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Transversale: Supporter, un pigeon à plumer

11 février 2016, 14:35

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77 £ la place désormais en tribune populaire à Liverpool ? Environ 100 euros, soit Rs 4000 pour voir UN match à Anfield. Ca fait cher la place au stade ! Encore plus pour nous Mauriciens, vu ce que ça coute d’aller en Angleterre (en rajoutant le billet d’avion, l’hébergement, la bouffe)…

Pour qui a déjà vu, ou va régulièrement voir, des matches en Angleterre, l’inflation galopante du prix des places aux stades n’est pas une nouveauté. Si de prime abord, cette évolution peut paraitre logique vu la tangente ‘foot business’ dans laquelle s’est engouffrée le ballon rond, beaucoup craignent que le foot anglais perde son âme.

Que le vrai supporter soit une vache à lait qui n’a d’autre choix que de vider son portefeuille pour continuer à aller au stade et, s’il n’en a pas les moyens, il sera remplacé par un autre, peut-être moins passionné mais plus fortuné, fusse-t-il appâté en Suède, au Japon ou je ne sais où. Comme c’est déjà le cas dans des clubs comme Manchester United ou Arsenal, ou les nouveaux supporters viennent par Tour Operator et assistent à un match comme on va à l’opéra ou au cinéma. Pour les proprios tout va bien, le business tourne, tant pis pour les autres…

Dans la logique des nouveaux dirigeants des grands clubs anglais, le supporter est surtout un client. Il ne peut plus rien décider pour le club qu’il aime. ‘Customer’ : le mot qui fâche est lâché. Un terme insultant pour un fan authentique, qui vit dans la ville ou le quartier du club ou il a grandi et qu’il supporte, qui se rend compte que les intérêts mercantiles prennent peu à peu le pas sur sa passion.

Samedi dernier, à l’occasion du match Liverpool-Sunderland, 10 000 supporters des Reds ont choisi de quitter le stade à la 77e minute pour protester justement contre la hausse des tarifs à 77 £. Un geste fort et médiatisé qui a permis de mettre en lumière le triste quotidien du supporter lambda, dépouillé de ce qui lui était le plus cher. Privé de sa raison d’être.

Notre confrère londonien Philippe Auclair, qui s’exprimait lundi dernier dans le podcast Lekip Foot, a salué l’initiative des supporters de Liverpool qui ont eu le courage de quitter le stade avant la fin du match (et ironiquement, le Reds menaient 2-0 avant qu’ils ne partent… pour un score final de 2-2 !). Le fait est qu’au LFC, les supporters ont toujours été à l’unisson avec le club. Triomphant ensemble dans les années 80, lorsque les Scousers dominaient l’Angleterre et l’Europe du foot, mangeant leur pain noir depuis 26 ans et l’interminable attente d’un titre de champion. Et aujourd’hui hein, on leur demanderait de ‘walk alone’ comme si de rien n’était ?

Les Scousers n’ont pas trop envie de rire pas en tous cas : « Mr Ayre, I am not a customer, I am a fan », “Football without fans is nothing”. Si les dirigeants américains du club de la Mersey voulaient imiter leurs compatriotes qui ont décidé de prendre un virage ‘à l’américaine’ à l’Emirates Stadium et à Old Trafford, ils réfléchiront peut être à deux fois désormais. Toutefois, la crise a pu être désamorcée inextremis.

En effet, mercredi soir, coup de théâtre à Anfield : la direction du club fait volte face et abandonne ses billets à £ 77 pour les ramener à l'ancien prix, soit £ 59, tout en promettant de ne pas les augmenter pendant deux ans. Une première victoire pour le Kop qui a toutefois prévu de continuer à mener des actions pour que les droits des fans liverpuldians soient respectés...

Il n'empêche que dans les richissimes clubs anglais, le développement économique du club semble se faire au détriment du bien-être de ses fans, tant que ces derniers continuent à acheter leurs ‘season’s ticket’ et leurs maillots au Megastore sans broncher. D'autres oseront-ils élever la voix comme leurs homologues de Liverpool ?

Philippe Auclair nous faisait remarquer lundi que les supporters qui font le plus de bruit en déplacement en Angleterre, sont ceux de… Manchester United. Eh oui, ils doivent s’exiler loin d’Old Trafford pour continuer à vivre leur passion pour United comme au bon vieux temps. C'est le monde à l’envers. Pourtant, à Manchester City, les milliardaires émiratis pratiquent les tarifs les moins élevés en Premier League, comme quoi ces mécènes ne choisissent pas tous forcément de mettre un couteau sous la gorge de leurs ‘customers’...

Dans leur business plan, les riches propriétaires américains (ce sont les plus critiqués en effet) des clubs anglais veulent certainement émuler le modèle qu’ils connaissent au pays de l’Oncle Sam pour l’adapter à la Premier League. Sauf qu’un vrai supporter de foot ne va pas à un match avec du pop corn et un soda, voir un spectacle fade, interrompu toutes les 30 secondes par des ralentis vidéos ou des spots publicitaires. Ne confondons pas match de Premier League et Super Bowl. Voilà toute la différence entre ceux qui pensent le système et les irréductibles supporters qui organisent la résistance. Combat ô combien inégal.

 

Pour écouter le dernier podcast Lekip Foot :

lexp.mu/1PwoAzM