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Le travail : un devoir, une valeur ou un droit ?

6 janvier 2016, 06:42

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L’express du mardi 5 janvier nous apprend, une fois n’est pas toujours coutume, une excellente nouvelle qui n’est pas qu’un effet d’annonce. En effet, au-delà des promesses, des résolutions, des milliards que l’on va dépenser dans tel chantier, des centaines d’emplois que l’on va créer dans tel autre ; les huit Bangladais employés par Empire (le sien ?) Professional (Mmmm…) Ltd et qui n’ont pas été payés depuis octobre apparemment, ont… trouvé du travail. Pas moins de cinq employeurs auraient contacté le syndicat de Reaz Chuttoo à cet effet. Ce qui, devant tant de solidarité, n’a pas manqué de lui faire «chaud au coeur».

Je ne souhaite pas être un rabat-joie, mais peut-être faut-il souligner que la compagnie qui embauche, apparemment Quality Decor, ne fait surement pas cela par humanisme, mais parce qu’elle a besoin de main-d’oeuvre ! Ce qui a mené à un constat qui va paraître perfide : mais pourquoi est-ce que cette compagnie (et quatre autres d’ailleurs) se précipite pour recruter les protégés de Mr Chuttoo alors qu’il y a 8 % de Mauriciens chômeurs dans les statistiques officielles du pays ? Oui, en effet, pourquoi donc ? Et si la réponse à cette question n’était pas que les syndicalistes ne s’intéressent forcement pas aux chômeurs, ne faudrait-il pas craindre très fort pour le recrutement sur les chantiers à milliards qui vont bientôt s’activer dans le pays, d’autant que le ministre Callichurn (ministre… du Travail ! Et il n’a pas été corrigé !) n’est pas très favorable à l’emploi des étrangers ?

C’est dans ce contexte qu’il faut saluer le comportement exemplaire (ou avisé !?) des employés de la CHCL qui, désavouant leur chef syndical, Mr Ashok Subron qui conseillait de rentrer chez eux à midi le 31 décembre, ont choisi de suivre la consigne de leur patron, Mr Gassen Dorsamy, plutôt, pour travailler jusqu’à 18 heures et ainsi libérer autant de navires que possible. Pour qui connaît le domaine portuaire, c’est même assez surprenant ! Qu’est ce qui explique cela? Un tarif spécial a-t-il été payé pour ces heures ? A-t-on pris conscience qu’avec Dubai Ports Authority derrière la porte, il valait mieux ne pas prêter le flanc ? Ou est-ce que, par rapport à l’éthique du travail, les employés décidément bien payés et sous employés (si l’on se réfère aux coûts salariaux comme pourcentage des coûts d’opération, relativement à d’autres ports) ont connu, fin 2015, une épiphanie ?

C’est Reaz Chuttoo a nouveau qui s’insurge contre la révision de 14 Remuneration Orders (RO) qui augmentent pourtant les salaires, au motif que ces nouveaux RO prennent maintenant en compte un nouveau critère, soit celui de l’«ability to pay». Réalise-t-il à quel point ses propos sont niais ? En effet, quand le RO sera proclamé, soit une compagnie pourra payer, soit elle ne pourra pas. Pour essayer de garder la tête hors de l’eau ou ne pas ronger ses profits (ou aggraver ses pertes), elle tentera d’ailleurs, d’abord, d’augmenter ses prix. Si elle ne réussit pas, il lui restera alors le choix de défier la loi ou s’il n’y a pas «ability to pay» de licencier ou pire… de fermer boutique ! La vérité est qu’une économie cadenassée à triple tour avec des emplois garantis, de faibles gains de productivité et des salaires prescrits est généralement une économie qui râle pour créer de l’emploi et que le meilleur allié de l’employé, syndiqué ou pas, est… Le plein-emploi !

Ce que la robotisation grandissante (jusqu’à 50 % des emplois actuels sont menacés dans les 25 ans qui arrivent, disent certains* !) et l’élimination accélérée des intermédiaires dans les économies mondiales, vont bouleverser dans les années à venir… Ajoutez-y les formations inadaptées au marché du travail et on conclura que cela va surement grincer dans les chaumières (et chez les syndicats), à moins que nous ne vivions, désormais, tous, de rentes de l’Etat puisées des profits des propriétaires de robots !

*Lire, par exemple, François Leclerc, dans l’Humanité du 4 décembre 2014