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Comment ne pas faire honneur au judiciaire ?

17 avril 2016, 07:45

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Plusieurs petits rayons de soleil timides cette semaine. La sortie de SAJ contre le mode de fonctionnement «Baz ek Boutte» de l’électorat, la fermeté avec laquelle le ministre de la Santé s’oppose aux lobbies de médecins mal formés, pour se ranger franchement du côté de ses patients, la saine analyse de Kerslay Mélanie sur notre «démocratie», la réhabilitation du «monstre»  DPP avec SAJ qui lui confie la responsabilité de poursuivre ou non son ex-ministre des Finances; autant de petites victoires pour la raison.

Mais en parallèle, nous avons dû subir l’affidavit d’un ancien chef juge, en l’occurrence Ariranga Pillay, qui, se battant comme un forcené pour un petit os de privilège onusien (vols classe «affaires» sur Emirates, hôtels cinq-étoiles et per diem à la clé) a mouillé le judiciaire dans une bataille de chiffonniers qui ne va certainement pas aider à consolider son image ! Ni la sienne (on le dit motivé par le syndrome du «lauréat» et la conviction que ce qu’il a déjà ou parfois même ce à quoi il aspire, lui revient de «droit»), ni celle du judiciaire d’ailleurs. Que diable ! Ariranga Pillay a quand même été le chef juge de ce pays pendant un certain nombre d’années (1996-2007) !

On aurait pu nous avoir épargné tout cela alors que le budget se prépare, que l’ex-ministre des finances dit sa vérité, que le KGB nous menace, que le port se discute, que le SCBG doit se repayer avant juin, que les tuyaux de la CWA perdent toujours 50% de leur eau (…)

Cet affidavit d’anthologie nous raconte, pêle-mêle, que le ministre Sinatambou (lui-même «lauréat») détient un third class honours de Balliol College et que c’est sa colère d’avoir été «failed»  dans le «Paper III» d’un examen de notaire en…1995  qui explique, en fait, le non-renouvellement de son mandat au CESCR de l’Onu !

En effet, Ariranga Pillay était, alors, le chairperson du Board of Examiners du Council of Legal Education et le candidat «failed»  de 1995 (confirmé en cela par le notaire Montocchio, appelé en renfort comme examinateur indépendant) était, entre-temps, devenu le ministre des Affaires étrangères, dont l’opinion était devenue incontournable pour renouveler le contrat d’Ariranga Pillay… L’affidavit raconte aussi, sans pudeur, les antécédents et les alliances tamoules du ministre Sinatambou qui lui ont fait croire qu’il serait bien soutenu, ainsi que ses démarches de plus en plus frénétiques pour faire avancer son dossier, au fur et à mesure qu’approchait l’échéance. Selon lui, son renouvellement de mandat avait déjà été approuvé par le PM. Cependant, le 9 décembre 2015 (date de l’échéance pour l’enregistrement des postulants), on lui confirmait que le SPJ Balancy avait été choisi à «sa» place.

Ce qui déclenche alors dans l’affidavit un long réquisitoire contre, cette fois, le SPJ Balancy, à qui il reproche d’être plutôt requis en Cour suprême, où il aurait, allègue l’ancien chef juge, déjà tendance à être lent à rendre jugement alors qu’il a un manque «évident» d’expérience et de compétences, «particularly in the field of economic, social and cultural rights, as is made clear by the CV he had sent…In any event, he does not have the sort of expertise and experience that I have and has no serious prospect of being elected to CESCR… whereas I have made a name for myself… both here and abroad…»  Avant de souligner qu’il avait raison puisque le SPJ Balancy ne fut pas élu au CESCR lors des élections… du 5 avril dernier.

En conséquence, Arianga Pillay réclame à la Cour suprême la permission («leave») pour demander un judicial review des décisions prises avec, à la clé, une déclaration que la décision de le remplacer comme candidat CESCR était «illegal, biased, wrongful, arbitrary, ultra vires, driven by improper motives, grounded in irrelevant considerations and Wednesbury unreasonable».

Vous ne trouvez pas tout ça charmant que cette affaire soit en Cour suprême et prenne de la place dans la queue de toutes les affaires sérieuses qui attendent déjà ?

Ici, dans votre Kronik dominicale, nous trouvons cela pathétique, d’autant qu’Ariranga Pillay, 71 ans cette année, nommé pour la première fois au CESCR en 1997, était alors, définitivement bien moins expérimenté dans le droit social, économique et culturel qu’il ne l’est aujourd’hui. Selon son argument, qui pourra un jour, dans ce cas, prendre sa relève ?

Mieux ! Alors qu’Ariranga Pillay souligne, au paragraphe 23(b) que le chef Juge aurait dû avoir été consulté dans le cas présent, il oublie de signaler qu’en 1997 quand il fut lui-même nommé au CESCR, le chef juge qu’on aurait alors dû avoir consulté était, depuis un an… lui-même !

On aurait pu nous avoir épargné tout cela alors que le Budget se prépare, que l’ex-ministre des Finances dit sa vérité, que le KGB nous menace, que le port se discute, que le SCBG doit se repayer avant juin, que les tuyaux de la CWA perdent toujours 50 % de leur eau, que Heritage City passe avant l’asphaltage de routes en zone industrielle, que les investissements grippent, que des emplois se perdent, que la pauvreté recule difficilement, que l’on agresse et que l’on tue dans les chaumières, que les enfants à besoins spéciaux restent des laissés-pour-compte, que le mauricianisme et la méritocratie se défendent alors qu’ils devraient fleurir…

Alors le CESCR d’Ariranga Pillay ? Tu parles ! Foutaises !