus de huit mois de son mandat consacré au grand nettoyage du pays, SAJ est conscient qu’il faut revenir à l’essentiel pour recadrer les priorités économiques et sociales du pays afin d’éviter que le 10 décembre 2014 ne soit un accident de parcours. L’attente est visiblement grande chez les opérateurs. Ces derniers attendent toujours le déclic. Ils recherchent une plus grande visibilité sur les principaux secteurs qui peuvent porter économiquement le pays vers de nouveaux sommets.
L’alliance Lepep a vendu un deuxième miracle économique pour se retrouver au pouvoir en décembre. Vishnu Lutchmeenaraidoo, l’homme d’aucun parti politique, qualifié de magicien de l’économie, s’est associé à sir Anerood Jugnauth, père du premier miracle économique (1983-1990) pour faire rêver une population après deux mandats successifs de Navin Ramgoolam, dont une large frange de la population ne retiendra finalement que les scandales politiques et financiers les uns plus sensationnels que les autres.
Le nouvel agenda économique, dont les contours vont être définis samedi par le Premier ministre, devrait être à la hauteur des espérances de nos dirigeants économiques qui attendent un sursaut du gouvernement du jour.
Les défis sont grands. Maurice traîne une économie en berne, une croissance moyenne de 3 % depuis les cinq dernières années contre une moyenne de 5 à 6 % en Afrique ; autant, sinon plus, dans les pays asiatiques. Il faut créer les conditions pour que le pays puisse tutoyer à terme une croissance de 5 % afin de pouvoir infléchir la courbe du chômage – près de 8,7 % de la population active. Aujourd’hui, un jeune sur quatre est au chômage. Or, il n’a échappé à personne, encore moins au tandem Jugnauth-Lutchmeenaraidoo, que ce sont ces mêmes jeunes, ces «Mam» qui ont viré un 10 décembre 2014 pour donner une victoire écrasante à l’alliance Lepep.
Certes, on peut raisonnablement s’interroger sur la pertinence d’un tel exercice, huit mois après le discours-programme de cette alliance gouvernementale et quatre mois après le premier Budget du Grand argentier. Dans les deux cas, le champ économique avait été balisé et les priorités définies. Alors pourquoi est-ce que rien, concrètement, ne s’est passé entre le dernier exercice budgétaire et aujourd’hui, si ce n’est quelques roadshows pour vendre le concept de «smart cities» et l’avènement de quelques noms dans les services financiers pour donner l’impression que les choses bougent dans ce secteur.
Il est sans doute vrai qu’entre-temps, la crise du groupe BAI est venue, sur le plan médiatique, reléguer au second plan le Budget 2015-2016, avec des objectifs de croissance de 4 % en 2014 et de 5,3 % l’année prochaine. À l’instar des économistes et autres spécialistes, sir Anerood Jugnauth est certainement convaincu que ce sont des objectifs qui ne relèvent pas du domaine du réel et que sans secouer le cocotier, les perspectives risquent d’être sombres.
En prenant le leadership économique, SAJ veut frapper l’imagination populaire et rappeler que le premier miracle peut encore être répliqué. Il s’agit pour le chef du gouvernement de faire preuve d’un certain pragmatisme, voire d’une vision à long terme qui ne relève pas forcément de l’intuition économique de son ministre des Finances.
Le Grand argentier, qu’on dit en déphasage avec des réalités économiques du pays, avait annoncé dans le sillage du Budget que les investisseurs allaient se bousculer au portillon du Board of Investment le mois prochain. À quelques jours de cette échéance, rien de la sorte ne semble se profiler à l’horizon.
Discours-programme le 27 janvier 2015 ; Budget 2015-2016 le 23 mars 2015 ; Economic Vision Statement le 22 août prochain… Jamais deux sans trois. La troisième feuille de route économique sera-t-elle la bonne pour donner un coup de fouet à l’économie ?
Attendons voir !
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