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Notre diversité pour construire, pas pour détruire
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Notre diversité pour construire, pas pour détruire
Le Sud a retrouvé son calme habituel. À cause de deux énergumènes sous influence et d’une poignée d’esprits étriqués et tordus qui sévissent sur Facebook, nous avons eu un peu peur cette semaine. Parce qu’il existe une tendance subversive chez certains groupes de Mauriciens et que la dimension culturelle, qu’on ne peut pas occulter, reste présente dans la plupart des conflits qui éclatent. À Maurice comme ailleurs.
Oui, nous l’avouons sans gêne, nous avons eu peur aussi parce qu’on a vécu, comme journaliste, les événements de février 1999 de près. Et on a vu à quelle vitesse une manif à Rose-Hill pouvait se répandre à travers toute l’île pour devenir des émeutes. Et à l’époque les portables et les réseaux sociaux n’étaient même pas légion !
Il y a seize ans, on était dans la rue pour voir et comprendre pourquoi certains Mauriciens en voulaient à d’autres Mauriciens. Et on a vu la révolte, la haine, la peur et l’incompréhension sur le visage de nombre de nos compatriotes qui devenaient irrationnels – quand ils investissaient la rue ou quand ils s’enfermaient à double tour chez eux, comme en temps de violent cyclone.
Au plus fort des émeutes, on avait ce sentiment, en 1999, que tout allait s’embraser et que tout devait brûler, que les ressentis d’hier allaient sortir d’un coup sur l’asphalte-défouloir. On a vu des pères de famille, qui menaient jusque-là une vie tranquille, sans histoires, devenir soudain des guerriers en puissance, des révolutionnaires qui brûlaient des pneus à chaque carrefour, des experts en fabrication de cocktail Molotov, qui ne voulaient plus entendre raison – et qui montraient à leurs enfants comment il fallait faire… Ce qui a commencé comme une révolte contre la police qui n’a pas su maintenir Kaya en vie et contre les autorités qui n’entendaient pas la voix des opprimés, s’est vite transformé en un affrontement entre membres de différents quartiers et communautés. Et du coup, on a vite oublié Kaya et les émeutes sont devenues un règlement de comptes intercommunautaires – soit précisément le contraire de l’amour universel que chantait notre Bob Marley local, alors que beaucoup d’autres profitaient des désordres pour piller supermarchés et chaînes de magasins…
On a eu de la chance en 1999 que tout s’est arrêté, après seulement quelques jours de tensions et de violence. Des sages ont eu raison des pyromanes. Mais on savait, tous, que les braises n’étaient pas tout à fait éteintes et que cela brûlait toujours, à petit feu, sous les cendres, au moins dans certaines têtes.
On a alors compris que les histoires de «bagarres raciales» de Port-Louis, que nous racontent nos aînés, pouvaient se reproduire n’importe quand, que la moindre étincelle pouvait consumer des quartiers car il y a certains d’entre nous qui aiment jeter de l’essence sur les pneus qui brûlent quand les émeutes éclatent.
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La nation mauricienne est encore en gestation, quoi qu’on puisse en penser et même si nos décideurs ambitionnent de transformer Maurice en pays à haut revenu. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas de conflits sanglants qu’on est en paix. C’est pour cela qu’il importe de réduire au silence ceux qui prônent une politique diviseuse, que ce soit pour se faire élire au Parlement ou pour décrocher un poste de conseiller, dans un corps parapublic ou dans une ambassade à l’étranger (ou l’on changera tout de suite de discours pour vanter le vivre-ensemble exemplaire de Maurice – quelle ironie !). C’est aussi pour cela que notre journal a invité ses nombreux lecteurs à inonder les réseaux sociaux de l’express de messages et de photos patriotiques afin de noyer les quelques commentaires séditieux et anti-Mauriciens. «L’acceptation et la reconnaissance de la diversité culturelle – en particulier grâce à l’utilisation novatrice des médias et de l›information et des communications – sont propices au dialogue entre les civilisations et les cultures, le respect et la compréhension mutuelle», prône, du reste, l’ONU qui célèbre chaque année, en mai, une journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement.
Ceux engagés dans la résolution de conflits vous diront tous qu’il importe de combler le fossé entre les différentes cultures et groupes afin de favoriser la paix, la stabilité et le développement. Il existe d’ailleurs plusieurs conventions internationales qui soulignent le fait que la diversité culturelle s’avère l’une des principales forces motrices du développement non seulement concernant la croissance économique, mais aussi pour mener une vie plus épanouissante intellectuellement, moralement et spirituellement.
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Placer la diversité au cœur du développement est un investissement dans l’avenir. C’est aussi synonyme d’une mondialisation bien comprise qui prend en compte les principes de la diversité culturelle. Citant le généticien Albert Jacquard, auteur du livre L’Éloge de la différence, qui affirme que «notre richesse collective est faite de notre diversité», le professeur Bertrand Moingeon, dans une tribune dans nos colonnes, faisait ressortir que «Maurice a incontestablement dans son ADN cette dimension multiculturelle. Toutefois, ne soyons pas angéliques ! Nous savons bien que dans la vie quotidienne, la diversité est souvent synonyme de juxtaposition, de coexistence. Il n’existe pas nécessairement d’enrichissement mutuel ou de brassage culturel. On voit les pièces de la mosaïque mais on peine à en distinguer la forme d’ensemble. Pire, la reconnaissance des différences peut se traduire chez certains par un sentiment de supériorité ! Dès lors, Maurice doit continuer à promouvoir activement le respect mutuel et l’ouverture à l’autre. Ce sont là des chantiers prioritaires. C’est en cultivant de telles valeurs que la différence peut véritablement être source de richesse».
Notre compatriote Eric Ng Ping Cheun, dans son dernier ouvrage intitulé L’économie de la diversité, souligne lui aussi le sens «élargi» de la diversité mauricienne : «Ignorer les enjeux de la diversité culturelle peut conduire à des erreurs de gestion : une faible intégration de certaines catégories culturelles dans l’entreprise peut entraîner des coûts additionnels liés à l’absentéisme (…) la diversité peut constituer un atout majeur en générant des avantages de compétitivité, en mettant en synergie les différences.»
En gros, on a le choix entre utiliser/optimiser nos différences pour construire le pays ou pour détruire la nation. En 2015, après notre parcours et nos efforts, on ne devrait plus avoir qu’un choix. Le premier.
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