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Enlever l’épine DPP du pied de Lepep !

24 janvier 2016, 08:23

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Enlever l’épine DPP du pied de Lepep !

 

Jeudi, au coeur de la rédaction de l’express, Roshi Bhadain a sorti l’artillerie lourde contre le Directeur des poursuites publiques, dévoilant ainsi sa stratégie anti-Satyajit Boolell. Il pousse volontairement vers le conflit – en expliquant que la situation n’est plus «tenable». En veut-il à la personne qui occupe le poste de DPP ou au pouvoir rattaché à ce poste ?

Telle semble être la mission que s’est fixé Roshi Bhadain. Quitte à franchir délibérément la ligne rouge qui sépare l’administration de la justice et les rouages de l’exécutif. Drapé du manteau de la Bonne gouvernance, comment s’y prend-il ?

 

Jeudi, au coeur de la rédaction de l’express, Roshi Bhadain a vidé son sac. Sa cible : le Directeur des poursuites publiques (DPP). En dévoilant ainsi sa stratégie anti-Satyajit Boolell, il pousse volontairement vers le conflit – en expliquant que la présente situation n’est plus «tenable».

De mémoire de journaliste, c’est bien la première fois qu’un membre du gouvernement se permet d’aller aussi loin, ‘on record’, contre la personne qui occupe un poste aussi important, de surcroît constitutionnellement protégé. Poussé presque à bout par les journalistes de La Sentinelle, Roshi Bhadain n’est pas passé par quatre chemins pour remettre en question l’indépendance et l’agenda de Me Boolell. Il dirige le débat vers une impasse institutionnelle et évoque les termes «chaos» et «monstre» pour résumer le conflit ouvert qui a éclaté dans le sillage des affaires MedPoint et Sun Tan entre le Sun Trust, l’Hôtel du gouvernement et la Garden Tower (siège du bureau du DPP).

Voici les voies et moyens utilisés par un ministre de la République pour, ni plus ni moins, discréditer le poste de DPP.

1) Cut and Paste : remplacer MedPoint par Sun Tan. L’opinion publique est braquée sur l’affaire MedPoint et l’on reste suspendu à la décision des juges Matadeen et Caunhye par rapport à l’appel de Pravind Jugnauth. Entre-temps Roshi Bhadain veut, lui, replacer les projecteurs sur l’affaire Sun Tan – dans laquelle il y aurait, selon le ministre de la Bonne gouvernance, un ‘case’ de conflit d’intérêts : «Reprenez les arguments de Rashid Ahmine et appliquez-les dans le cadre de l’affaire Sun Tan !»

2) Changer de terrain : Emmener le DPP sur le champ politique et évoquer des liens de parenté. Alors que Roshi Bhadain se défend d’être le cousin du DG par intérim de l’ICAC, il souligne, à doubles traits rouges, que le DPP est le frère d’Arvin Boolell. En raison de ce lien de sang, Roshi Bhadain estime que les jeux sont faussés. Son argumentaire : «Le frère du DPP, Arvin Boolell, aspire à être le leader du Parti travailliste. Si demain le DPP décide de poursuivre Navin Ramgoolam, on dira qu’il le fait pour aider son frère. Et si demain le DPP décide de ne pas poursuivre l’ancien Premier ministre, on dira alors que c’est en raison de ce même frère qui est travailliste – tout comme leur père.» En d’autres mots, Satyajit Boolell sera condamné quelle que soit sa décision par rapport aux multiples enquêtes sur Ramgoolam. Bhadain va plus loin : «C’est la seule personne à Maurice qui peut choisir d’initier ou pas des poursuites au pénal. Il n’a pas à se justifier s’il décide de poursuivre – et s’il décide de ne pas poursuivre, c’est un long procédé pour qu’il explique sa motivation… The decision making process is already tainted.»

3) Qui nomme qui ? Semer le doute et donner l’exemple. Après plusieurs tentatives de notre collègue Touria Prayag, Roshi Bhadain a concédé que c’est la Judicial and Legal Services Commission – et non Navin Ramgoolam – qui a nommé Satyajit Boolell au poste de DPP. Mais Bhadain dit aussi ceci : «Méfiant comme il est, est-ce que Navin Ramgoolam aurait laissé nommer Boolell s’il était contre sa nomination ? Pensez-vous que Ramgoolam allait accepter que le frère de Roshi Bhadain soit nommé DG de l’ICAC ?! La vérité, c’est que Boolell a construit un empire dans le dos de Ramgoolam et refuse d’être nommé juge, contrairement à la pratique…» Par rapport à son propre père, en revanche, le ministre de la Bonne gouvernance nous apprend que c’est Vishnu Lutchmeenaraidoo qui l’a nommé à la DBM. Toutefois, comme c’est une question qui revient trop selon Roshi Bhadain, le ministre a fait un appel solennel à son père pour qu’il démissionne !

4) Provisional Charge : relancer le débat. Roshi Bhadain trouve surprenant que Me Satyajit Boolell ne s’intéresse que maintenant aux abus par rapport aux arrestations policières (NdlR, le DPP a fait paraître un papier de réflexion sur le sujet le 4 janvier 2016, ‘Provisional Charge Conundrum’ – à lire sur lexpress.mu). «Given its purpose of bringing a detainee under judicial control, one would assume that any transgression or abuse by the police when effecting arrest would be set right by the Magistrate, yet there is a wellfounded (but not new) concern, among members of the Bar, that the judicial control is inadequate and provisional charges are being used as a cover for arbitrary arrests and detentions», se demande le DPP. Pour sa part, le ministre de la Bonne gouvernance fait ressortir : «Il faut savoir que sous le précédent régime les enquêteurs de la police allaient à la Garden Tower pour ‘vet’ les charges provisoires et les mandats d’arrêt. Ce n’est que maintenant avec l’affaire Sun Tan que le DPP s’inquiète…»

5) Éternelle question : revoir les pouvoirs du DPP. Selon l’article 72 de la Constitution, le DPP ne sera sujet à aucun contrôle. En 2009, une anomalie a été corrigée quand le bureau du DPP est détaché de celui de l’Attorney General. L’initiative revient à Me Rama Valayden, qui a même mené un débat public sur les pouvoirs du DPP. À l’époque, le ‘thinking’ était : «It is worthy to note that in spite of the DPP’s absolute constitutional role and powers, the DPP is under the administrative control of the Sollicitor- General and depends on the latter for the administrative requirements of that office. In other words, the DPP is administratively dependent on the Executive. We must urgently consider providing the fullest autonomy to the DPP’s office…» Ce qui a été du reste fait. Mais, dès sa prise de pouvoir, l’alliance Lepep a voulu retourner à l’ancien système, afin que le bureau de Me Boolell, en commençant par la puissante Asset Recovery Unit, soit sous l’ombrelle du bureau dirigé par Ravi Yerrigadoo, un MSM non élu. D’où le début du bras de fer.

Épilogue : Il est évident que le DPP, en raison de son patronyme, est devenu une cible du gouvernement Lepep – qui souhaite le déboulonner ou le placer sous leur tutelle. Il est clair aussi que celui-ci, quelles que soient ses motivations, ne compte pas se laisser faire. Alors la question que l’on se pose : jusqu’à quand pourra-t-il tenir face à la pression que l’alliance Lepep (de Collendavelloo à Bhadain en passant par l’Attorney General Yerrigadoo) exerce pour qu’il évacue la Garden Tower ? Le gouvernement Lepep peut trouver la majorité pour amender la Constitution et solutionner le cas Satyajit Boolell. Il a le pouvoir d’amender les lois. Mais du point de vue de l’image, notamment sur le plan de la Bonne gouvernance, est-ce que notre démocratie ne va pas souffrir durablement si l’on confond le bureau du DPP avec l’ICAC ? Ce qui relève d’un réel défi pour le réformateur progressiste que Bhadain souhaiterait incarner, car au lieu d’autonomiser, il mettrait le DPP au pas, au moins partiellement, du politique ! Recommandation : Il faut dépassionner le débat et s’élever au-dessus des camps politico-dynastiques et de la mêlée politicienne…

A voir sur lexpress.mu : le débat entre Roshi Bhadain et les journalistes de notre groupe.