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Il est minuit, Cendrillon...
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Il est minuit, Cendrillon...
Si quelqu’un, mettons qu’il souhaite investir, ouvre son journal favori (non, on ne parle pas ici de l’express, mais d’autres journaux de référence, publiés ailleurs, à l’instar du Guardian, du Washington Post ou de The Economist) et qu’il lit un article un peu long sur un petit État de cette planète, qui aligne des dizaines de projets dits «smart», chacun coûtant, souvent, plusieurs dizaines de milliards alors que son ministre des Finances ne croit plus aux chiffres, il sourcillera un brin, vous ne pensez pas ?
Si en plus, il apprend que c’est le type de pays où il y a un Deputy PM et deux vice-PM, (alors qu’aux USA, ils n’ont besoin que d’un vice-président et qu’en Angleterre, le titre de Deputy PM a disparu avec Nick Clegg), il se promettra, sans doute, d’essayer de comprendre pourquoi. Au prochain paragraphe, on lui raconte qu’un des deux vice-PM a été en Arabie plusieurs fois récemment et que, nonobstant le fait de s’être vanté que la famille royale passerait désormais ses futures vacances exclusivement dans son pays (par ailleurs, chez un peuple juge ingrat !), ce vice-(parfois Deputy…) PM s’est auto-gratifié d’un titre ministériel supplémentaire (ministre des Affaires islamiques, et/ou celui de Hajj, dépendant des circonstances) et s’est targué d’avoir passé plus de temps avec le prince Salman qu’Obama ! En acrostiche, à la fin de ce paragraphe délicieux, on lui annonce de plus que c’est sur ce même ministre que compte le PM Modi de la Grande péninsule pour avoir un rendez-vous avec le prince Salman…
L’article, délectable jusque-là, ne s’arrête pas encore. Un autre ministre, de la Culture celui-là, par le plus grand des hasards, essaie de savoir auprès des journalistes ce qu’est un livre de chevet alors qu’un de ses collègues veut, lui, planter… 2 milliards de plantes et d’arbres dans un pays qui fait à peine 1,85 milliard de mètres carrés. Ce dernier vient, par ailleurs, de publier un livret de 72 pages à la gloire de sa première année en poste où sa photo est publiée, tenez-vous bien, 73 fois, alors que son nom est, agrippez-vous cette fois-ci, mentionné 234 fois !
C’est dans ce même pays que le PM (vous vous demandiez où il était et quand on le mentionnerait, n’est-ce pas?), reçoit gentiment, «décide» toujours de manière tranchée, mais invite, cependant, souvent, trop souvent, à consulter son fils, qui, pourtant, n’est plus membre du gouvernement, car condamné à un an de prison par une Cour de Justice (jugement contre lequel il fait appel) et qui, retranché, dans sa tour au soleil, reçoit et guide le gratin décisionnel du pays ! Vous n’y lirez pas que même la charmante belle- fille téléphone, parfois, à des ministres. Saupoudré dans le texte, on vous parle aussi d’un surdosage d’arrestations arbitraires sous le coup de «provisional charges» de toutes sortes, d’un ex-PM dont le coffre saisi recelait environ 7 millions de dollars (déprécié à 6 millions en cour de route), de conseillers spéciaux poursuivis pour corruption, du DPP himself qu’on veut mettre à pied et que l’on traite de «monstre» constitutionnel, de programmes antidrogue dûment terminés au motif que les bénéficiaires votaient trop mauve, de routes qui se lézardent, de parents qui deviennent, par un heureux hasard, les plus «méritants» pour des postes, de la télé qui reste monopole d’État, de représentants étrangers séquestrés pour interrogation à propos de contrats litigieux (par le fils héritier, son ex-conseiller légal, par ailleurs ministre de la Bonne gouvernance, ainsi que l’Attorney General du pays !), de casinos qui saignent…
«...il s’agit d’un pays où l’on ferme régulièrement les écoles, sinon les bureaux et les usines, pour cause de grosses pluies. Dans ce pays, paradisiaque et à gros succès touristique, 20 % des légumes sont au-delà des normes pour les pesticides et l’on y parle régulièrement de black-out électrique prévu en 2017-2018.»
Il tourne la page (enfin, physiquement seulement, j’espère…) et il apprend que l’œuvre principale de la première année de ce gouvernement aura été la mise au pas d’un gros conglomérat pesant théoriquement 1 milliard de dollars, accusé de malversations financières diverses, frisant le Ponzi et que, pour couronner le tout (restons dans le jargon royal ou princier), il s’agit d’un pays où l’on ferme régulièrement les écoles, sinon les bureaux et les usines, pour cause de grosses pluies. Dans ce pays, paradisiaque et à gros succès touristique, 20 % des légumes sont au-delà des normes pour les pesticides et l’on y parle régulièrement de black-out électrique prévu en 2017-2018. Les chances sont que l’image qui s’en dégage sera plutôt inquiétante, ressemblant plus à celle de la Tchétchénie qu’à celle de Singapour, n’est-ce pas ?
Il est vrai que l’on semble s’y habituer à tout ce cirque, étalé qu’il est sur un an et plus, mais bout à bout, ça vous dégage quelle image (ou quelle odeur), ce pays, enfin, notre pays ?
L’image intérieure, en tout cas, s’écorne de plus en plus. Le climat s’assombrit. On a eu l’impression que l’on vivait un conte de Perrault, on ne savait pas trop lequel, en décembre 2014, trois partis pesant moins de 5 % chacun, raflant, contre toute attente, la mise. C’était grâce à la baguette magique du «vire mam» et à de grosses poignées de poudre dûment enchantées par de juteuses promesses électorales. Cependant, le public se réveille, un an plus tard et découvre qu’il s’agit en fait de Cendrillon, qu’il est minuit et que le carrosse redevient citrouille. Ou peut-être giraumon !
Et que nous, nous sommes mis potiron !
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