Serait-ce une escroquerie de l’Alliance Lepep ? Les propos du député orange Sudesh Rughoobur, dans les colonnes de l’express, dimanche dernier, ne donnent pas une centaine de pistes d’interprétation. À l’écouter, «tous au MSM souhaitent que Pravind Jugnauth devienne Premier ministre, succède à son père et prenne les commandes dès cette année». Rien moins que ça. Donc, si l’on comprend le souhait de «tous au MSM», cela fait partie du cours normal des choses que le fils succède au père à la tête du pays, qu’importe ce qu’en pensent les Mauriciens. Les électeurs qui ont voté pour l’Alliance Lepep avec SAJ comme Premier ministre pour un mandat de cinq ans ? Tout le monde s’en fout au MSM…

À croire que Maurice, qui célèbre les 48 ans de son Indépendance dans six jours, serait une propriété privée où la filiation biologique aurait des droits. Si l’on peut comprendre l’admiration béate de certains envers leurs leaders – Pravind Jugnauth étant «exceptionnel», «ce pays a besoin de lui», affirme également l’élu du n°6 dans la même interview –, il ne faudrait pas que cet aveuglement partisan débouche sur certaines indécences. Surtout quand un député se substitue maladroitement au peuple comme l’a fait Sudesh Rughoobur en affirmant que «la population savait qu’après Anerood, ce serait Pravind».

Peut-on se permettre de s’indigner et de lui répondre que non, qu’il y a là comme une erreur sur la marchandise, qu’on renifle une odeur d’arnaque, et que le peuple n’a pas voté pour Pravind Jugnauth comme Premier ministre ? Autant qu’on s’en souvienne, toute la campagne électorale a été faite sur la personnalité de SAJ, sur ce qu’il fut, empressé qu’il était, à tort ou à raison, de s’appuyer sur le bond économique du passé pour nous faire miroiter un ou deux miracles à venir, qui sont restés coincés depuis dans les embouteillages.

Non, la population ne savait pas, comme l’affirme Sudesh Rughoobur, qu’un Jugnauth succéderait à un autre après les législatives de 2014, et ce sans consultation du peuple. S’il y avait un quelconque plan de partage de pouvoir entre père et fils, les dirigeants de l’Alliance Lepep auraient dû avoir l’honnêteté – terme dont la signification demeure inconnue des politiciens, on est bien d’accord – d’en faire état lors de la campagne électorale. Les Mauriciens seraient allés aux urnes en toute connaissance de cause et n’auraient pas l’impression aujourd’hui qu’une arnaque est en marche. Si l’affaire mérite qu’on s’y attarde, c’est parce que, hélas, Sudesh Rughoobur n’est pas le seul à avoir tenu de pareils propos. Avant lui, on se souviendra que Bhadain avait dédié la victoire de l’Alliance Lepep à «notre futur Premier ministre Pravind Jugnauth» et que Soodhun ne rate pas une occasion de faire l’éloge de Jugnauth fils comme prochain chef du gouvernement.

Est-ce que la déclarations candaleuse et inappropriée du député Rughoobur pour que Pravind Jugnauth prenne les commandes dès cette année traduit cette impression d’une absence de pilote dans le pays ? Car aura-t-on déjà vu un gouvernement, un peu plus d’un an seulement après la prise de pouvoir et se targuant d’être du côté de lepep, mettre autant d’efforts à se rendre impopulaire ? Arrestations injustes et arbitraires, absence de résultats sur le plan économique, la création d’emplois toujours en attente, une hausse de la pauvreté qui atteint maintenant la classe moyenne, la perception d’un échec du law and order, des ministres se couvrant de ridicule, des lois promises qui ne viennent pas (déclaration des avoirs des élus, Freedom of Information Act) et la dernière polémique enflammée en date : la construction d’Heritage City et son impact sur Port-Louis… Bref, la liste est déjà trop longue pour un gouvernement qui est depuis si peu de temps à la tête de Maurice. Mais que voulez-vous ? L’Alliance Lepep a d’autres priorités…