À l’heure où il règne un soupçon de passe-droits sur le recrutement d’une soixantaine de médecins, à l’heure où les Mauriciens découvrent que les connexions politiques ont peut-être favorisé des proches du pouvoir pour se faire recruter dans nos hôpitaux, à l’heure où le gouvernement du jour reflète une copie de l’ancien, avec l’image d’un système basé sur tout sauf la méritocratie, une jeune Mauricienne, Jane Constance, du haut de ses 15 ans, est venue nous chambouler positivement en nous offrant une sacrée belle leçon.

Et nous démontrer que le contraire est possible. Qu’on peut obtenir sa place si on la mérite, à force de travail acharné, de courage et de persévérance. Que tout n’est pas qu’une histoire de copinage dans la vie. Et que oui, une autre philosophie existe. Soit une position tellement éloignée de la politique dans laquelle nos dirigeants veulent nous enfermer et que nous avons parfois intériorisée. À tort. À seulement 15 ans, Jane Constance, aveugle de naissance, gagnante de l’émission française The Voice Kids, fierté nationale depuis vendredi soir, a été jusqu’au bout de cette belle aventure grâce à ses qualités exceptionnelles, entourée de parents «humbles», «sensibles» et «bienveillants» (dixit Patrick Fiori) qui, eux aussi, méritent d’être salués.

Si la cécité de notre jeune compatriote a contribué à son capital de sympathie, il est indéniable qu’elle n’a pas gagné parce qu’elle est aveugle. Son talent, sa maîtrise vocale acquise au bout d’années de travail, ses grandes capacités, sa personnalité, nous ont, dès la première émission, emportés très loin dans des émotions multiples. Du reste, si une majorité de téléspectateurs l’ont découverte à travers cette émission, tous ceux qui la côtoient à Maurice ou qui l’ont déjà entendue chanter savent de quoi elle est capable.

Le parcours de la jeune fille en est d’ailleurs la preuve. Pratiquant le chant depuis sa plus tendre enfance, elle fait, avec le titre Somewhere over the rainbow, une magistrale prestation, à  9 ans, en première partie du concert de Dave Dario, suit parallèlement des leçons de piano, devenant la première Mauricienne non-voyante à avoir été reçue aux examens de la Royal School of Music. Invitée à chanter en Inde l’an dernier, c’est ensuite à l’Unesco, à Paris, lors de la Journée internationale des handicapés, qu’elle s’est produite en décembre. Depuis, elle n’arrête pas et est régulièrement sollicitée pour des concerts et spectacles.

C’est dire si Jane Constance fait partie de ces êtres qui ont fait de leur handicap une force – ne dit-elle pas souvent, en toute humilité, que c’est une chance pour elle d’être née aveugle ? – et qui se donnent les moyens d’y arriver à force de «volonté», «désir» et «commitment» – comme l’a dit le Premier ministre  qui la félicitait et conversait avec elle en direct sur Radio Plus hier matin.

Depuis deux jours, c’est une jeune fille de 15 ans qui nous donne plusieurs enseignements et nous réconcilient avec des valeurs en lesquelles nous voulons tous croire : se battre, foncer, travailler, avoir la foi dans ce que l’on fait, prendre du plaisir dans nos activités, vaincre le défaitisme et se décomplexer du sentiment que les étrangers sont toujours meilleurs. Celle qui aura tenu éveillés des milliers de Mauriciens jusqu’à 2 heures du matin vendredi dernier a donné un sentiment de fierté à ses compatriotes en faisant honneur à tout un pays qui, depuis trop longtemps, n’a pas goûté à une telle communion fraternelle et joyeuse autour de l’un des siens. L’île, émue aux larmes, a frissonné ensemble. Et qu’est-ce que c’était bon d’être Mauricien !

Pour toutes ces leçons, la jeune Jane qui, semble-t-il, n’a pas eu les faveurs du ministère des Arts et de la Culture jusqu’ici – les artistes étant d’une manière générale négligés dans ce pays – mérite notre respect. Grâce à elle, il y a, depuis vendredi, le sentiment d’un feel good factor. À 15 ans seulement, la jeune aveugle, par son seul mérite, a fait rejaillir sur Maurice une belle et magnifique lumière. À l’opposé des vilaines actualités pétries de passe-droits et de copinage politique. Merci Shining Jane !